Verse - Aggression
Chronique
Verse Aggression
Généralement, les gens qui disent « ouais, je suis pas né à la bonne époque » et autres niaiseries du genre sont des réacs à veste à patchs qui se lamentent sur le fait que le heavy metal traditionnel ne soit plus à la mode en France, et que l’Europe du Nord c’est mieux, et que le Keep It True est devenu trop commercial… Je me suis souvent moqué d’eux, les toisant du haut d’une scène hardcore qui va toujours de l’avant tout en sachant garder un pied dans des traditions bien ancrées et respectées d’une bonne majorité. Et puis il y a quelques années, j’ai commencé à mettre le nez dans le hardcore mélodique des années 2000. Evidemment, je n’ai pas pu rater Bridge 9 Records, c’eut été une hérésie. Et parmi leur catalogue plus que fourni, la perle rare. Non, je ne veux pas mettre la lumière sur Have Heart ici, bien que ce soit un classique parmi les classiques, injustement absent de nos lignes. C’est bien de Verse dont il va être question aujourd’hui. Tout droit sorti de Providence, Rhode Island, le quintet a sorti trois albums et un EP sur leurs 8 années d’activité, bien qu’elles aient été entrecoupées d’un split de deux ans. Rien de très surprenant dans une scène caractérisée par cette philosophie « better burn out than fade away ». Bref, tout ça pour dire que le jour où j’ai écouté cette galette pour la première fois, moi aussi je suis devenu un réac.
« Aggression » est donc le deuxième album de Verse, sorti quelques mois avant que le groupe perde son étiquette « straight edge », ce qui aura accéléré sa (première) chute. C’est donc un album qu’il faut aborder dans son contexte. Un contexte de tournées intenses, éreintantes, certainement vectrices de doutes et de remises en question. Ce bouillon d’émotions sera le terreau pour un album caractérisé par une approche écorchée du hardcore. Cela va sans dire qu’on pensera à Have Heart et Champion à l’écoute de ce second album. Pour autant, autre chose s’en dégage. La rage est tantôt contenue, tantôt elle jaillit. Attention, l’explosion n’est pas volontaire, elle n’est pas contrôlée, mesurée, millimétrée. Elle a été trop longtemps contenue et sort dans un déchaînement de coups lancés au hasard et de pleurs colériques. Elle est la résultante d’un trop-plein, d’un amoncellement de questionnements internes (« Suffering To Live, Scared of Love ») et de cruauté sociale (« Sons and Daughters »). Verse n’oublie pas pour autant de regarder plus haut que ses problèmes et nous gratifie d’envolées mélodiques planantes qui redonnent espoir (« The New Fury »). A ce stade de la chronique, ne pas avoir cité le triptyque « Story of a Free Man » relève de l’hérésie. Disons que je me suis gardé ce monument pour conclure ce paragraphe tant ces morceaux sont ambitieux et représentatifs de ce que Verse est capable de proposer à son apogée. L’histoire poignante d’un homme qui touche le fond et qui se relève du pire sur fond de mid-tempos contemplatifs, de crescendos tels des hommages à ce que le hardcore a de plus emo jusqu’au final épique, grandiose, chargé. « He walked away a new man. This is the story of a free man ».
J’ai pour habitude d’atténuer mes éloges du premier paragraphe dans un second paragraphe où je liste les points que j’ai trouvés plus discutables voire carrément dérangeants dans un album. Ici, l’exercice devient particulièrement périlleux voire forcé. La seul reproche que je pourrais faire à Verse serait les quelques passages lents, limites post, en fin d’album qui ressemblent parfois à des outros et qui peuvent surprendre. On ne va pas se mentir, j’ai longtemps gratté pour venir trouver ce défaut-là. C’était vraiment question d’en trouver un. Et si je veux vraiment insister, appeler « Aggression » un album chargé d’émotions aussi complexes et subtiles est réducteur. Voilà. Trop humbles messieurs !
Cet album est à ranger entre Promise Kept de Champion et Songs to Scream at the Sun de Have Heart. Si un Comeback Kid traîne dans le coin, vous pouvez lui accorder une petite place aussi. Par contre, si vous avez une étagère réservée aux classiques, aux pépites, à ces albums qui vous marquent à jamais et que vous pourriez écouter en toutes circonstances, alors il y a peut-être plus sa place.
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