Year Of The Knife - Ultimate Aggression
Chronique
Year Of The Knife Ultimate Aggression
Il est difficile de se pencher sur la scène hardcore par les temps qui courent. Entre les groupes bien installés qui continuent à tourner et sortir du contenu régulièrement, les petits nouveaux qui ont plus que faim et ceux qui s’imposent comme des références majeures en moins d’un quinquennat, où donner de la tête ? Aujourd’hui, j’opte pour le dernier cas de figure (qui a dit « comme dans toutes tes chroniques » ?). Year of the Knife, tout droit sortis du Delaware, ne laissent pas indifférents pour plusieurs raisons. Que ce soit la composition du groupe, l’ascension fulgurante ou la signature chez Pure Noise Records pour leur premier album, impossible de passer à côté du phénomène. Ajoutez à cela des tournées incessantes et fracassantes (RIP ma dent et mon nez, petits anges partis trop tôt) à travers le monde et surtout les Etats-Unis, l’élément indispensable pour tout groupe de hardcore un tant soit peu ambitieux, et vous obtenez les conditions parfaites pour un cocktail explosif, qui n’attend plus que d’être jeté à travers la fenêtre d’un dealer un peu trop prolifique.
Car oui, Year of the Knife annonce la couleur dès la pochette : des armes, des seringues, des liquides qui bouillent dans des cuillères, des pilules et un chien enragé. “Tell me why I should let you survive when you’ve poisoned a handful of mine?” “Evil, under the flesh, what you put in your blood it’s evil »… Si, avec Trail of Lies, je faisais l’éloge d’un straight edge positif, ambitieux et motivant, ici, l’intention n’est clairement pas de tirer l’auditeur vers le haut. Cet album pourrait se résumer par « Après moi, le déluge ». Ou plutôt, « Pendant moi, le déluge ». Car même si le quintet est revendiqué straight edge, ça n’est pas le seul prisme par lequel le groupe envisage de tout détruire sur son passage : notre cupidité qui aura détruit la planète sur « Fatal », les violences policières sur « Blue Lies », la religion sur « Ultimate Disease »… non pas que les thèmes soient particulièrement ambitieux, mais on peut leur reconnaître leur honnêteté franche et leur cohérence avec l’ambiance musicale. Le choix du mot « déluge » n’est pas un hasard pour qualifier Ultimate Aggression. Le groove est ravageur, il nous transperce de part en part. Dès l’intro « Y.O.T.K », qui n’a pas d’autre vocation que d’être un aperçu de la sauce à laquelle on va être mangé, le ton est colérique, la basse nous claque au visage et les vocalises du chanteur et de la bassiste n’ont pas d’autre objectif que de nous violenter. Il n’y a même pas de paroles, seulement la répétition sauvage et brute de hurlements et de « Y.O.T.K », tel un mantra, une façon de rentrer en transe.
L’exutoire enclenché, la seule surprise proviendra des ralentissements caractéristiques à cette scène hardcore qui a un pied dans les années 2000 et un pied bien en 2019. Les « side to side » deviennent des incitations à peine masquées au crowdkill, les riffs ne font preuve d’aucune complexité pour être sûrs que vous puissiez bien mettre des mandales sans vous faire surprendre. Vous le voyez venir, le reproche du manque de prise de risque ? Et bien non, même pas. « Your Lucky Day » rappelle le Kickback des années 2000 dans sa mélodie malsaine et dissonante, « Evil » prend le temps de traîner un peu sur la fin malgré son riffing presque thrashy et l’ensemble de l’album est surtout une telle démonstration de force, de cohérence et de maturité que je cracherais dans la soupe si je demandais déjà au groupe de se réinventer, d’innover... N’oublions pas que cet album arrive seulement quatre ans après la naissance du groupe et que c’est le premier. Si c’était le niveau de qualité que l’on pouvait exiger de tout premier album, les scènes extrêmes pourraient dormir sur leurs deux oreilles.
En définitive, Year of the Knife a, lui aussi, le potentiel de devenir un très grand. Quand les Terror, Hatebreed, Madball et autres darons de la scène tireront leur révérence, il leur faudra des successeurs et le combo du Delaware l’a très bien compris : il en veut et il en a. Quant à nous, à part être ravis d’assister à la renaissance d’une scène hardcore toujours plus puissante et ambitieuse, que faire ? Soutenir, mosher, organiser, participer… ? Ah oui.
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