Year Of The Knife - Internal Incarceration
Chronique
Year Of The Knife Internal Incarceration
La perception relative du temps est un phénomène surprenant. D’un côté, avoir soufflé ma première bougie dans la grande famille de Thrashocore m’a pris de court alors que de l’autre, un an et demi entre deux albums de Year of the Knife m’a semblé être interminable. Pareil, la demi-heure que dure Internal Incarceration n’est pas aussi longue que celle qu’occupe un collègue de boulot qui s’empresse de venir me raconter ses vacances à la mer en famille. Je me refuse à le croire. En tout cas, si je devais comparer les deux, ce serait plus dans le degré de violence infligé que ça se situerait. Par contre, pour pondre une introduction aussi bancale que celle-là, l’album dont on parle aujourd’hui a déjà tourné une fois. Décidément, non, on ne peut pas faire confiance à ses sens. Pourtant, ça n’est pas faute d’avoir tout fait pour écourter l’attente. Les Delawariens nous ont abreuvés de morceaux (« Sick Statistic » sur la compilation issue du Pure Noise Tour 2019, » Manipulation Artist » révélé pendant leur « live confiné » sur Hate5six…) mais rien n’y faisait, le temps me durait. Il me durait d’autant plus que ce dernier ne m’avait pas nécessairement convaincu. Un refrain un peu pataud dans lequel est scandé un adage quelque peu éculé, ça n’est pas le plus engageant. Et puis il y a toujours l’angoisse liée aux trop grandes attentes, ces espoirs déçus qui nous rappellent trop de souvenirs de groupes prometteurs qui s’effondrent, piste après piste, sur l’autel d’une ambition démesurée ou d’un essoufflement prématuré.
N’ayons pas peur des mots, je vais mettre les pieds dans le plat, sans plus attendre, tout de suite, je vous livre instantanément mon avis, sans fard ni hésitation, sans peur ni reproche : j’ai un mal fou à me prononcer sur cet album. Pourquoi, me direz-vous ? Tout d’abord, parce que cet album est massif. Gargantuesque. Le virage death amorcé par le groupe rajoute une couche de gras sur le hardcore déjà hargneux qu’ils jouaient jusqu’à présent. C’est bien simple, à la première écoute, j’étais comme cet enfant qui a été giflé injustement par un adulte qu’il ne connaît pas pour une connerie qu’il n’avait pas fait. J’avais mal, je me sentais con et je n’osais pas demander mon reste. Pour autant, dans le fond, vous le savez comme moi, on se dit qu’on l’a bien méritée, alors on avance, on rumine et on relance l’album. Deuxième claque, à peine dégrossie. Puis une troisième, une quatrième… et les astres commencent à s’aligner. Encore aujourd’hui, un mois et des dizaines d’écoutes plus tard, je découvre certaines subtilités, je retiens ma respiration sur certains passages, noyé dans la déferlante.
Dans un second temps, je peine à avoir un avis tranché parce que cette nouvelle galette fait montre, dans le même temps, d’une évolution spectaculaire et d’une stagnation dommageable. Je m’explique. YOTK a, en un an, pris dix ans. C’est comme si deux groupes avaient fusionné pour ne faire de leur expérience qu’un bloc, affuté par des influences bien digérées et des tournées, des rencontres, des mises à l’épreuve permanentes de leur musique. A contrario, le groupe s’est beaucoup trop enfermé dans un schéma « à refrains » qui le dessert totalement. Je mentionnais déjà « Manipulation Artist » mais « This Time » ou encore « Virtual Narcotic » tombent dans cet écueil de façon flagrante. Quelle frustration de voir cette rage, cette colère, ce chaos se ranger bien sagement derrière un refrain parfois un peu sautillant, à d’autres moments plus chantants… L’impression qui en résulte est d’être retenu dans l’élan, freiné aux abords du maelstrom. C’est d’autant plus dommage que d’un point de vue des textes, Tyler s’est démené et a su faire évoluer son propos. La base est toujours la même, le lyriciste revendique un straight edge rageur, agressif et impétueux. A la différence que cette fois, il le justifie, il l’étaye, il va même jusqu’à ouvrir des cases de sa vie pour en laisser entrevoir la noirceur et donner tout son sens à ses hurlements (« Internal Incarceration », « Eviction », « Sick Statistic »). Afin d’éviter la redondance, bien sûr, d’autres sujets sont abordés, eux aussi similaires à ceux que l’on retrouvait déjà auparavant, mais avec un intérêt littéraire ou intellectuel encore plus poussé (« Virtual Narcotic », « Through the Eyes »). En revanche, le style vocal n’a que très peu voire pas évolué. Ici le schéma se répète, des améliorations nettes entachées de regrets, d’une envie de perfection jusqu’au-boutiste. Je n’avais pas prévenu que j’avais de grands espoirs ?
En définitive, je ne suis qu’un gamin capricieux qui voulait son album plus vite, plus grand, plus fort, plus mieux… J’ai déjà tout ce qu’il me faut et bien plus encore, et tout ce que je trouve à faire, c’est marteler « c’est quand qu’il arrive » jusqu’à l’avoir et m’en plaindre pour des broutilles. Elle était peut-être pas si injustifiée que ça, cette gifle, finalement ?
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