Malgré quelques changements de line-up et autres bouleversements internes (eh oui, exit Claudio Rojas (chant) et Felipe Zará (batterie)), nombreux sont ceux qui attendaient néanmoins de pied ferme la sortie du premier album des Chiliens de Suppression. Il faut dire que le groupe originaire de Santiago avait placé la barre relativement haute il y a près de trois ans avec la sortie d’un EP absolument redoutable (
Repugnant Remains) que l’on n’avait bien évidemment pas manqué d’encenser ici même.
Intitulé
The Sorrow Of Soul Through Flesh ce premier album s’apprête à voir le jour sur le label américain Unspeakable Axe Records chez qui était déjà sorti en vinyle ce précédent EP évoqué un petit peu plus haut. Pour l’occasion, les Chiliens sont allés toquer aux portes de Colin Marston (mixage et mastering) et Paolo Girardi (artwork) pour s’assurer que leur musique soit correctement mise en boîte et illustrée. Si on laissera chacun juger du travail de l’Italien capable du meilleur comme du pire, la production de monsieur Marston s’avère quant à elle sans faille. D’une puissance et d’une clarté alliant caractère et modernité, celle-ci va servir comme il se doit le propos d’un Suppression qui ne s’est vraisemblablement pas assagit avec les années et ainsi donner à chaque instrument les moyens de s’exprimer pleinement. Bref, d’emblée les choses semblent particulièrement bien engagées.
La seconde bonne nouvelle à la découverte de
The Sorrow Of Soul Through Flesh est que ces changements de line-up n’ont eu que très peu d’incidence sur la formule des Chiliens et leur Death / Thrash particulièrement virulent. Alors là vous vous dites que je suis bien gentil mais que lorsqu’un chanteur en remplace un autre et bien généralement cela s’entend… Eh bien non, pas tant que ça puisque dans le cas présent, Alejandro Cruz (Ancient Crypts, ex-Unaussprechlichen Kulten) fait parfaitement illusion à tel point que sans véritable confirmation si ce n’est celle offerte par Metal Archives qui m’assure que celui-ci a bien intégré les rangs de Suppression en 2021, j’en viens à douter de sa présence derrière le micro. Si c’est effectivement bien lui, ce dernier possède à la manière d’un Claudio Rojas une voix âpre et rugueuse dont les intonations évoquent celles d’un Chuck Schuldiner ou d’un Martin Van Drunen des débuts. Un growl arraché et intelligible rappelant ainsi ce qui se faisait à la fin des années 80 et sied à ravir à ce Death / Thrash furieux, intense et technique aux fortes réminiscences floridiennes.
La dernière bonne nouvelle, surtout, est qu’après un
Repugnant Remains extrêmement prometteur, les Chiliens ne déçoivent pas et confirment même d’une bien belle manière l’énorme potentiel aperçu le temps de ces quatorze minutes beaucoup trop frustrantes. En effet,
The Sorrow Of Soul Through Flesh s’apparente à la démonstration d’un groupe en pleine possession de ses moyens et dont les influences certes toujours évidentes n’ont jamais semblé aussi bien digérées. Encore une fois, l’auditeur attentif se régalera de la délicieuse basse de l’ex-Ripper Pablo Cortés qui, sans en faire des caisses, placé légèrement en retrait dans le mix, laisse libre court à sa créativité avec des lignes voluptueuses rappelant la scène Tech Death floridienne, d’Atheist à Death en passant par Cyni, Nocturnus ou Monstrosity. Bref, un véritable régal qui apporte groove et mélodie à un album mené le couteau entre les dents.
Car ne vous y trompez pas, Suppression n’est pas là pour enfiler des perles et le prouve grâce à une succession de compositions toutes plus jouissives les unes que les autres. Eh oui, s’il arrive parfois que l’on puisse trouver un ou deux titres moins convaincants sans pour autant que cela nuise à l’homogénéité d’un album quelqu’il soit, il n’en est rien ici puisqu’il n’y a tout simplement rien à jeter, même pas cet interlude acoustique de cinquante-deux secondes ("Arrowheads") qui, en plus d’un peu d’air, vient apporter des sonorités latines inattendues rappelant l’identité même de Suppression. Pour le reste, outre cette basse hyper sexy aux rondeurs affolantes, on va retrouver tout ce qui rendait déjà
Repugnant Remains aussi convaincant. Cette intensité typique de la scène sud-américaine et qui fait de Suppression un digne héritier de groupes tels que Sadus, Sepultura, Demolition Hammer, Morbid Saint et autres formations toutes aussi pleines de rage. D’ailleurs, histoire de nous mettre les points sur les "i" dès le départ, Suppression va nous cueillir avec un "Lifelessness" sans équivoque. Une synthèse en trois minutes et quarante-neuf secondes de ce que nous réserve l’album dans sa globalité : Enchainements particulièrement rapides de riffs complexes et aux formes multiples et changeantes, nombreuses variations de rythmes à travers notamment une alternances de franches accélérations parfois très brutales, passages plus en retenus marqués comme toujours par cette excellence technique (une excellence jamais pompeuse et toujours au service des compositions et de l’efficacité générale) et séquences pleines de groove taillées pour briser des nuques et donner littéralement envie de tout casser. Le tout est naturellement souligné par quelques solos mélodiques inspirés et bien sentis qui apportent là encore davantage de relief au Death / Thrash furibard des Chiliens et par cette basse avec laquelle je vous bassine depuis le début de cette chronique. Bref, c’est un véritable sans faute de A à Z.
Alors oui, ce serait vous mentir que de vous dire que je n’en attendais pas tant de la part de Suppression. La vérité c’est que comme tous ceux ayant précédemment chauffé leurs cervicales sur l’excellent
Repugnant Remains, j’attendais beaucoup des Chiliens. Malgré les quelques changements de line-up, ces derniers ne déçoivent en aucun cas et confirment même qu’ils sont effectivement aujourd’hui l’un des meilleurs groupes de Death / Thrash en activité dans le circuit. Tout y est parfaitement maîtrisé, de ces puissants et nombreux relents issus d’une ancienne école toujours aussi vivace à une certaine modernité, notamment dans la manière dont est restitué le propos, Suppression brille par sa capacité à rendre sa formule à la fois brutale, agressive, lisible, mélodique et débordante de groove. Un sans faute particulièrement enthousiasmant qui en fait d’ores et déjà l’un des finalistes à l’album de l’année 2022. Enfin, comme pour Mortify et son dernier album, saluons l’intérêt porté par les Sud-Américains à ces morceaux instrumentaux qui donnent à mesurer tout le talent de ces derniers sans cette distraction que peut porter la présence de lignes de chant ("Unwinding Harmonies"). Ouais, je suis sous le charme et vous devriez l’être vous aussi !
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