Downset - downset.
Chronique
Downset downset.
"Anger! Hostility towards the opposition!"
C’est sur cette phrase répétée à seize reprises que s’ouvre l’un des albums de Fusion les plus emblématiques des années 90. Une entrée en matière répétitive mais radicale qui à le mérite de mettre les pieds dans le plat des fois que cet artwork sur fond de constitution américaine sur lequel est représenté un homme bâillonné avec un drapeau américain ne soit pas suffisamment équivoque (et encore, on pourrait également mentionner cet hélicoptère du LAPD et son projecteur transperçant, ce bandeau sur lequel est écrit "lies", ces larmes qui coulent de ses yeux apeurés ou bien ces flammes gigantesques qui font forcément écho aux émeutes de Los Angeles de 1992). Aujourd’hui, vingt-six ans après sa sortie, le message délivré par Downset reste malheureusement d’une pertinence plus vraie que jamais. Un constat triste et amer pour une civilisation se voulant si évoluée...
Sorti deux ans après le premier album de Rage Against The Machine, ce disque de Downset n’a bien évidemment eu aucun mal à trouver son public. Aux côtés des premiers albums de Body Count, Fishbone, Urban Dance Squad ou Living Colour, il reste l’un des essentiels d’un genre dont la popularité n’a pourtant pas fait long feu, quelque peu balayé par ces groupes de Grunge puis de Nu Metal avec qui ils se partageaient les ondes et les couvertures de magasines. Quoi qu’il en soit, en ces temps particulièrement sombres et incertains, il est bon de rappeler que ce genre d’album existe.
Formé à Los Angeles en 1986 sous le nom de Social Justice, le groupe choisira de changer de patronyme quelques années plus tard, optant ainsi dès 1992 pour celui de Downset. L’année suivante les Californiens sortent une nouvelle démo (la première sous ce nom) intitulée Our Suffocation. Sans surprise étant donné l’intérêt porté par le public à un groupe comme Rage Against The Machine, il ne faudra pas longtemps pour qu’une major s’intéresse de près au cas de ces cinq chicanos qui signeront ainsi dès 1994 un deal avec Mercury Records pour la sortie de ce premier album.
Fusion des genres, downset. c’est la rencontre frontale et sans fard entre Hardcore et Rap. Deux genres nés dans la rue et pour lesquels la musique a longtemps été, au moins au début, un moyen d’expression face à l’oppression et à tout ce qui n’allaient pas dans nos sociétés occidentalisées. Et pour le coup Downset n’a pas sa langue dans sa poche, tirant à charge sur la police de Los Angeles (celle qui a tué le père de Rey Oropeza) et pointant du doigt ce que bon nombre refusent de voir : la violence urbaine, l’objectification sexuelle de la femme et le racisme ordinaire. Un disque chargé politiquement et qui évidemment pue la rage, celle de cinq hommes confrontés à ce quotidien violent, injuste et impitoyable.
Au-delà de ce discours engagé, il reste alors la musique. Un mélange de Hardcore hérité essentiellement de cette époque où le groupe se faisait encore appeler Social Justice, de Thrash pour cette lecture assurément plus agressive et pour cette production plus métallique et abrasive et de Rap pour ce flow âpre et vindicatif d’un Rey Oropeza aka The Messenger. Là s’arrête cette fusion, Downset n’ayant pas dans son effectif d’élément préposé aux platines ou de véritable MC pour mener la danse.
La formule employée par les Américains n’a donc rien de bien sorcier et se distingue quelque peu de celle d’un Rage Against The Machine au riffing si particulier mais naturellement ce n’est pas ce qu’il faut retenir de ce premier album. Ce qui prime ici c’est cette colère exacerbée et ce ras-le-bol exaspéré mis en musique à travers des compositions rageuses mêlant la force de frappe et l’immédiateté du Hardcore et du Thrash, le groove et l’esprit résolument urbain du Rap et cette verve acide et dénonciatrice que l’on peut retrouver dans les deux, autant dans le Rap que dans le Hardcore. Servi par une production abrasive et puissante, downset. se caractérise ainsi par des morceaux au groove vicieux (ce son de basse métallique n’y ait probablement pas étranger même si on pourrait bien évidemment évoquer ces moments plus chaloupés) et aux riffs particulièrement âpres et nerveux. Bien sûr "Anger" est et restera probablement encore longtemps le titre le plus emblématique composé par Downset mais ce premier album est cependant truffé de brulots incandescents tout aussi imparables. De "Ritual" à "Take ‘em Out" en passant par "Prostitutionalized", "My American Prayer", "About To Blast" ou "Breed The Killer", il n’y a pas grand chose à jeter sur ces trente-cinq minutes homogènes menées le couteau entre les dents et la rage au ventre.
Arrivé deux ans après l’éponyme de Rage Against The Machine et un an après l’une des meilleures bande-originales de film sorties à ce jour (celle de Judgment Night mêlant groupes de Rock au sens large (de Sonic Youth à Slayer) et artistes Rap), ce premier album de Downset conserve encore aujourd’hui tout son intérêt, encore un peu plus à la lumière des évènements récents. Car au-delà de cette musique métissée et ultra efficace en forme de coup de poing, les cris de rage, de colère et d’incompréhension de Rey Oropeza n’ont jamais autant résonner qu’actuellement : "This is America the hatefull! (...) Martin Luther King! Rubén Salazar! Malcolm X! John F. Kenedy! Red, White and Blue is gonna kill you!".
| AxGxB 2 Juin 2020 - 1626 lectures |
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