Porté par le succès du premier album de Rage Against The Machine sorti en 1992, Downset n’aura aucun mal à trouver son public lorsque deux ans plus tard il débarquera de South Central avec sous le bras un premier album éponyme tirant à balles réelles sur la police de Los Angeles. Bien décidé à entretenir l’intérêt du public à son égard, les Californiens s’attèleront sans perdre de temps à la composition et à l’enregistrement de leur deuxième album. Aussi, malgré la défection du guitariste Rogelio Lozano qui en plus de ne pas être remplacé, réintégrera les rangs de la formation quelques années plus tard, Downset sort en septembre 1996
Do We Speak A Dead Language?. Cependant, le groupe n’est pas seul sur ce créneau et même si les deux formations s’avèrent très différentes l’un de l’autre, c’est la même année que Rage Against The Machine choisira de faire son retour avec la sortie quelques mois plus tôt du fameux et très attendu
Evil Empire.
Si la comparaison semble inévitable et cela pour plusieurs raisons (tous les deux viennent de Los Angeles, partagent les mêmes influences Hardcore, n’ont pas leurs langues dans leurs poches et s’amusent à fusionner les genres sans se soucier des conventions et des « qu’en-dira-t-on »), l’approche respective de ces deux formations n’a pourtant jamais été aussi éloignée l’une de l’autre qu’à cet instant précis. Là où Zach de la Rocha, Tom Morello, Timothy Commerford et Brad Wilk vont chercher à arrondir les angles en ralentissant notamment la cadence ou en canalisant les inclinaisons bruitistes de Tom Morello, Downset va prendre quant à lui le chemin inverse. En effet, avec pas moins de quinze nouveaux morceaux sous le coude (dont dix exécutés sous la barre des trois minutes), Rey Oropeza et ses compadres vont continuer à cultiver ce fort sentiment d’urgence qui qualifiait déjà leur premier album tout en cherchant à l’accentuer sensiblement.
Enregistré aux Silver Cloud Studios ainsi qu’aux American Studios en compagnie du producteur Roy Ramirez,
Do We Speak A Dead Language? s’ouvre une fois de plus sur des paroles chargées, celles de Martin Luther King tenues lors de la marche de Selma à Montgomery en 1965 :
"We must come to see that the end we seek is a society at peace with itself, a society that can live with its conscience. And that will be a day not of the white man, not of the black man. That will be the day of man as man.. Un discours qui en 1996 et encore aujourd’hui continue évidemment de résonner avec une évidente justesse. Le temps n’est donc pas à l’apaisement mais toujours à la contestation. Une contestation menée à travers un discours acerbe visant une fois de plus à élever les consciences et à pointer du doigt toutes les choses qui ne vont pas dans nos sociétés capitalistes modernes. Comme sur son premier album, tout y passe. Le racisme ordinaire et institutionnel, les violences policières, la drogue, cette quête perpétuelle de pouvoir et d’argent, ces inégalités de plus en plus évidentes qui frappent le monde et même l’amour. Non, Downset ne s’est certainement pas assagit et s’il continue de nous le faire savoir à travers ses paroles rageuses et pleines de bon sens, le constat est tout aussi évident à l’écoute de ces quinze nouvelles compositions.
Privé d’un guitariste, la musique de Downset aurait tout à fait pu perdre en puissance et en intensité. Cependant il n’en est rien et c’est une fois encore la rage au ventre que les quatre californiens vont mener leur lutte des classes. Si la fusion entre Hardcore, Thrash et Rap est donc toujours de mise, on remarque que dans l’ensemble la formation s’appuie sur un discours plus concis. Sans s’affoler outre mesure,
Do We Speak A Dead Language? se distingue effectivement de son prédécesseur par des morceaux sensiblement plus courts révélant ainsi une intensité et une énergie un poil plus développée qu’auparavant. On va même trouver quelques titres ou séquences particulièrement marqués par les premières influences Hardcore du groupe, lorsque celui-ci se faisait encore appeler Social Justice (on pense notamment à "Against The Spirits" mené tambour battant même si nous pourrions également évoquer quelques passages sur "Hurl A Stone", "Fire", "Sangre De Mis Manos" ou "Ashes In Hand"). Toutefois, c’est bien cette fusion des genres qui domine là encore et de laquelle découle en plus de cette urgence encore plus évidente, ce groove urbain radical et toujours aussi irrésistible qui fait (au moins en partie) la force de frappe de Downset (le flow impeccable et incendiaire de Rey Oropeza, le riffing de Brian "Ares" Schwager qui ne manque pas d’accroche, ces breaks ultra efficaces qui n’ont sûrement pas manqués de dérouiller quelques cervicales, etc). Finalement, le seul reproche que l’on pourrait adresser à ce deuxième album, c’est cette baisse de régime flagrante entamée en toute fin de parcours. La faute à des titres moins intéressants ("Sickness (Reprise)" qui comme son nom le suggère va reprendre le motif principal du morceau "Sickness" joué quelques minutes auparavant) ou tout simplement beaucoup plus sages et modérés ("Permanent Days Unmoving" et son piano empreint de désespoir) qui vont tout simplement rompre avec cette dynamique entamé dès l’excellent "Empower". Heureusement, "Ashes In Hand" viendra conclure l’album sur une touche Hardcore ultra efficace qui ne manquera pas de faire son petit effet en dépit d’une fin bien plus calme et d’un morceau caché en hommage aux quelques disparus plus ou moins proches de la formation…
Dans la lignée de l’excellent
downset.,
Do We Speak A Dead Language? s’inscrit dans ce que la Fusion entre Hardcore, Thrash et Rap a engendré de meilleur. Un poil plus intense que son prédécesseur et même peut-être plus abouti en matière de songwriting, celui-ci n’a pourtant jamais eu chez moi la même portée que son ainé qui restera à jamais le meilleur album de Downset à mes yeux. Pour autant, difficile de ne pas succomber aux charmes délicieusement 90’s de cet album sincère et passionné marqué par cet ardent désir de justice et d’humanité :
"Poverty is the worst form of violence! I am not a lower form of human life!"
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