Numinous - Numinous
Chronique
Numinous Numinous
“Who the fuck cares about strumming a guitar when you can beat people up, steal, burn, destroy and worse with immediately delightful and tangible results?”
C’est en ces termes que s’exprimait l’un des deux membres (des frères) de Numinous en 2017, dans une interview accordée à l’excellent zine « Bardo Methodology ». Et pour une fois, dans le petit monde du black metal, ce genre d’assertion malveillante est authentique, et fait même froid dans le dos. L’un des deux frères a effectivement été incarcéré en 2003 pour avoir poignardé deux personnes. Puis, en 2011, ce sont les deux membres qui sont emprisonnés pour attaque à l’arme blanche. Et quand on apprend que ces deux respectables citoyens finlandais ont dédié leur vie au culte du « Divine Evil » et qu’ils prêchent ses préceptes partout où ils passent, on a de quoi se dire que cette fois-ci, on ne va pas écouter un disque de diablotins vaguement braillards.
L’unique album éponyme de Numinous est sorti en 2011 chez Northern Heritage Records, dure une petite demi-heure, et a de quoi faire ravaler à n’importe qui ses petites prétentions spirituelles. Il s’agit d’un disque habité, traversé, hanté, possédé. Pas hurlant et frénétique à la manière d’un Funeral Mist ou d’un Behexen, mais sobre, austère, ascétique. La musique n’est que très peu nerveuse, rapide certes, mais pleine de cassures de rythme et de plages plus ambiancées que virulentes. Numinous aime les dissonances, les riffs hypnotiques et vicieux, qui trompent et sinuent. Les guitares sonnent malsaines au possible, avec une teinte qui rappellerait un peu les productions black orthodoxes (terme honni par Numinous) qui sortent de chez BST. D’ailleurs, s’il fallait comparer Numinous à un autre groupe, ce serait très certainement Antaeus ou Aosoth. Et pourquoi pas un peu Christicide aussi, dans une moindre mesure.
Numinous a une manière très particulière de jouer ses mélodies. Les notes passent de l’une à l’autre par des slides constants, comme si les motifs s’enchevêtraient les uns dans les autres dans un mouvement continu. Le rendu est étouffant, asphyxiant, et pourtant élève. On se sent tiré vers le haut, vers un horizon vertical lumineux, brûlant, malveillant et sublime. Le riff presque épique sur « The Enormity of Evil Divine » qui arrive à peu près en milieu de piste donne l’impression de quitter terre pour de bon, et le plan suivant plus lent, rampant et glorieux, sonne comme un orgue d’église qui se serait brusquement mis à jouer tout seul sous le coup d’une inspiration sinistre.
Sinistre, la musique de Numinous l’est. Pas sinistre au sens glauque ou lugubre, mais au sens où toute l’éclatante clarté qu’elle diffuse empeste le Mal. Un Mal grandiose, superbe, canonisé, mais absolu. La voix d’A. est profonde, grondante, à la fois imposante et déchirée, mixée en arrière-plan et réverbérée. Elle sous-tend parfaitement ces mélodies terribles, souvent bâties sur une ligne assez simple que vient enrichir un arpège ou des accords occultes en arrière-plan. « Drawn Towards the Black Beyond » commence exactement sur ce modèle, avant de laisser place à une mélodie ascendante qui laisse pantois. On en saurait dire comment, mais quelque chose est vivant dans cet édifice. Un peu à la manière du Casus Luciferi de Watain, on ressent l’agitation et la présence diabolique qui respire derrière la musique. La différence, c’est que Watain était rage, fièvre et dévotion, là où Numinous n’est que foi, prière et adoration. On ne trouve aucune trace de nerfs et de muscles dans cet album, uniquement des os. Même quand l’agressivité monte d’un cran, on ne ressent aucune tension incarnée, aucune colère atrophiée rebondissant absurdement dans un risible corps humain. Tout se passe là-haut.
Numinous est une entité à part. Une entité qui se fiche bien de la scène, de la musique, du black metal ou des cellules de prison. Numinous est un réceptacle de foi, une icône religieuse sévère et rigide, un offertoire. Une œuvre profondément occulte et riche, qui a pris substance dans un black metal classique dans la forme, mais résolument unique dans le fond. Pour ceux qui ont oublié la valeur religieuse que peut prendre cette musique, vous avez ici une chapelle ardente.
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