Crépuscule d'Hiver - Par-Delà Noires Glaces Et Brumes Sinistres
Chronique
Crépuscule d'Hiver Par-Delà Noires Glaces Et Brumes Sinistres
S’il y’a bien actuellement en France un style qui a la cote dans le Black-Metal c’est évidemment sa variante médiévale, où nombre de formations se sont engouffrées depuis quelques années et avec réussite la plupart du temps. Nouveau venu dans ce créneau CREPUSCULE D’HIVER nous arrive tout droit de la région Bourgogne/Franche-Comté avec a son actif seulement une Démo avant l’arrivée de ce premier opus, qui va se révéler être très personnel et se démarquer de la concurrence hexagonale. En effet il se montre moins violent et débridé qu’AORLHAC, mais plus aérien et atmosphérique que VEHEMENCE, tout en lorgnant plus du côté de DARKENHÖLD avec néanmoins plus d’ambition et de maturité que chez ce dernier, tant le boulot effectué par sa tête pensante se fait particulièrement élaboré de par ses longues plages riches en légendes et bordées de mystères. Car avec plus d’une heure de musique au compteur et des compos ne descendant jamais sous les huit minutes (et allant même jusqu’à plus de vingt pour la conclusion), le pari sur le papier se montre particulièrement osé et même limite casse-gueule, tant il est facile de tomber dans la redite avec une durée pareille. Pourtant l’écriture proposée ici évite ces écueils (même si on pourra chipoter ici ou là sur quelques plans étirés inutilement) en emmenant l’auditeur dans un voyage vers un passé lointain entre quotidien difficile et espoir spirituel.
Car dès l’introduction (« Que La Gloire Soit Notre ! ») on s’aperçoit que la mélodie et la douceur vont avoir pas mal d’importance sur cet album, tant ici le clavecin éthéré et mystérieux renvoie dans un univers riche de contes, sentiment qui va se renforcer dans la foulée avec l’arrivée de l’excellent « Le Sang Sur Ma Lame ». Avec ce nom très guerrier on se doute bien qu’on va avoir affaire à quelquechose de d’épique et d’entraînant, et c’est ici le cas de par son riffing coupant et cette batterie qui alterne entre mid-tempo propice au headbanging et les parties rapides et blastées. Si sa première moitié montre une violence sans limites et brute de décoffrage la seconde va elle miser sur une facette plus posée via l’apport d’une douce voix féminine et un clavier mis plus en avant collé sur une rythmique plus lente. Jouant donc autant sur la noirceur que le fantastique on s’aperçoit surtout d’une certaine chronologie dans l’ordre des évènements, point qui va s’accentuer dans la foulée via le tout aussi réussi « Héraut De l’Infâmie », qui va aller crescendo en accroche. Particulièrement remuant il montre une facette moins déchaînée et plus festive tant on a la sensation que la bataille vient de se finir et qu’elle se fête dignement, via les nappes de synthé qui apportent un certain optimisme notamment par ses cloches qui retentissent tout du long, et portent à bout de bras l’ensemble. A la fois religieuse et solaire cette compo semble être presque un remerciement au divin pour la victoire passée, d’ailleurs cela va continuer sur la même idée avec « Tyran De La Tour Immaculée ». Reprenant grosso-modo les mêmes éléments que précédemment le tout y est cependant plus énervé avec de nombreux moments propices au tabassage, afin d’accentuer le grand-écart entre furie et apaisement, où là-encore les clochers sont présents même si l’on ressent une certaine mélancolie de par une grisaille plus insistante, signe d’un retour imminent de l’ennemi. Et en effet avec « Le Souffle De La Guerre » (là-encore au nom totalement raccord) l’heure est à prendre les armes pour protéger le château et son seigneur, car après une longue introduction lancinante et préparatoire le reste ne va cesser d’alterner au niveau de la vitesse et du défoulement, afin de retrouver un combat sans merci seulement interrompu par un break tribal qui sert de pause dans les nombreuses batailles (l’on y entend le bruit des chevaux et de la population grouillante), sans que cela ne se répète malgré sa simplicité de façade.
Bien que donnant effectivement l’impression d’être sobre et basique l’écriture de l’ensemble des plages est en fait plus fine et fournie qu’on pourrait le penser de prime abord, chose encore flagrante sur le triste interlude « Les Larmes D’un Spectre Vagabond », où l’on sent l’espoir du retour et de revoir les siens, après une guerre rude et sanglante. Tout cela intervient avant la pièce-maîtresse de cet album (« Par-Delà Noires Glaces Et Brumes Sinistres ») qui offre un redoutable condensé de toutes les émotions vécues jusque-là entre virilité et douceur, chœurs féminins et voix criarde, le tout renforcé par de nombreuses cassures rythmiques et une longue conclusion acoustique et nuageuse (qui s’étire néanmoins un peu inutilement).
Du coup même si ça met un peu de temps à se conclure il n’y a pas grand-chose à reprocher à ce long-format assez impressionnant et vivifiant de bout en bout, tant les atmosphères s’y agglomèrent à merveille et ajoutent de la puissance à la production crue et à l’ancienne. S’il va falloir du temps et de la patience pour appréhender complètement le rendu général chaque nouvelle écoute va dévoiler quelquechose de différent, permettant donc de (re)découvrir cette époque d’une oreille différente, pour le plus grand bonheur de l’auditeur. Bref une fois encore on ne peut qu’être ravi de la qualité de la scène noire nationale qui prouve toute son intelligence et sa prise de risques artistique, et nul doute que malgré une dénomination qui prête plus à sourire qu’autre chose le projet mené par Stuurm est incontestablement à suivre, et se classe déjà aisément parmi les grands noms cités plus hauts. A voir si maintenant il s’inscrira dans le temps ou ne sera qu’un simple feu de paille et effet de mode, l’avenir le dira mais s’il continue comme cela il s’annonce radieux !
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