The Neal Morse Band - The Grand Experiment
Chronique
The Neal Morse Band The Grand Experiment
Un grand malade, voilà ce qu'est Neal Morse! Impossible pour un modeste terrien comme moi de suivre la cadence de tous ses projets. Notre cible du jour n'est pas de ce monde ou bien est doué du don d'ubiquité, puisqu'il en sort au bas mot deux projets par an, sans compter les lives gargantuesques qu'il donne pour les célébrer : la réputation des Morsefest parle d'elle-même. Pourtant, l'hyperactivité de notre multi-instrumentiste à la formation de claviériste nous ramène plusieurs années en arrière. Il s'est fendu d'une brillante carrière dans Spock's Beard (de 1992 à 2002) ou dans le super groupe Transatlantic, formé en 1999, abandonnée pour un temps au début des années 2000 suite à un tressaillement de sa vie privée. Sa fille Jayda, née avec un trou dans le cœur, allait subir une opération à cœur ouvert en 2003. Elle y a survécu, ce que le bonhomme a interprété comme le signe que la Providence avait entendu ses prières. Rendant ce qu'il croit lui devoir, il quitte ses projets, se convertit au christianisme et rejoint l'Église comme pasteur. Abandonner la musique restait toutefois impossible : il sort des albums marqués de ce sceau sacré, dans le cadre d'un projet solo sobrement intitulé Neal Morse : on compte notamment Sola Scriptura (2007), album concept axé autour de la vie du pasteur allemand Martin Luther, autre génie de son temps. On l'a vu titiller le clavier dans Flying Colors ou encore revenir dans Transatlantic... mais ces projets ne contentaient pas encore assez sa soif de créativité et de musique progressive.
En 2014, il a formé un super groupe non moins sobrement intitulé The Neal Morse Band, composé de Mike Portnoy (batteur), son compagnon de toujours qui partage avec lui une hyperactivité chronique depuis son départ de Dream Theater en 2010, Eric Gillette (guitare), Randy George (basse) et Bill Hubauer (claviers), pointures du genre. Cette entité se distingue de son projet solo en inculquant davantage de metal dans son rock progressif. C'est la principale raison pour laquelle il se retrouve, par un improbable hasard qui doit peut-être lui aussi sa part à la Providence, sur votre webzine préféré. Moi qui était bien tranquille dans mon coin, multipliant les chroniques de Dream Theater comme des petits pains, j'ai été « dérangé » par mon « sensei » du metal qui m'a sommé de poser une oreille sur cet album, avec ces quelques mots qui reviennent régulièrement depuis 10 ans dans nos conversations : « tiens, l'ami, écoute ça, ça devrait te plaire ». En trois notes de « The Call », qui m'évoquait initialement un gospel à la sauce Led Zeppelin où les lignes de basse démentielles et l'orgue Hammond fusent de toute part, The Neal Morse Band m'avait déjà sous la coupe de son The Grand Experiment, sorti un an après sa formation. En deux morceaux, j'étais prêt à recevoir ses sacrements, en infâme profane opportuniste. Et comme je suis de nature partageuse, je me suis dis que j'allais gentiment en faire bénéficier les copains qui ne connaîtraient pas encore ce projet.
Bien que cette musique ait vocation à être universelle, elle pourra paraître comme un créneau « de niche » sur Thrashocore. Néanmoins, les amateurs de prog teinté d'un feeling clairement 70's doivent compulsivement se jeter sur ce projet. Je parlais de Led Zeppelin, influence évidente du projet, mais ça vaut aussi pour tous ceux qui ne crachent pas sur un petit Genesis, Yes ou encore Emerson, Lake & Palmer entre le fromage et le dessert. The Neal Morse Band offre à ce style un supplément de guitares électriques qui bombent le torse, habillant ses compositions d'une parure hard rock ascendant metal clairement audacieuse, sublimée par une production aux petits oignons qui saura leur apporter la percussion nécessaire. Forcément, quand on a la chance de compter dans ses rangs la légende Mike Portnoy, il faut s'attendre à des fulgurances. L'homme a une frappe unique, qui tire toujours pile là où il faut sans oublier d'être terriblement efficace dans ses breaks électrisants comme lorsqu'il rythme un tempo plus calme. Je ne tarirai jamais d'éloge sur le bonhomme, qui ne laisse jamais la technique pourtant évidente de ses patterns prendre le dessus sur le feeling débridé qu'ils assurent systématiquement, avec sans doute, c'est probablement ce qui est le plus désarmant chez lui, une grande spontanéité. Il n'y a qu'à poser les oreilles sur ses incroyables avoinées tentaculaires du début de « Alive Again », morceau fleuve qui conclut ce disque, ou même sur les contre-temps ravageurs et l'infime subtilité de ses coups de charleston et de ride dans le début de « The Call » pour s'en convaincre. Ses petits claviers délicieusement rétro, où l'orgue de Bill Hubauer et le son synthétique de l'Alesis de Neal Morse se livrent un duel mélodique à la résonance clairement bienheureuse, certainement héritée des aspirations religieuses de ces deux hommes, plante le décor d'une belle réussite où leur amour de la musique fuse de toutes parts. Ces petits plans où la basse de Randy George exprime sa virtuosité en solo, laissant bientôt la place à un assaut totalement épique, finiront de convaincre n'importe quel amateur de metal progressif d'aller gratter ce vernis un peu naïf des paroles de Neal Morse pour passer outre, sourire au coin des lèvres, ses petits messages paroissiens qui ne feraient pas de mal à une mouche.
C'est que The Neal Morse Band a également hérité des seventies cette capacité à créer des refrains immédiatement accrocheurs :
« Leave it all behind you
Time to let it go
Free the chains that bind you
Let your heart go and follow the call ! »
Tout comme celui, résolument axé hard FM, du morceau éponyme, délicieusement lancé dans des strates bluesy ravageuses. Ces morceaux enlevés puent le plaisir à plein nez : les musiciens qui les ont composé – avec certainement une spontanéité et une rapidité qui n'a d'égale que leur talent – et les portent sur scène avec dévotion ne diront pas l'inverse. Ce projet a également hérité de cette époque un certain sens de la grandiloquence dans ses sonorités. Forcément, avec Neal Morse aux manettes, il ne faut pas avoir froid aux yeux. L'opus respire la joie de vivre et la gaité, ce qui ne peut qu'être communicatif dans les temps moroses. Faites-moi confiance et allez taper du pied sur les passages jazzy de « Alive Again », gloutonne pièce progressive expérimentale de près d'une demi-heure, qui parachève ce disque avec ce sens inné de l'épique qui émerge de tout ce que touche Neal Morse. Le bonhomme parviendra tout de même à vous émouvoir avec ses doutes et ses pensées nostalgiques touchantes sur l'enfance qu'il développe sur ce morceau...
« Sometimes
In the dark night of my soul
From the corner of my life
I see the man inside »
… pas si grenouille de bénitier que ça, finalement. Mais c'est avec une ballade incroyable, une vraie révélation, pour le coup, que le groupe touche son but. « Waterfall », certainement le meilleur morceau du disque, souffle un vent frais sur son atmosphère bigote. Cette ballade intimiste en quelques quelques notes de guitare installe une mélodie alambiquée et lumineuse, portée par les choeurs des musiciens et la voix affirmée d'Eric Gillette qui souffle des « And I'll forever know... I'll forever know I'm free... » ravageurs. Ajoutez à ça quelques notes de claviers qui évoquent des instruments à vent, notamment le saxophone alto, et mon cœur fond de plaisir. Tout ce que je vous avance là ressemble fort à un coup de foudre. Pourtant, ce n'est pas le meilleur album de The Neal Morse Band. Cet album a les défauts de ses qualités : des structures qui traînent parfois en longueur, des sonorités clairement datées (surtout en 2015), un léger ventre mou qui fait retomber le soufflet de « Waterfall » avec « Agenda », notamment, trop léger pour être parfaitement réussi, bien qu'efficace. Le morceau « Alive Again » paraîtra à ce titre, malgré ses moments de bravoure notables et sa beauté indéniable, un poil longuet, notamment sur la fin. The Grand Experiment demeure toutefois le premier effort diablement prometteur de cinq gonzes qui n'ont plus rien à prouver. Accrochez-vous à vos chapelets les amis, la suite est encore meilleure.
| Voay 3 Février 2021 - 830 lectures |
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