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Agent Steel - No Other Godz Before Me

Chronique

Agent Steel No Other Godz Before Me
Le retour d'un groupe de thrash metal culte, c'est toujours une affaire délicate. On l'a vu ces dernières temps, la joie de voir un nouvel album d'un grand groupe laisse toujours place au plus grand des scepticismes puis à la franche déception. Aussi, quand j'ai entrevu la teneur du prochain Agent Steel, leur premier album en quatorze ans, je me suis permis de me fendre d'une critique avant même d'en écouter une seule seconde : sérieusement, cette pochette ? Je serais vraiment curieux de savoir ce qui a poussé le mystérieux John Cyriis et sa bande a adopter une telle horreur (peut-être même vous a-t-elle dissuadé de cliquer sur la chronique) : obligation par contrat, goût douteux ? Quoi qu'il en soit, le mal est fait. On peut penser à la première solution quand on voit le parcours du combattant qu'a emprunté le groupe pour sortir le disque : d'abord intitulé No Mercy From the Godz, dont la sortie était prévue pour octobre 2019 pour voir finalement le jour le 19 mars dernier, devant compter le sympathique et talentueux Joe McGuigan (Gama Bomb) à la basse mais remplacé Shuichi Oni, un parfait inconnu, ce nouveau disque rappelle également les relations compliquées entre Agent Steel et l'industrie de la musique. Pour compenser le visuel, j'apprends que cet album marque le retour du mystérieux membre fondateur John Cyriis, chanteur sur les deux premiers disques des pionniers du sci-fi thrash, et que tous souhaitaient retourner à des sonorités old-school - un peu le même discours que tous les autres vieux groupes qui se réveillent, finalement. "Chouette, me dis-je ! Ça ne peut augurer que du bon !"

Pauvre de moi, qui était loin, très loin de m'imaginer tout le mal que le retour de ce membre pourtant culte allait faire au disque. Ce mal, j'y ai été confronté dès le premier single du groupe, "The Devil's Greatest Trick". Il est impossible de vous décrire la sensation de gêne et de désagréabilité que j'ai ressentie. Pourtant, tout part bien : production un peu plastique mais pas fade ou atténuée, main riff pas incroyable mais efficace, qui traine pas la patte... et puis le drame, à la vingt-troisième seconde : le chant. Accident ou choix délibéré, il se trouve que, durant son absence, J. Cyriis soit tombé dans une warp zone qui lui a fait perdre sa voix, au point de devoir être... autotunée. Oui, vous avez bien lu : dans No Other Godz Before Me, pour combler la perte conséquente de force et de mélodie que la voix de Cyriis a subie, le groupe, plutôt d'engager un chanteur compétent et habilité pour une telle œuvre, a décidé de coller un effet autotune du plus mauvais goût. Ne soyons pas des vieux cons réacs, l'autotune n'est pas une mauvaise chose en soit : c'est un outil qui modifie un instrument, de la même manière que ton pedalboard qui prend la poussière donne à ta guitare un son qui se rapproche plus du bruit d'une bétonneuse que d'une vraie guitare : utilisé en contexte approprié ça passe crème. Mais dans un album de speed thrash... ?

Autant vous dire qu'après ce premier single - et les autres qui ont suivi, mes attentes étaient bien basses. Elles étaient telles que je me suis permis - de manière peu honnête, il est vrai - de juger cet album de "pire album de thrash de l'année" avant même de l'écouter. Le moi d'il y a quelques mois regrette-t-il cette expression ? Oui car, et vous serez surpris tout autant que je l'ai été, cet album n'est pas la catastrophe qui avait été imaginée. Reconnaissons-lui au moins une chose, et pas des moindres, c'est qu'il prend l'expression "retour aux sources" à la lettre. Aucune innovation, aucune prise de risque, mais à ce stade-là, c'en est presque bienvenu. Production bien lourde adéquate - quoique trop lisse, diront certains - déferlante de riffs inspirés et surtout pas le moindre temps mort sont les mots clefs de ce No Other Godz Before Me et de ses compositions tout à fait simplistes mais bien rentre-dedans... à condition d'en oublier le chant.

C'est en ça qu'il me divise, finalement, et que je ne sais pas vraiment quelle note lui attribuer. Car musicalement, c'est plus que correct. Quelques mélodies pour mettre dans l'ambiance dans l'opener, un leitmotiv qu'on retrouve en conclusion, un riff on-ne-peut-plus speed thrash, bien vener et efficace, dans "Crypts of Galactic Damnation", dans le morceau titre et puis finalement dans à peu près tous les autres... ça, pour avoir du speed metal, vous en aurez : aucun temps mort, batterie qui tabasse en double pédales signée Rasmus Kjaer des excellents Impalers et riffs "hachés" en corde à vide ou en tremoli sont plus qu'au rendez-vous. Niveau riffing, on est clairement servi. D'autant que les constructions simplistes n'aident parfois pas et, finalement, le plus gros atout de cet album devient presque un point faible : ça ne respire jamais ou presque. Il n'y a que peu de moments où l'album semble vraiment prendre son temps avec du mid-tempo ("Veterans of Disaster", notamment) et la construction trop simpliste n'est clairement pas un avantage non plus : presque aucune intro (citons seulement "Sonata Cosmica"), passages instrumentaux ou breaks qui donneraient du relief au morceau : simplement du main riff, encore, encore et encore - d'autant que bien souvent, un main riff sert également de riff de couplet. Quant à ce dernier...

Non contents de nous affliger d'un chant épouvantable qui, à lui seul, peut provoquer l'abandon complet de l'écoute du disque, le groupe s'est décidé à en coller partout, le rendant encore plus insupportable. Les couplets sont légions et les morceaux en comportant trois voire quatre ne sont pas rares. En d'autres termes, le père Cyriis blablate franchement beaucoup avec son autotune immonde et quand vient "The Devil's Greatest Trick", en quatrième position, l'on se rend compte que ce chant n'est pas si horrible que ça quand on s'y est habitué... même si je doute que ce soit une si bonne chose que ça. D'autant que le pire affront reste le chant aigu ; quand il est à des octaves plus bas, où l'autotune est moins perceptible, la voix devient tout de suite moins désagréable (notamment dans "The Incident"). Mais n'allons pas jusqu'à lui jeter des fleurs non plus...

Du reste, peu à dire : soli quelconques voire inexistants, ruinés par le chant quand ils sont intéressants ("Trespassers"), break et partie instrumentales presque inexistantes également... tout ou presque, finalement, n'est que riff binaire sur riff binaire. Alors oui, ils sont dans leur grande majorité très bons, généralement bien catchy. Oui, le groupe pratique un speed metal bas du front mais efficace qui a fait ses belles heures et non il n'y a pas de quoi s'ennuyer. En revanche, le disque gagnerait à être franchement excellent s'il avait un vrai chanteur et pas une espèce de générateur de voix en ligne mal codé qui, à lui tout seul, peut ruiner tous les efforts des autres musiciens. Mais bon, que voulez-vous : John Cyriis, c'est le patron, le frontman. Il faut bien faire avec, non ?

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2 COMMENTAIRE(S)

LeMoustre citer
LeMoustre
17/05/2021 10:39
Moi j'aime bien, c'est un album dont le son, le chant, la musique sont complètement singulières.
Dès les premiers instants non seulement on reconnaît le groupe, mais l'album, grâce à une production pour une fois originale et singulière il est vrai.
Mais en ces temps d'uniformisation, ça fait du bien, je trouve.
En sus, y'a quelques brûlots de fort bon goût là dedans, même si ça reste assez inégal.
Et le chant, on s'y habitue facilement, après quelques écoutes.
Non, franchement, je m'attendais à pire, bien pire, je suis très agréablement surpris.
Keyser citer
Keyser
08/05/2021 08:31
note: 6.5/10
C'est vrai que le chant est assez dégueulasse, tout comme le son de batterie. Malgré ça et le fait que l'on reste à des années lumières des deux premiers albums absolument géniaux et complètement indispensables, c'est bien moins pire que ce à quoi on s'attendait.

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Agent Steel
Speed / Thrash Metal
2021 - Dissonance Productions
notes
Chroniqueur : 6/10
Lecteurs : (1)  6.5/10
Webzines : (3)  6.5/10

plus d'infos sur
Agent Steel
Agent Steel
Speed / Thrash Metal - 1984 - Etats-Unis
  

tracklist
01.   Passage to Afron-V  (02:15)
02.   Crypts of Galactic Damnation  (04:11)
03.   No Other Godz  (04:36)
04.   Trespassers  (04:00)
05.   The Devil's Greatest Trick  (04:15)
06.   Sonata Cósmica  (04:31)
07.   Veterans of Disaster  (04:47)
08.   Carousel of Vagrant Souls  (03:25)
09.   The Incident  (03:05)
10.   Outer Space Connection  (03:02)
11.   Entrance to Afron-V  (02:26)

Durée : 40:33

line up
parution
19 Mars 2021

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