Aphrodite - Orgasmic Glory
Chronique
Aphrodite Orgasmic Glory
C'est l'histoire d'un groupe de punk, d'une affaire d'agression sexuelle, d'un repress foiré d'un album de Beyoncé, de natifs américains défendus autour d'un projet de heavy metal et d'un groupe de speed metal brut et sans artifices qui parle de mythologie grecque et qui se sert d'une peinture néoclassique comme pochette d'album. Cette histoire qui parait être toute droit sortie d'un épisode de What the Cut! est pourtant celle du Canadien Jo Galipeau, plus connu sous le sobriquet de "Jo Capitalicide" - ou, dans la formation dont il est question aujourd'hui, "Jo Steel" -, que certains connaissent peut-être pour son projet chargé Ice War, heavy/speed guère renversant aux thématiques anticapitalistes et pro-natifs américains. Notre musicien semble fort affairé ; en plus d'Ice War, déjà abondant de sorties, viennent s'ajouter tout un tas de groupes au registre assez large, s'étendant du death metal au punk le plus classique avec Zex, formation ayant connu un certain bond de notoriété suite à une affaire assez exotique. En même temps qu'une affaire d'agression sexuelle impliquant Capitalicide - dans le rôle de l'agresseur - et la chanteuse Gretchen Steel secouait le groupe de punk d'Ottawa, ce qui leur a valu une rupture de contrat avec leur label d'alors, un label allemand en charge de rééditer l'album de Beyoncé Lemonade, sortit en 2016, se trompa et, par on-ne-sait quel hasard, remplaça la face A par plusieurs morceaux de Zex, offrant alors aux Canadiens un gain de notoriété aussi soudain qu'inattendu - et aux fans de Beyoncé, une sacrée surprise. Tout autant d'anecdotes qui montrent que Capitalicide n'en est pas à ses débuts dans le monde de la musique avec Aphrodite, formation speed metal née en 2018 - un an après l'aventure saugrenue de Zex - et qui compte à ce jour deux albums centrés sur la mythologie grecque, le très bon Lust and War et le tout nouveau Orgasmic Glory sorti le 30 mars dernier, que je ne pouvais pas ne pas passer sous silence au vu de sa qualité.
Aphrodite, donc, c'est du speed metal le plus raw possible, sans concession ni temps mort, dont les côtés simple, direct et parfois chaotique dégagent un esprit punk très prononcé. Malgré tout, Orgasmic Glory, comme son prédécesseur, jouit d'une excellente production, ni trop rétro et brouillon ni trop blockbuster et sans âme. Aux commandes, on retrouve Capitalicide - l'album est entièrement fabriqué à quatre mains, les siennes ainsi que celles de la chanteuse Tanza Speed, auxquelles s'ajoutent parfois celles d'un certain Brennan Witworth au poste de soliste. D'une durée totale ne dépassant pas la demie-heure pour huit titres dont presque tous se suivent immédiatement sans vraie fin entre chaque morceaux, Orgasmic Glory est l'album idéal pour se défouler après une journée de boulot chiante. L'album ne fait pas dans la demie mesure avec un grand nombre de morceaux n'ayant aucune introduction et commençant directement par un riff en tremolo picking soutenu par une batterie qui blaste en double pédale, dont l'exemple le plus marquant est "Dance Wild and Free". Souvent, pour appuyer ce côté minimal, les main riffs font également office de riff de couplet, empêchant toute transition entre les parties et homogénéisant le morceau. Parfois, le disque respire et s'offre même le luxe d'un opener aux influences heavy traditionnelles mettant bien dans le rythme et d'un "Meadows of Asphodel" au riff beaucoup plus tranquille et mid-tempo; mais bien souvent, cette accalmie ne dure pas et n'est présente que pour mieux accélérer peu de temps après (le deuxième solo de "Troy is Burning", la seconde moitié de "Meadows of Asphodel"). Mais la plupart du temps, c'est bien la vitesse pure et brute, épurée de tous artifices, que vous trouverez dans ce disque ("Herakles, War Cry", "Europa", "Chariots of the Sun"...)
Le groupe se caractérise également par la présence de sa chanteuse Tanza Speed, également aux commandes du projet solo chilien Demona. Son chant, que l'on peut apparenter à celui de Kate de Lombaert des Belges d'Acid, avait suscité quelques réactions il y a deux ans, à la sortie de Lust and War : puissant certes, mais trop approximatif, n'allant pas bien haut et impactant la qualité de certains refrains. La donne semble s'être conservée pour ce nouvel album avec une amélioration sensible ; mais dans tous les cas, ce chant ne ruine absolument pas l'album - dans le sens où l'on a entendu bien pire ailleurs - et lui renforce même parfois ce côté brut et approximatif. Certes, les limites de la chanteuse sont facilement perceptibles et, même dans les refrains les plus mélodiques, la voix ne monte guère haut et manque un peu de punch ("Troy is Burning", "Europa", "Herakles, War Cry") et quand elle se risque à une pareille tentative, le résultat est plutôt mitigé (ce cri sur "Chariots of the Sun"). Malgré ces défauts minces, Tanza nous délivre malgré tout d'excellentes mélodies, dans les couplets comme dans les refrains ("Europa" et son côté heavy qui rappelle les Finlandais de Chevalier, "Dance Wild and Free" et "Children of the Night").
Les influences semblent s'élargir pour embrasser parfois le spectre du power metal : ainsi les morceaux "Dance Wild and Free" et "Blood of Aphrodite" sont marqués par un main riff particulièrement mélodique, épique pour l'un, qui se rapprochent davantage du courant USPM / speed allemand que heavy rock anglais ("Blood of Aphrodite" et son riff principal / du couplet qui rappelle franchement le Helloween des touts débuts). Du reste, on retrouve nombre d'emprunts à la scène revival, notamment avec "Europa" qui peut faire parfois penser à Riot City, et quelques hommages à la scène NWOBHM avec les parties plus posées et mid-tempo de l'album.
Speed metal brut aux côtés punk incisif, teinté parfois de mélodies, et blastant (presque) toujours à 200/h, Orgasmic Glory est donc le deuxième succès des jeunes Aphrodite et peut se comprendre comme étant un bâtard d'Acid et d'Exciter constamment sous coke. Si la production lui donne un côté léger sans tomber dans le brouillon et l'inaudible qui lui permet d'être facilement accessible, il souffre pour autant de quelques imperfections mineures, notamment dans le chant, qui cependant n'entachent pas tout le plaisir pris durant l'écoute.
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