Blind Guardian - Battalions Of Fear
Chronique
Blind Guardian Battalions Of Fear
L'été est toujours la période où je me replonge dans ces groupes qui m'ont fait découvrir et aimer le metal et qui ont façonné mes goûts, avec une touche de nostalgie. Il m'arrive de redécouvrir certaines choses, voire même d'en découvrir de nouvelles qui étaient passées sous mon radar auparavant et, forcément, il me prend de vouloir en parler sur les Internets. C'est après une brève enquête d'approximativement quinze secondes que je me suis rendu compte qu'il manquait un bon nombre de mes albums-chouchous à l'appel sur Thrashocore, webzine metal aux tendances pas toujours en accord avec mes thèmes de prédilection ; je me suis servi de ce prétexte pour effectuer un petit retour en arrière de quelques décennies en chroniquant quelques uns des albums de ces groupes que l'on connait tous au moins de nom, qu'on les affectionne ou qu'on les vomisse. Et au beau milieu de mes pérégrinations musicales, je me suis surpris à me replonger dans les premiers Blind Guardian, qui constituent la fine fleur du speed metal de la fin des années 80.
Tout le monde connait au moins de nom Blind Guardian et les quelques chroniques déjà écrites ici peuvent l'attester alors contentons-nous de survoler la partie de leur histoire qui nous intéresse, celle de leurs origines. Blind Guardian se fait d'abord connaitre sous le nom de Lucifer's Heritage, formé en 1984, par les guitaristes André Olbricht et Markus Dörk, auxquels viennent s'ajouter le batteur Thomen "The Omen" Stauch et le bassiste Hansi Kürsch, également derrière le micro. Deux démos voient le jour entre 85 et 86 avant un changement nom cette dernière année pour éviter toute spéculation sur une potentielle implication du groupe dans le satanisme (il faut dire que les groupes de la trempe de King Diamond faisaient des leurs à cette époque). Il faut patienter ensuite deux petites années pour que le premier longue-durée des Allemands voit le jour. Intitulé Battalions of Fear, cet album-compilation contient cinq morceaux réenregistrés issus de leurs premières démos plus quelques nouveautés. A cette époque, Blind Guardian officie dans style très différent de l'espèce de clone miteux de Rhapsody of Fire que l'on connait aujourd'hui (c'est Von_Yaourt qui va pas être content...) ; exit les longues pistes symphoniques orchestrales et très théâtrales qui racontent moult aventures épiques, place ici au speed metal le plus brut et offensif possible, voire presque brouillon, au chant franchement criard par endroits et aux thèmes de paroles variés. Là encore, comme la plupart des groupes de cette scène à cette époque, la high fantasy n'est pas encore au programme et l'on se contente de piocher dans ses orientations plus générales pour aboutir à un texte à réciter derrière le micro. Tolkien pour le premier et le dernier titre, mais aussi It de Stephen King ("Guardian of the Blind"), la Passion du Christ ("The Martyr"), le film Life of Brian des légendaires Monthy Pythons ("Brian") ou Aleister Crowler le prophète illuminé sur "Wizard's Crown" - un morceau qui s'appelait "Halloween" sur la démo, comme le refrain le laisse entendre, mais qui a dû être changé pour éviter toute confusion avec le morceau de Helloween sorti entre temps. Revenant aux paroles, même la politique est à l'honneur avec le morceau-titre dont le texte fait référence au programme de défense géopolitique de Ronald Reagan appelé SDI (rien à voir avec le groupe).
Cet album, tout comme le suivant, compte parmi les meilleurs que les Allemands aient jamais abouti, et compte même parmi mes préférés du genre. Eh oui, ayant la pochette de Walls of Jericho en dossard de ma veste à patchs et celle de Follow the Blind au dos de mon gilet préféré, acheté beaucoup trop cher sur le shop de Nuclear Blast comme le vilain consumériste que je suis, mon camp est tout trouvé. Leur formule speed mélodique, venue tout droit des premiers travaux de Helloween, n'est d'ailleurs pas restée sans échos, à tel point que l'on peut parler de "clone de Blind Guardian" pour les groupes s'en revendiquant le plus (Persuader en tête de file). Qu'est-ce qui a donc pu tant plaire, en 1988, pour que ce style, amené très vite à évoluer dès 1990, marque autant les esprits ? Comme sur le premier Helloween, sorti trois ans plus tôt, on a affaire à une musique au son particulièrement lourd et distordu qui assume à mi-voix ses influences thrash metal. Les Allemands de Kürsch vont même plus loin que ceux de Hansen et de Weikath grâce au talent presque inégalable de leur chanteur bassiste, capable de moduler sa voix selon les moments - encore un truc que la formation actuelle n'a pas. Le meilleur exemple est l'un des premiers que le groupe nous fournit, dans l'opener "Majesty", avec ce magnifique refrain presque plaintif qui montre d'emblée la puissance des poumons de Kürsch, où la voix se fait beaucoup plus douce que durant les couplets. L'idée est d'attribuer au morceau une identité bien définie avec un refrain qui reste facilement ancré dans la tête. La formule est abondamment répétée ; "Guardian of the Blind", "Wizard's Crown", "Run for the Night" et "Battalions of Fear" sont tout autant de titres au refrain facilement reconnaissable, terriblement catchy, à la mélodie entêtante. Très loin devant les compatriotes de Rage et de Grave Digger, rivalisant avec des marins endurcis comme Helloween ou Running Wild dès leur debut, Blind Guardian se démarque du lot grâce au coffre redoutable et au timbre facilement reconnaissable de Hansi qui fait encore parler de lui aujourd'hui, et dont les dernières prestations live démontrent toujours le talent.
Le chant ne suffit pas à lui seul et la deuxième clef menant au succès de ce Battalions of Fear, c'est la qualité frôlant l'excellence du duo de guitaristes André Olbrich / Marcus Siepen qui comptent parmi les plus vieux membres du groupe - aux côtés de Kürsch. L'un se charge de la rythmique et l'autre des soli et tous les deux excellent dans leur domaine. Pour l'album, les riffs et les soli des demos ont été totalement retapés, approfondis et améliorés, leur conférant une touche mature d'entrée de jeu. Le disque délivre des containers entiers de mains riffs donnant envie de martyriser le moindre meuble de maison, à tel point que l'on pourrait presquer commencer l'album n'importe où et tomber sur l'un d'entre eux, pourvu que l'on ne tombe pas sur les deux instrumentales "Trial by the Archon" et "By the Gates of Moria". Listons, parmi les meilleurs, ceux de "Majesty", "Guardian of the Blind", "Wizard's Crown" et "Battalions of Fear". Conscients de leur qualité mais également de leur principal défaut, celui de tomber dans la répétitivité à force d'user d'une formule aussi efficace mais simple, les musiciens ne font pas trainer leur album en longueur avec moins de quarante minutes de tremoli et de double pédale à 180 BPM au compteur. Il leur arrive également de temporiser, notamment sur "The Martyr", mais là aussi le répit est de courte durée. Côté soli, Olbrich laisse son talent et sa créativité exploser avec des morceaux comme "Majesty", bourrés de leads, mais aussi sur "Wizard's Crown", "The Martyr" et "Battalions of Fear".
Cette créativité ne trouve pas meilleurs échos que dans le troisième atout de l'album, son originalité et toutes ces bonnes idées ici et là qui relèvent un peu l'attention et qui donne plus de relief à un speed metal en apparence bien simpliste. L'on pensera à tous ces petits effets disséminés ici et là, lors d'un break où d'un moment opportun quelconque ; citons par exemple cette voix grave trafiquée qui apparait lors d'une accalmie sur "Guardian of the Blind" et qui s'envole lorsque les guitares redémarrent, ajout totalement gratuit mais qui crée momentanément une atmosphère tellement plaisante. L'on pourrait aussi penser à ces fills sur "The Martyr", agrémentés d'effets que les musiciens ou producteurs sauront bien mieux décrire que moi, qui n'ai aucune connaissance en la matière. En terme de composition pure, le fait d'annoncer la mélodie du refrain de "Guardian of the Blind" de manière discrète avec un riff joué par une seule guitare relève également de l'éclair de génie. Enfin, les deux meilleures preuves de cette créativité musicale sont bien sûr les deux instrumentales "Trial by the Archon" et "By the Gates of Moria", dont la structure change complètement, devenant bien plus instable et presque expérimentale. Le second a pour leitmotiv la célèbre mélodie de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak, qui n'est d'ailleurs pas la seule référence à la musique classique : "Majesty" s'ouvre sur une reprise du Beau Danube Bleu de Strauss. L'on regrette simplement la brieveté de "Trial by the Archon" dans un album déjà court, qui officie juste de transition entre "Guardian of the Blind" et "Wizard's Crown". Mais qu'importe ; cet album de speed metal brut, tantôt offensif et tantôt mélodique, n'en est pas moins une des plus belles réussites de cette équipe All-Stars. Ainsi, leur entrée sur la scène internationale est aussi soudaine que fracassante. Une popularité qui aura d'ailleurs tôt fait de les desservir.
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