Les bonnes ventes de l'EP
">"Helloween" ne sont pas forcément synonymes de bonnes nouvelles. Sur le plan personnel, le bilan est même plutôt mitigé : Michael Weikath, principal compositeur, ne peut pas se rendre régulièrement au studio et son travail de nuit l'épuise et diminue ses performances. Le morceau "Guardians" est enregistré quelques temps à peine avant d'entrer dans le studio, ce qui ne laisse aucun moment pour le répéter. De ce fait, il se brouille régulièrement avec Ingo, le batteur, qui l'accuse d'avoir négligé le groupe. Noise a donné son accord pour un premier album mais ici, le groupe décide de ne sortir que des morceaux inédits, à l'exception de "Metal Invaders", réenregistré pour l'occasion. Il faut donc redoubler d'efforts à un moment critique, où le groupe souhaite rivaliser avec les grands maintenant qu'il s'en sent capable. Il lui faut donc une identité unique, qui passe par un jeu et un son dont Weikath en a une idée très précise. Jamais satisfait, il s'embrouille avec ses partenaires. Il veut donner un relief particulier aux morceaux "Guardians" et "How Many Tears" et fait donc appel à un claviériste berlinois, ce que Hansen désapprouve vivement. D'autres problèmes plus mineurs viendront mettre au disque des bâtons dans les roues : suite à une erreur d'impression, la première partie de certaines cassettes de Walls of Jericho contient des morceaux de To Mega Therion de leurs frères de label Celtic Frost, qui déroute énormément les premiers auditeurs.
C'est donc dans ce contexte tendu que sort Walls of Jericho en Décembre 1985. Le groupe a conscience qu'il s'agit d'un grand album : il décide d'exploiter les particularités qui avaient marqués les esprits sur le premier EP, notamment ce jeu si singulier entre les deux guitares leads, qui est pleinement exploité durant les soli. Alors, pour l'
opener "Ride the Sky", il est normal de trouver une partie instrumentale abusivement longue et remplie de soli reposant sur diverses techniques (mélodies en harmonie, tapping, tremolo picking, montées de gammes...) pour en mettre d'emblée plein la vue. On retrouvera cette surabondance de mélodies dans "Phantoms of Death" notamment, mais aussi dans "Metal Invaders", "Heavy Metal is the Law", et quelques passages de "How Many Tears".
"Ride the Sky" donne donc le ton : on retrouve un Helloween en pleine forme, au taquet, prêt à déverser son flot de riffs fraîchement composés et prêt à mettre en oeuvre tous leurs talents de compositeurs. Et autant être clair dès à présent : "Walls of Jericho" est mon album préféré de tous les temps. S'il ne m'a pas introduit au metal (concernant le groupe, j'ai plutôt commencé par les Keepers) il m'a montré ce que j'aimais concrètement : du speed metal, oui, mais qui se casse plus la tête que la moyenne à alterner riffs simples et efficaces avec des mélodies en harmonies à n'en plus finir, appuyée par un jeu de basse incroyable et parfaitement audible et par le chant rauque et puissant de Kai Hansen qui relève bien plus du milieu heavy metal et rock n roll que du power metal au sens où on l'entend aujourd'hui. Un album décidément influencé par Metallica, Judas Priest et Iron Maiden mais surtout Pretty Maids, dont le Red, Hot and Heavy jouera un rôle absolument primordial dans la production de Walls of Jericho - Weikath souhaitant faire sonner son
debut exactement comme lui - et dans le jeu des guitares - mais, cette fois-ci, en allant encore plus loin que les Danois à leur époque.
Pleins d'inspirations, les musiciens allemands nous délivrent également un nombre tout à fait phénoménal de riffs à en écouter jusqu'à la surdité, commençant par le classique main riff de "Ride the Sky", suivi de son pré-refrain plus mélodique et du deuxième riff rythmique à 04:28 qui en devient limite meilleur que le premier. Les autres morceaux n'en sont pas en reste avec un riff plus mélodique dans "Guardians" et "Metal Invaders", assez similaires, et d'autres plus heavy dans "How Many Tears" et surtout "Heavy Metal is the Law" qui contient mon riff préféré de tout l'album à 2:45, juste après un solo assez original où les deux guitares se répondent d'une manière plutôt comique.
Un autre aspect de la composition est à mentionner. Je l'ai brièvement évoqué précédemment mais il mérite son paragraphe à lui tout seul tant son musicien semble être minimisé par les mémoires : je veux parler de Markus Grosskopf et de sa basse. Et à la lecture de certaines chroniques ainsi que de ce qui ressort plus généralement sur le groupe, tout le monde semble oublier ce membre absolument essentiel du groupe alors qu'il a pourtant grandement contribué à la mise en forme de son identité, lui qui est pourtant un membre si discret - et peut-être que c'est pour ça qu'on a tendance à l'ignorer ? Adoptant un jeu de basse assez virevoltant, à s'octroyer fréquemment des libertés et des lignes originales, on peut le rapprocher de Steve Harris d'Iron Maiden - et c'est d'ailleurs, selon moi, le point commun le plus facilement remarquable entre les deux groupes. Le mix mettant très bien la basse en avant, on l'entendra parfaitement dans "Reptile" ou, encore plus flagrant, dans "Guardians", où elle a sa propre ligne. Elle prend également de nombreuses libertés dans le break sans instruments de "Heavy Metal is the Law".
Un dernier aspect généralement peu évoqué concerne la patte progressive de l'album. Oui, progressive. Ce même mot "progressif" que dans "metal progressif". Alors ici, pas question de changer quinze fois de signature rythmique ni de tempi. J'utilise le terme "progressif" pour désigner plus une volonté du groupe de prendre des distances avec des codes simplistes et binaires (que l'on retrouve dans les morceaux les plus courts, "Heavy Metal" et "Gorgar"), pavant la voie à un futur genre de power metal. Et pour appuyer mon propos, deux excellents exemples : tout d'abord, "Phantoms of Death", constitué d'un nombre assez inhabituel de parties et qui voit passer bien des breaks. L'atmosphère change pas mal aussi, commençant par un riffing très typé hard rock pour passer sur du speed mid-tempo avec ces tremoli dans les couplets puis s'orientant encore vers un nouveau genre lors de la deuxième partie. Les claviers, les mélodies, la reprise... autant d'éléments qui rendent ce morceau très riche, bien plus riche que la composition traditionnelle. Deuxième exemple : le morceau de conclusion "How Many Tears", où l'on retrouve sensiblement les mêmes codes : début avec un excellent riff speed metal, quelques temporisations mélodiques et mélancoliques, un break aux guitares cleans, une reprise qui montre tout le potentiel du jeune batteur, des variations dans la mélodie du chant sur le refrain dont la deuxième ligne est d'ailleurs exceptionnelle... et, pour terminer, une
wild outro composée de trois parties qui conclue parfaitement ce chef-d'oeuvre, entamé quarante minutes plus tôt.
Ainsi mené, cet album ne manque pas d'être acclamé, que ce soit à l'autre bout du monde au Japon, où à la maison en Allemagne où il est considéré aujourd'hui comme étant le - ou du moins, l'un des - meilleur debut allemand en matière de metal, place que certains groupes tels Paradox ou Edguy viendront remettre rapidement en question quelques années plus tard. Weikath alors se surprend à rêver qu'il peut concurrencer directement les plus gros noms metal de l'époque. Il a une toute nouvelle idée qui pourrait renouveler le groupe et qui apparaît immédiatement comme bien trop ambitieuse pour le reste du groupe : s'atteler à la conception d'un double-album de fantasy. Il lui faut également passer par un changement majeur, une pilule qui est très difficile à avaler pour les autres membres : Kai Hansen doit cesser le chant. Il n'arrive plus à suivre avec son jeu de guitares très dynamique. Helloween doit se mettre à la recherche d'un nouveau chanteur qui pourrait dédier pleinement ses capacités vocales au groupe, lui permettant alors d'atteindre de nouveaux sommets.
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo
Par Jean-Clint
Par Troll Traya
Par alexwilson
Par Sosthène