Helloween - Keeper Of The Seven Keys part I
Chronique
Helloween Keeper Of The Seven Keys part I
Les réussites semblent rapidement s'accumuler, pour Helloween. Forts du succès de leur premier EP, ils se sont attelés à un premier album bien plus conséquent, qui reçut lui aussi d'excellents retours et qui reste, même encore aujourd'hui, parmi les classiques du groupe. Cependant, voilà, il faut bien quelqu'un pour casser l'ambiance : et ce quelqu'un, souvent à l'origine des tensions dans les premières années du groupe, c'est Michael Weikath, de par sa personnalité et ses volontés. En effet, le guitariste soliste a constaté qu'au fil du temps, les qualités vocales de Kai Hansen se dégradaient, au point même où il décide un beau jour de remplacer son poste, pour ne plus se concentrer que sur la guitare. La pilule passe très mal et le reste du groupe s'obstine à garder Hansen au chant. A un moment donné, lors d'une tournée outre-Manche avec Celtic Frost, les autres membres cherchent à l'éviter et vont s'installer à une autre table quand Weikath les rejoint. Mais ce dernier ne se laisse pas décourager et ses efforts finissent par payer : Hansen craque, finit par reconnaître ses difficultés à gérer les deux instruments, et accepte de laisser son poste à quelqu'un qui s'y dédierait pleinement, afin de faire monter le groupe en qualité. Reste maintenant la lourde tâche de trouver qui assumerait cette responsabilité. Weikath suggère alors le tout jeune Michael Kiske, qui officiait dans le groupe IIIrd Prophecy, et dont le guitariste avait remarqué les qualités impressionnantes pour un chanteur de son âge (dix-huit ans). Mais voilà : Kiske refuse. Weikath, fidèle à lui-même, ne se laisse pas décourager, persuadé qu'il a trouvé la bonne personne. A un autre moment donné, on lui suggère un numéro de téléphone qui traînait dans une poche, celui de Ralf Scheepers, à l'époque dans le groupe Tyran's Pace - et qui rejoindra d'ailleurs Hansen dans Gamma Ray lors des premières années du groupe. Finalement, à force de persévérance, Kiske finit par se laisser tenter et rejoint Helloween.
Son line-up de rêve maintenant en place, Weikath et Hansen se mettent à travailler sur ce fameux projet de double-album de fantasy, les Keeper of the Seven Keys. Mais un autre problème de taille vient se poser sur leur route : Noise refuse une telle oeuvre, considérée comme bien trop ambitieuse et prématurée pour l'âge du groupe, ayant peur que l'album se vende très mal. Le groupe se résout alors à diviser son idée en deux parties : ainsi ce premier volet voit le jour le 23 Mai 1987, album qui marque le véritable tournant majeur de Helloween, le faisant basculer d'un heavy/speed mélodique à ce qu'on appellera plus tard du power metal.
Le power metal n'est pas fatalement né avec cet album, il est toujours difficile de dire précisément à partir de quand un genre est créé, mais ce Keeper of the Seven Keys est généralement considéré comme étant l'album qui a donné ses lettres de noblesse au genre que l'on connaît bien aujourd'hui, bien plus en tout cas que Walls of Jericho. Pour expliquer cela, plusieurs raisons : la première, et la plus marquante à l'écoute du disque, est sa production. On passe d'un son très lourd et particulièrement distordu à quelque chose de bien plus léger et doux, ce qui détache l'album de la sphère heavy metal. Ensuite, les thèmes de paroles se portent explicitement sur la fantasy, à l'image de cette superbe pochette qui illustre très bien cette transition avec l'ancien thème moitié fantastique moitié horrifique qu'on trouvait sur WoJ, bien qu'à cette période de genèse, la fantasy se pose surtout comme métaphore de messages plus philosophiques et spirituels (le plus classique étant l'éternel combat du bien contre le mal). Dernière particularité, et pas des moindres, la composition donne plus d'importance aux jeux mélodiques des guitares, Hansen se dédiant pleinement à son instrument, le tout étant soutenu par la voix nouvelle de Kiske, beaucoup plus douce et rassurante que le chant rauque de son prédécesseur.
Autant d'éléments qui aboutissent donc à un des albums les plus marquants de son année ainsi qu'à l'un de mes préférés du groupe. Helloween ne rompt pas totalement non plus avec la marque de fabrique de WoJ, à l'image du morceau d'ouverture "I'm Alive", un concentré pur jus de speed metal mélodique où tout s'enchaine bien vite, avec un rythmique encore assez "heavy traditionnelle". L'autre morceau de cette trempe est "Twilight of the Gods", construit d'ailleurs un peu de la même manière, partant sur les chapeaux de roues avec un beau lead mélodique assez épique, un riffing plus heavy et saccadé et un pré-refrain... - mon dieu ! - qui rappelle celui de "I'm Alive", justement. L'album tempère également avec un nouvel aspect qui fait progressivement son apparition, à savoir le goût de plus en plus prononcé pour les morceaux aux relents pop/FM. Les deux morceaux les plus marquants sont "A Little Time" et "Future World". Le premier ayant un riffing purement heavy trad' et un pré-refrain assez prenant, le deuxième ayant un riffing façon Pretty Maids - dont l'album du même nom, Future World, est sorti moins d'un mois avant celui d'Helloween - avec un refrain qui fait très "tube de heavy qui fait lever le poing" et qui marche d'ailleurs totalement sur moi...
Les mélodies de guitares prennent également plus de place que jamais dans cet album, autre caractéristique marquante que bien des groupes de power metal reprendront plus tard. Les soli occupent même par moments une place démesurée comparée à la durée des autres parties, à l'image du solo de "I'm Alive", en plusieurs parties composées de diverses techniques, qui rappelle d'ailleurs celui de "Ride the Sky" de l'album précédent. Dans "A Little Time", le solo se fait plus hard rock, ce qui va de paire avec la tonalité globale du morceau. A l'inverse, dans "Twilight of the Gods", on a un solo de dingue, tonitruant, qui colle bien avec l'atmosphère super épique de la piste. Enfin, le point culminant des soli en terme de virtuosité et de composition, une apogée jamais atteinte par tous les autres groupes de power selon moi, celui du morceau magistral "Halloween" à 09:37. Le solo n'est pas juste beau, il s'inscrit dans une atmosphère unique que je n'ai plus jamais retrouvée chez Helloween par la suite, à la fois épique et mystique.
Parlant de "Halloween", mon morceau préféré de toute la discographie des Allemands, il illustre une influence progressive que j'avais déjà évoquée sur Walls of Jericho. Bien sûr, cet aspect prog se ressent plus que jamais dans ce titre, avec ses treize minutes de power/speed metal mélodique. En examinant le morceau d'un peu plus près, en regardant les tablatures, on s'aperçoit de plusieurs changements de tempo et de signatures rythmiques. Plus globalement, les riffs s'enchainent, tous plus originaux les uns que les autres, pour retrouver quelques fois un refrain plutôt classique pour le coup. Mais surtout, ce qui fait la force de ce morceau pour moi, c'est sa progression, que l'on retrouve également dans les paroles. Musicalement, d'une part, on commence sur du power plutôt traditionnel pour changer d'ambiances plusieurs fois à mi-chemin, passant à quelque chose de plus mystique, de plus sombre et sérieux, le tout étant sublimé par le grand solo. Les paroles suivent cette atmosphère. Je n'ai pas l'habitude d'évoquer les paroles dans mes chroniques car je n'y vois pas vraiment d'intérêt mais ici je les trouve rudement bien menées : on commence par nous raconter l'effervescence d'une ville animée par l'esprit d'halloween, une atmosphère plutôt chaleureuse et rassurante, avant de se tourner vers quelque chose de nettement plus horrifique façon film d'horreur pour conclure sur un discours moral sur le mal, la tentation, et le bien.
D'autres notions plus discrètes illustrent ce côté prog, à commencer par l'intro "Initiation" épique et mélodique, et l'outro "Follow the Signs" qui conclut le morceau "Halloween" commencé sur la piste précédente, où l'on retrouve une fois de plus cette dualité bien/mal dans les paroles narrées dans un fond musical ambiant assez mystérieux.
Keeper of the Seven Keys partie I est l'aboutissement de plusieurs années de projets mûrement réfléchis qui entrent en résonnance avec une volonté de se détacher des influences heavy metal traditionnelles. Avec sa production nettement plus adoucie et accessible, ses mélodies de guitare à n'en plus finir, son chanteur à la voix suraiguë et, là aussi, bien plus douce que celle de son prédécesseur, ce disque opère une transition toute nouvelle dans la carrière du groupe qui trouve un écho phénoménal en Europe et au Japon dans les décennies suivantes au travers du genre nouveau du power metal. Cet album reste cependant en soi une ébauche du power metal, genre qui trouvera vraiment son identité au travers de la deuxième partie de ces Keeper, qui sortira un an plus tard.
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