En 1993, à la sortie de l'album
Chameleon, Helloween est au plus bas. Kai Hansen, l'un des membres fondateurs, avait déjà quitté le navire en 88 pour des raisons à la fois musicales et personnelles ; le même sort attend le second vocaliste Michael Kiske, cette année-là, qui souhaite persister dans l'orientation AOR que le groupe a prise depuis deux disques, pourtant deux échecs (relatif pour l'un, total pour le second). Pire encore est la destinée de l'excellent batteur Ingo Schwichtenberg : cette même année, pour des raisons liées à sa santé mentale, à ses addictions et à son orientation musicale, il est évincé du groupe - il finira ses jours sous une rame de train deux ans plus tard. Un nouveau guitariste, Roland Grapow est engagé ; celui-ci se révèle être un nouveau poison et détourne les fonds récoltés par le groupe pour son propre compte. Personne, en 1993, ne pouvait imaginer qu'un jour Kiske et Hansen se retrouveraient, avec les autres membres, et partageraient la scène pour des concerts-événements de plusieurs heures avec, à la clef, un album-signature qui marquerait une volonté de rendre hommage à toute la carrière du groupe. Cette histoire rocambolesque, c'est pourtant bien la leur. La pression des fans se faisant de plus en plus intense, les conseils des managers de chacun se transformant en demandes, les haches de guerre étant enterrées depuis bien longtemps, il n'y avait plus aucune raison de s'opposer à une telle idée.
2016 est donc marqué par le retour des deux pierres angulaires ayant contribué aux heures de gloire du groupe, Michael Kiske et Kai Hansen. Les retrouvailles se font sous de bons auspices, les vieilles querelles d'il y a des décennies étant devenues futiles voire ridicules avec le recul de l'âge. Tout le monde est d'accord pour aller de l'avant et, pour marquer le coup, le groupe sort un single en 2017 qui retourne plutôt en arrière : l'excellent
Pumpkins United est un hommage au heavy/speed mélodique iconique du groupe, bourré de références à différents titres cultes, où les trois chanteurs - Deris, Kiske et Hansen - prennent le micro. Réunion, concerts, single... La prochaine étape logique était l'album.
Le nom de celui-ci a été longuement débattu :
Indestructible,
Out for the Glory,
Best Time, la plupart des titres de la tracklist semblaient convenir, l'idée étant de mettre encore en avant cette réunion. Après une longue hésitation sur le titre de
Skyfall, c'est finalement le très sobre
Helloween qui est retenu : quoi de mieux pour honorer l'union que de nommer l'album d'après le groupe ? Pour la pochette, le très en vogue Eliran Kantor a été sélectionné et signe ici l'une des pochettes les plus belles de la discographie des citrouilles allemandes - pas difficile, en même temps, comme l'a-t-on justifié ailleurs... A la production, Charlie Bauerfeind, que l'on retrouve sur tous les précédents disques de Helloween jusqu'à
The Dark Ride en début de millénaire ainsi que chez une foultitude de groupes de heavy power de cette trempe depuis les années 90, et qui sait donc parfaitement comment redonner un grain nostalgique aux douze morceaux que composent cet album de plus d'une heure.
L'objectif premier de ce nouveau disque est de rendre hommage à toutes les périodes musicales du groupe (sauf
Chameleon, y a des limites) et l'opener "Out for the Glory" le fait bien comprendre, avec son alchimie qui sent bon la fin des années 80 et son refrain sorti tout droit de
Keeper Part II. Cette amorce donne la teneur pour le reste de l'album : fini les expérimentations heavy moderne et "branché" avec un très médiocre
My God-Given Right, Helloween a bien compris quelle était la formule a employer pour marcher : celle du heavy / speed mélodique bourré de choeurs marquants et de tonalités joyeuses, le tout alternant avec des parties plus hard et plus posées. Marque de fabrique de tout album se voulant ambitieux, on trouve même un morceau apothéose avec "Skyfall", culminant à douze minutes, qui rappelle toutes les grandes pièces des albums s'inscrivant dans la lignée narrative des Keeper of the Seven Keys. "Halloween", sur le I, "Keeper of the Seven Keys" sur le II et "The King for a 1000 Years" sur
The Legacy. Inclure un morceau ambitieux, à la composition étirée, aux divers breaks, comme "Skyfall" revient à se placer dans cette même lignée, pour le plus grand bonheur des nostalgiques. Le morceau en lui-même est d'ailleurs très réussi : un excellent main riff - peut-être même le meilleur de tout l'album - une alternance Deris / Kiske dans les couplets qui passe crème, un
vrai couplet de Kai Hansen (trop en retrait ailleurs), un solo de basse, des cleans, le compte est bon pour un morceau de Helloween ambitieux mais qui fonctionne.
Au programme de cet album, heavy / power comme le groupe nous a habitué avec les trois derniers albums (sans la panne d'inspiration de
My God-Given Right) avec "Best Time", "Angels", "Indestructible" et speed old-school avec les corrects "Rise Without Chains" et "Robot King", qui renvoie davantage à la période
The Time of the Oath, mais aussi le très bon "Down in the Dumps" qui serait très bien passé sur les premiers albums. Même la période Pink Cream 69, le groupe de Hard FM d'Andi Deris avant qu'il ne joigne Helloween, est à l'honneur avec "Mass Pollution", qui est d'ailleurs intégralement chanté par lui. L'alchimie des trois guitaristes marche parfaitement et malgré les différences artistiques de chacun, parviennent à proposer un ensemble cohérent, aux atmosphères variables mais restant toujours dans le moule heavy / power guilleret qui se prend pas trop la tête, le tout accompagné de soli globalement intéressants ("Rise Without Chains", "Robot King", "Down in the Dumps"). De même le goût de cette tambouille de chanteurs est du plus bon goût : l'on a déjà évoqué les alternances Kiske / Deris dans "Skyfall" mais le groupe ne se limite pas simplement à ça et donne le beau rôle à celui dont la tonalité musicale colle le mieux : Deris dans le très hard FM "Mass Pollution", Kiske aux refrains les plus power metal (ironique quand l'on sait que son départ en 93 a été motivé par son rejet de ce style) et Hansen... pour pas grand-chose, malheureusement. Le frontman de Gamma Ray est même de trop à certains endroits ("Out for the Glory") et sa présence se compte sur les doigts d'une main (le second rôle dans "Best Time"). Seule sa performance sur le passage acoustique de "Skyfall" est réellement marquante, ce que je déplore un peu.
Cette inégalité n'est pas le seul reproche qu'on puisse faire au disque : le groupe mise davantage sur la tambouille à l'unisson que sur un heavy / power d'un entrain infini comme on en avait sur le quasi-divin
7 Sinners, avec trop peu de main riffs ou de refrains marquants, l'important étant ailleurs. En une phrase, tout le monde est présent mais personne ne se distingue. On regrette même que le tube ultime "Pumpkins United" ne soit pas présent dans la tracklist car ce morceau, à lui seul, est bien plus accrocheur que la plupart des autres morceaux de ce disque éponyme.
Helloween est l'album-photo souvenirs d'une bande de potes qui souhaitait marquer le coup de leur réunion en signant dessus tour à tour, chacun avec sa formule fétiche. Le résultat sent bon la nostalgie et soulage même après un
My God-Given Right qui s'égarait mais, dans une volonté assumée de rester dans sa zone de confort, ne provoque guère plus de frissons que le correct
Straight Out of Hell.
La suite ? Helloween l'a déjà en tête. Les fans comme moi s'inquiétaient déjà de voir les trois frontmen repartir à leurs groupes respectifs, comme de bons potes qui se quittent en fin de soirée, et que cette réunion n'était qu'occasionnelle ; il n'en est rien, chacun souhaitant rester avec l'autre jusqu'au bout.
Helloween, dans ce cadre, ne doit pas se voir comme un album marquant la fin d'une ère pour le groupe mais plus comme le début d'une autre.
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