Helloween - Chameleon
Chronique
Helloween Chameleon
Neuf ans après la chronique de notre Thomas Johansson national sur Pink Bubbles Go Ape dont, encore aujourd'hui, les plus grands cryptologues échouent à déchiffrer un titre aussi farfelu, c'est moi qui, ayant décidé de reprendre le flambeau Helloween, m'attaque à la chronique du tristement célèbre Chameleon. Pourquoi alors déployer tant d'ardeur à parler, vingt-sept ans après sa sortie, d'un album aussi unanimement décrié ? A-t-on réellement besoin d'une chronique pour comprendre qu'il n'est pas bon ? Vaut-il même la peine que l'on en parle ? Oh que oui, il en vaut la peine, mais pas forcément sur le plan musical : cet album reste néanmoins important car il marque une rupture dans l'histoire d'Helloween, en concluant une première période glorieuse pour le groupe, et en procédant à des changements radicaux au sein du line-up originel.
Pour comprendre tout cela, petit rappel qui permet d'expliquer l'aboutissement d'un tel disque. Un an après la deuxième partie des Keeper of the Seventh Keys, en 1989, le fondateur Kai Hansen décide de s'en aller pour des raisons multiples - maladie, conflit perpétuel avec Michael Weikath, embrouilles graves avec Noise, désapprobation de plus en plus grande du mode de vie mené par le groupe en tournée. Premier coup dur pour Helloween - ce n'est pas son remplaçant Roland Grapow, bon guitariste mais compositeur extrêmement moyen comme sa future carrière au sein de Masterplan en témoignera plus tard, qui relève le niveau. Helloween, suite à un procès perdu contre Noise, se retrouve ruiné et dans l'incapacité de promouvoir sa musique correctement. Deuxième coup dur - d'autant que Pink Bubbles... se vend très mal. Troisième coup dur. Des rumeurs circulent même sur une potentielle rupture du groupe. Cependant, les choses ne font qu'empirer, 1993 étant probablement l'année la plus critique pour l'histoire du groupe et, pour commencer le carnaval des ennuis, c'est l'année de sortie de ce Chameleon, sorti chez le label EMI qui avait d'ailleurs déjà assuré la sortie du précédent opus. Et déjà, si on a affaire à un titre plus sobre et plus déchiffrable, le groupe - car c'est Michael Kiske qui est à l'origine de cet attentat au bon goût - réalise l'exploit de produire l'une des pochettes les plus moches de la Création avec aussi peu de contenu. Avec un dessin qui a davantage sa place sur la façade de l'école élémentaire de ton village que sur un disque de metal, on peut difficilement s'attendre à une musique qui soit à la hauteur des espérances des fans qui croient encore - à cette époque - à la magie des citrouilles.
De la magie et de la fantasy ici, que nenni, avec un opener intitulé "First Time" - "Première fois" pour les moins bons en anglais - qui parle exactement de ce à quoi vous pensez, le groupe nous fait clairement comprendre que le temps des épopées épiques et des batailles glorieuses est terminé et laisse place à quelque chose de bien plus terre-à-terre. Pourtant, ne nous laissons pas abattre par ce réalisme plutôt brutal et concentrons-nous sur la musique en commençant par dresser une liste des points positifs de ce disque : la production est assuré par le grand Tommy Hansen, que l'on retrouve aux commandes derrière les deux Keeper, ce qui donne instantanément au disque un son consistant, plutôt lourd, que l'on avait sur le deuxième Keeper, et qui empêche ce disque d'être une purge absolue. Ensuite, toutes les compos ne sont pas à jeter : se distingue l'opener "First Time", justement, qui propose une tonalité heavy bon enfant comme Helloween sait le faire, avec un refrain correct et une petite touche pop bienvenue. Se distingue aussi "Giants", dans la même veine, qui propose un ton mid voire low-tempo très correct avec des riffs discrets mais pas inintéressants, où l'on retrouve la patte de Helloween sans non plus verser dans l'épique. Enfin, même s'il n'est pas un compositeur de renom, les soli de Roland Grapow sont globalement plus que corrects et sauvent même parfois le morceau.
Malheureusement, il va falloir s'arrêter là pour les points positifs. Et le premier point négatif touche la durée de ce disque, affichant au compteur une heure et onze minutes pour la version standard - je n'ai pas eu le courage de m'attaquer aux quarante (!!) minutes de pistes bonus, mon seuil de tolérance à des limites - et presque deux heures pour la version longue. Comme un Reign in Blood, un Legion ou même un Keeper of the Seven part I pourrait en témoigner, less is more, et cette longueur ne peut aller qu'à l'encontre du disque car même un bon morceau comme "Giants" souffre d'une timer abusément long. Et quand la chanson de base est mauvaise, comme avec les extrêmement fades "I Believe" (neuf minutes), "Revolution Now" (huit minutes) ou "When the Sinners" (sept minutes), il est aisé de passer au morceau suivant tant rien n'est à l'avantage du groupe. Venons-en justement aux compositions en elle-même car le deuxième point négatif touche... les morceaux, tout bêtement. Et je dois malgré tout saluer le talent du groupe pour l'exploit de toucher à autant de genres musicaux tout en n'en pratiquant aucun correctement. Swing par-ci, country et balade aux tons folks par là, nappes de synthés, chœurs... cet album est un véritable melting pot de genres musicaux balancés un peu au hasard sans que quiconque ne cherche à les exploiter correctement, pour un résultat aux compositions assez différentes dont le seul point commun, pour la plupart, est leur médiocrité. Enfin, le dernier point négatif qui achève ce disque, touche au manque d'audace d'absolument tous les musiciens, qui ne se distinguent nulle part. Markus Grosskopf, dont le son chaud de la basse était indispensable dans les premiers albums du groupe et tout particulièrement sur des morceaux comme "Halloween", est pratiquement invisible, et a pour seul moment de gloire une timide apparition sur "Revolution Now". Les solistes, bien que travaillant proprement, ne parviennent pas non plus à créer des mélodies grandioses comme ce qui pouvait caractériser Helloween jusqu'à présent, et se contente de pratiquer leurs gammes de manière plutôt scolaire... Propre, donc, mais inintéressant. Finalement, le seul qui semble prendre son pied, c'est Michael Kiske, qui d'ailleurs quitte le groupe peu après pour se lancer dans... la pop, justement.
Avec le temps, le goût de l'amertume s'est dissipé, mais Chameleon reste un un échec, une tentative ratée d'explorer de nouveaux genres musicaux que Helloween ne maîtrisait visiblement pas du tout, au travers de ce caméléon de folk, de swing, de heavy metal, de pop rock, de que sais-je... qui, malgré une volonté de changer de couleur à chaque morceau, reste bien fade. Nul besoin d'expliquer que ce disque fut un échec critique pour le groupe et qu'il n'est même plus considéré aujourd'hui comme un disque d'Helloween par les fans les plus hardcore qui voient en lui une véritable bête noire.
"Nous avons essayé de faire un "White Album", à la manière des Beatles, et avons échoué." (Michael Weikath, au sujet de Chameleon).
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