Géniteurs d’un premier sang quasi-miraculeux –
le fantastique album éponyme, qui ne tardera pas à être chroniqué en ces pages – les membres de TOMAHAWK n’ont depuis cessé d’emprunter une pente descendante à chacune de leurs sorties, délaissant peu à peu les sentiers de la guerre mystico-alternative pour un terrain plus glissant. Car si le très satisfaisant
« Mit Gas » maintenait assez haut les standards de qualité érigés sur leur premier opus, difficile d’en dire autant du déconcertant « Anonymous », qui précipita le départ du bassiste Kevin Rutmanis (COWS, MELVINS) et fut suivi d’un long hiatus de six ans.
Les premières rumeurs concernant le retour en studio du all star band remontant à plus d’un an et demi, on sera plutôt rassuré par les premiers extraits d’ « Oddfellows » ayant filtré sur la toile. Délaissant les expérimentations malheureuses du skeud précédent, qui poussait un peu loin le délire
native american music, TOMAHAWK déterre la hache de guerre rock avec un « Stone Letter » parfait dans son rôle d’attrape fans. Rythmique carrée, structure couplet/refrain on ne peut plus classique et science de la mélodie mortelle made in Patton, tous les éléments semblent réunis pour faire chavirer de bonheur les nombreux nostalgiques de FAITH NO MORE ! Pour leur retour sur le devant de la scène, Duane Denison, John Stanier & Co. ont fait appel à Collin Dupuis (THE BLACK KEYS) : un pedigree indie rock qui confère à « Oddfellows » une production plus épurée, moins puissante que sur « Tomahawk » et
« Mit Gas ». Un rendu plus sec et moins organique (la basse de Trevor Dunn est un peu noyée dans le mix) mais pas désagréable pour qui apprécie un ravalement de façade sonore minimum à chaque sortie. Ajoutez à cela un artwork décalé signé Ivan Brunetti (célèbre dessinateur Américain ayant longtemps collaboré avec The New Yorker) et, vous obtenez tous les ingrédients d’un come back réussi.
MAIS ! Car il y a un mais, et même plusieurs. Si l’on retrouve illico l’identité musicale du combo et notamment les riffs irrésistibles de l’ex-JESUS LIZARD Duane Denison (formidable opener, un « Oddfellows » transcendant tout droit tiré de « Tomahawk »), ce quatrième effort souffre très vite de l’absence de ligne directrice. C’était déjà un peu le cas de
« Mit Gas » à l’époque, qui compensait son côté fourre tout par une signature électro le distinguant de son ainé, ainsi que par une impressionnante série de classiques (« Bid Song », « Rape This Day », « Mayday » et j’en passe). Ici, on retrouve un peu de tout ça, « I.O.U. » reprenant à son compte les rythmiques artificielles de
« Mit Gas » quand « South Paw » orchestre carrément la rencontre entre KILLING JOKE et … NIRVANA (deuxième fois que je les cite en peu de temps, je vais finir par chroniquer « Nevermind »!). Hélas, lorsque vient le moment de la prise de risque, celle-ci s’avère soit minimale (la western attitude Leonienne de « I Can Almost See Them »), soit désastreuse (le virage en épingle à cheveux boogie woogie de « The Quiet Few »). Dans le même ordre d’idée, si l’on peut parler de sans faute jusqu’à « A Thousand Eyes » en matière de tracklisting, c’est à un TOMAHAWK branché sur courant alternatif que l’on a à faire par la suite, le manque d’inspiration manifeste du quatuor (« Choke Neck », « Baby Let’s Play ») renforçant le sentiment de remplissage.
Bien sûr, tout est loin d’être à jeter sur ce nouveau TOMAHAWK, plutôt solide malgré les habituelles sautes d’humeur d’un Mike Patton qu’on a connu plus incisif. Une partition sage de la part du fou furieux de MR. BUNGLE et FANTOMAS, qui achève d’attendrir un album souvent plaisant, mais auquel il manque tout de même quelque chose pour planer à plus haute altitude. Deux ou trois incontournables supplémentaires n’auraient pas fait de mal pour dynamiter l’ensemble, TOMAHAWK paraissant parfois rouillé par de trop longues années d’inactivité. La détestable impression laissée par « Anonymous » agissant comme écran de fumée, on appréciera tout de même ce retour en demi-teinte aux valeurs refuges qui ont fait leur succès. TOMAHAWK qui sort de sa réserve, ça reste appréciable. Gare toutefois à ne pas trop scléroser une formule qui a fait ses preuves, après être tombé dans l’extrême inverse il y a six ans et demi !
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