Vous souvenez-vous de la dernière fois où Marilyn Manson a sorti un vrai bon album ? Ça ne date pas d'hier, hein ? Je me demande d'ailleurs si j'avais le BAC à cette époque. Depuis plus de 10 ans, notre révérend a entrepris une traversée du désert qui n'en finit plus. Entre le réchauffé
"The Golden Age Of Grotesque", l'inégal
"Eat Me, Drink Me", le fiasco
"The High End Of Low" et l'insipide
"Born Villain", le grand ami de l'église protestante ne fait plus rêver et se perd année après année en tentant de trouver son identité. Un comble pour un homme qui a passé la quarantaine depuis un moment... Finalement, à 45 ans, Brian a peut-être compris qu'il n'en avait plus vingt et qu'il fallait arrêter de courir derrère son passé. Il a alors tourné la tête, regardé son avenir en face, et tendu son majeur.
On le sait, MM a toujours eu besoin de s'entourer pour produire sa musique et lui donner une direction. Pour ce neuvième album, le choix s'est porté sur le compositeur de musiques de film Tyler Bates ("300", "Watchmen", "Sucker Punch", ...) et sur l'excellent batteur Gil Sharone (Stolen Babies), deux personnes jusque là étrangères à l'entourage de l'Américain. Avec ce sang neuf, ces musiciens fonctionnant au feeling, son rock change de source d'inspiration et lorgne désormais vers le blues dans un style plus naturel, instinctif, monochrome et léthargique. L'artwork donnait déjà le ton : plus de maquillage outrancier, de couleurs flashy, de glam... Un peu moins Marilyn, un peu plus Manson, c'est surtout l'homme qui semble se dévoiler à travers "The Pale Emperor", un album aux allures de mémoires d'une icône déchue livrant son histoire et ses blessures. A visage découvert, Brian nous déballe ses tripes, froidement et sans retenue. D'une inattendue sincérité, cette approche surprend et vous aspire dès les premières minutes. On a de nouveau envie de bouger, de crier, de frapper et de souffrir avec lui sans chercher à savoir pourquoi, une connexion avec son auditoir que l'on pensait perdue à jamais.
Terminé les longueurs, les errances, "The Pale Emperor" nous refait le coup de l'usine à tubes, un album direct et sans détour, 50 minutes de blues/rock classieux et inspiré, à la violence contenue mais bien réelle. Si les guitares électriques perdent en agressivité, elles se font plus sournoises, plus espiègles et s'accordent à merveille avec le chant écorché de MM. Ce dernier n'a d'ailleurs rien perdu de son talent d'orateur, aussi convaincant dans ses puissants hurlements que sur les passages plus subtils. En fin de compte, à l'exception de "Birds of Hell Awaiting" dont les divagations réveillent le vilain spectre de
"The High End Of Low", absolument rien n'est à jeter. L'ensemble s'équilibre parfaitement entre hargne et émotions, oscillant sans problème des groovy "Cupid Carries a Gun" et "The Devil Beneath My Feet" aux bombes "Deep Six" et "The Mephistopheles of Los Angeles" en passant par les poignants "Warship My Wreck" et "Odds of Even". On retrouve même ici et là quelques clins d'oeil à
"Mechanical Animals" et
"Holy Wood", dans le ton ou les effets de certains titres (les *ouh ouh* de "Warship My Wreck", le final de "Cupid Carries a Gun", les gémissements de "Odds of Even"...). Que demander de plus.
Première surprise de l'année donc et quelle surprise ! On n'attendait plus le groupe à ce niveau, preuve que le révérend a encore des choses à offrir. Certes, dans le fond rien d'exceptionnel mais "The Pale Emperor" remplit son contrat et donne une véritable leçon de rock et de groove. La beauté et l'esthétique glacés de l'album rendent enfin justice à un artiste dont les provocations ont trop longtemps occulté l'aspect musical. De nouveau en phase avec ses démons, notre empereur, un barreau de chaise à la main, regarde le peuple droit dans les yeux et l'emmerde. Bien profond.
Il était temps.
PS : Les 3 titres supplémentaires de l'édition deluxe valent également le détour : il s'agit de revisites acoustiques de "Third Day of a Seven Day Binge" ("Day 3"), "The Mephistopheles of Los Angeles" ("Fated, Fateful, Fatal") et "Odds of Even" ("Fall of the House of Death").
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