Escumergamënt - ...ni degu fazentz escumergamënt e mesorga...
Chronique
Escumergamënt ...ni degu fazentz escumergamënt e mesorga...
À R. B.
J’ai un peu cherché, pas longtemps à vrai dire, car je m’en fiche un peu, mais on ne sait pas vraiment qui se cache derrière ESCUMERGAMËNT. Tout juste sait-on que parmi nos quatre bonshommes se cachent des membres de STILLA, SETHERIAL, SVEDERNA et BERGRAVEN, quatre formations de Black Metal issues de la scène suédoise. L’anonymat devenant un usage courant, je ne m’en formalise pas, mais des Suédois empruntant leur nom à la langue occitane avait de quoi susciter ma curiosité, d’autant que ...ni degu fazentz escumergamënt e mesorga… m’avait été chaudement recommandé par un ami très cher dont je connais (et parfois déplore !) le degré d’exigence. Bien m’en a pris car je crois tenir avec cet album, figurant au catalogue du label italien Avantgarde Music, l’une des plus belles découvertes de l’année 2021. Le joli livret m’apprendra cependant que nos quatre inconnus n’ont pas poussé le vice jusqu’à écrire leurs textes en occitan, mais en anglais, retranscrits avec une élégante calligraphie proche de l’elfique tolkinien, de celle que l’on pourrait trouver gravée sur les portes de la Moria.
A l’exception d’un single sorti en 2020 composé de deux titres que l’on retrouve sur le long-format qui nous préoccupe aujourd’hui, ESCUMERGAMËNT a donc jailli de nulle part, ou peut-être d’une lugubre forêt peuplée de fantômes bien décidés à hanter nos nuits. Celle-là même immortalisée par cette photo sur la pochette ? Pochette qui, par ailleurs, n’est pas sans rappeler celle de l’EP Constellation des cousins norvégiens d’ARCTURUS. Alors, clin d'œil ? Peut-être bien car ces groupes pratiquent tous deux (en tout cas pratiquaient en ce qui concerne la bande à Hellhammer) un Black Metal atmosphérique de bien belle facture.
L’ouverture magistrale de "Of Old Night and Winter" donne le ton : ce clavier aussi enveloppant que la brume s’accrochant à la surface de l’eau, ce petit riff lancinant, ce hurlement de possédé, cet orage qui éclate pour laisser place au déferlement de tous les instruments, laissent présager du meilleur pour la suite. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on risque pas la déception avec la seconde piste, car les envolées cosmiques de toute beauté, les breaks tout aussi jouissifs et la ligne de chant ensorcelante font de "To Envy the Corpses" le plus bel artefact de ...ni degu fazentz escumergamënt e mesorga… dont il est bien difficile de se défaire et, par ricochet (à la surface des eaux sombres du mystérieux paysage) donnera une première - et fausse - impression d’un léger fléchissement avec les premières notes d’"Antediluvium". Certes, le rythme décélère, mais la basse s’impose, le mystère s’épaissit, puis le voile se déchire pour laisser place au théâtre grandiloquent d’une Nature puissante et cruelle, la tempête emportant finalement tout sur son passage. "I sang of Murder" s’apprécie alors comme le nécessaire apaisement après ce déchaînement des éléments, avec un rythme plus lent (mais pas pour longtemps cependant), les nappes de clavier mystérieuses et inquiétantes rivalisant avec les guitares furieusement poignantes. D’une facture plus classique, le titre "The Grievous Miracle" souffre légèrement de la comparaison avec ses illustres prédécesseurs, mais n’en reste pas moins un bel exemple de Black Metal atmosphérique, planant à souhait, en guise de répit avant le final solennel, majestueux et terrible de "Black Ash And Ruin", dont on sent venir, avec une impatience douloureuse, la montée en puissance tourbillonnante en ultime récompense, servie deux fois, gâtés que nous sommes !
...ni degu fazentz escumergamënt e mesorga… n’est autre que l’allégorie d’une nuit de tourmentes, nous métamorphosant en pauvres mendiants du sommeil errant entre rêves surnaturels, cauchemars terrifiants et réveils en sursaut. Car ESCUMERGAMËNT excelle dans le difficile exercice de l’alternance maîtrisée de passages déchaînés et de plages plus lentes, les émotions sont vives, les élans passionnels se bousculent puis s’apaisent, une noire féerie s’invite, un léger souffle épique s’immisce, pour offrir à son auditoire un plaisir complet et sans la moindre seconde d’ennui.
D’une durée parfaite de 45 minutes pour six titres (serait-ce le nombre d’or musical ?), bourré de mélodies envoûtantes rapidement addictives, de chants cauchemardesques, magnifiés sans être noyés par la réverb, redonnant un sacré coup de lustre aux claviers, ...ni degu fazentz escumergamënt e mesorga… s’impose comme un album de Black Metal atmosphérique très solide, aux ambiances profondément immersives dans lesquelles on plonge sans retenue.
Sur le fond, rien de très nouveau sous la ténébreuse canopée, mais dans la forme, ESCUMERGAMËNT dispose de tous les charmes pour ensorceler les trve blackeux coincés dans les années 1990 comme les amateurs des plus récentes vagues du Black Metal avec ce premier album bien plus que prometteur. Car il s’agit bel et bien d’une précoce mais totale réussite, fantasmagorique et... lumineuse, oui, singulièrement lumineuse. C’est presque un non-sens de s’autoproclamer « abomination » (traduction d'ESCUMERGAMËNT) quand on réalise un si bel ouvrage.
| ERZEWYN 3 Août 2021 - 1150 lectures |
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