J’imagine qu’avec les années et les rencontres, on a tous une petite liste d’œuvres que l’on estime injustement oubliées, voire complètement passées inaperçues. Ces œuvres vers lesquelles on retourne pourtant régulièrement, malgré l’absence de rappels extérieurs. Des classiques personnels, encore plus attachants en raison de leur anonymat. Comme un secret que l’on voudrait ne garder que pour soi…
Ce fut pour moi longtemps le cas pour cet unique album de Mythical Beast. Rencontré par hasard durant mes pérégrinations sur le défunt site Slow End, il ne m’a jamais quitté depuis, s’éloignant de temps à autre pour revenir avec régularité dans mes écoutes. Une simple recherche sur internet montrera que peu d’informations circulent sur ce projet et ses membres, à peine évoqués par quelques articles, quelques critiques datant de l’époque de sa sortie, un bandcamp sommaire où écouter les créations de ce groupe parti dans un murmure, sans annonce ni indice sur une potentielle suite. Comme ces nombreux projets disparus dans un silence que leur existence avait déjà engendré, l’indifférence générale comme signe d’un repos mérité.
Pourtant, Mythical Beast m’a marqué, au point de regretter que
Scales soit son unique album. Ce trio formé à la Nouvelle-Orléans en 2004, puis délocalisé suite aux ravages causés par l’ouragan Katrina en 2005, possède en effet sur ce disque tout ce qui rend un groupe marquant : la personnalité, l’exécution, l’émotion, tous réunies sous l’égide de musiciens pris par ce qu’ils jouent.
Sans doute a-t-on usé jusqu’à la moelle ces images de personnes en transe, possédées par leur musique, en particulier concernant le stoner et son versant le plus psychédélique. Difficile cependant d’y couper concernant pareil exploit :
Scales est une expérience cathartique de ce genre... comme aucun genre ne l’a abordé jusque-là. Une expérience rituelle avant toute autre chose, ce qui fait sur le papier son style devenant vecteur pour s’enfoncer mentalement dans cette nuit scintillante d’étoile, cette chaleur qui nous enrobe, ce mysticisme d’une nature sauvage et américaine dans laquelle on se dissout. Bien sûr, on pourra parler de Black Sabbath à propos de ces mélodies vintage et groovy, de drone pour cette quasi-absence de rythme, le son devenant un flux à suivre, de
Jex Thoth enfin, seul équivalent devant la prêtresse Rosethorn et sa voix grave qui nous invite à la suivre vers des contrées inconnues. Mais, comme les mots que l’on s’invente pour décrire ses états « autres », tout cela ne fait que tourner autour des émotions ressenties au travers de ces quarante-trois minutes minutes.
Il y a quelque chose de fantasmagorique dans
Scales, comme la plongée dans un rêve que cette musique nous fait vivre de façon détaillée et concrète, dans un demi-sommeil enfiévré, léthargie et émois du cœur s’entremêlant. Un songe épicé d’opioïdes, langoureux dans ses volutes de guitare et emporté dans sa voix incantatoire, d’une expressivité soul. Ce chant est la face humaine d’un engagement total de chaque musicien, tel que le demande cette magie mystérieuse et sensuelle. Une voix qui sert de passeuse, faisant le pont entre les caresses de l’ombre et les fureurs du feu avec lesquelles converse cet album.
Vous l’aurez peut-être noté : aucune description précise de ce qui se déroule sur ce disque, aucune mention de passages, moments forts, baisses en qualité, sur un site qui a pourtant fait son habitude de disséquer, parfois à la seconde près, ce qui passe sous sa main. C’est qu’il y a des choses que je veux garder pour moi concernant
Scales, cet album avec lequel j’ai développé un lien personnel au fil des ans. J’ai évoqué son existence, parlé brièvement de son aura, indiqué quelques coordonnées pour vous y rendre – et cela me semble déjà beaucoup trop en révéler. Il ne tient qu’à vous de l’explorer.
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo