Nächtlich - Satanas Solum Initium Est
Chronique
Nächtlich Satanas Solum Initium Est
Si comme moi vous aimez prendre un peu de votre temps pour râcler les bas-fonds de l’underground Black Metal en quête d’obscures pépites déglinguées, vous n’êtes alors probablement pas sans avoir déjà croisé le chemin de Nächtlich.
Formé à Toronto en 2016 par Gamzhurm et U.E., le duo va très vite enchainer les sorties jusqu’à justifier aujourd’hui d’une discographie particulièrement fournit composée ainsi de deux démos, trois EPs, huit splits, une compilation et deux albums. Une discographie qui d’ailleurs s’échange au moins pour les trois quarts à prix d’or sur Discogs...
Après un premier album éponyme paru en 2018 chez Perished Soil et Black Gangrene Productions, Nächtlich remet aujourd’hui le couvert le temps d’un deuxième album intitulé Satanas Solum Initium Est paru une fois de plus sous l’égide du fameux label portugais qui, rappelons-le, héberge quantité de groupes plus intéressants les uns que les autres (Valac, Blood Magic, Lamp Of Murmuur, Obskuritatem, Lampir…). Et comme le ridicule ne tue pas, les deux gus de Nächtlich ont choisi pour artwork une photo d’eux dans des postures improbables, l’un arborant fièrement le chandelier de mamie qu’il porte vers le ciel telle une relique ancestrale, l’autre le bide à l’air et les chaines rutilantes dans une expression de victoire qui a quand même de quoi faire légèrement sourire. Malgré tout je l’aime beaucoup cet artwork, pour toutes ces raisons énoncées ainsi que ces tons verdâtres du meilleur effet.
Une mise en scène qui a au moins le mérite d’éclairer quiconque souhaiterait poser ses oreilles sur la délicieuse musique de Nächtlich. Car comme le suggère effectivement ces poses victorieuses, ce maquillage appliqué avec soin et cet attirail sorti des cartons pour l’occasion, Satanas Solum Initium Est verse dans un Black Metal rudimentaire, décharné et évidemment mal produit puisant l’essentiel de son inspiration du côté des scènes norvégiennes et françaises des années 90. Une vision passéiste et rétrograde que le duo entretien naturellement à plusieurs niveaux.
Ainsi, comme la majorité de ces groupes de Black Metal oeuvrant dans l’ombre à coup de tirages limités dans le meilleur des cas à une petite centaine d’exemplaires seulement, Nächtlich a porté son choix sur une production volontairement cradingue qui crachote et sature même lorsque le silence règne... Alors comme toujours, les quelques âmes sensibles qui croiseront le chemin des Canadiens auront sûrement du mal à s’y faire et même à passer outre mais si vous êtes habitués à trainer vos guêtres chez ces groupes généralement peu soucieux de ce genre de détails vous n’aurez aucun mal à composer avec celle de Satanas Solum Initium Est qui s’avère finalement presque "soignée" pour le genre.
Cependant, au delà de ce qui constitue la base essentielle d’une sortie de ce genre, Nächtlich se distingue une fois de plus par ce feeling Punk toujours aussi particulièrement déglingué et séduisant. De ces riffs décharnés à trois notes composés à l’arrache et balancés à la face de l’auditeur avec toujours autant de désinvolture et d’efficacité (constat valable sur tous les titres de l’album qui ne servent ni d’introduction ("Intro: Sphere Of Etheric Ambivalence") ni d’interlude ("Autosarcophagic Ascension")) en passant par ces accélérations plus sous moins soutenues ("Frenetic Procreation Of Yeqon" titre qui porte définitivement bien son nom puisque c’est tête baissée et le couteau entre les dents que le duo mène ici son assaut, "Galloping Through Tenebrae" à 3:28, "Death Beyond The Oblivions" à 2:04 et 4:24, "Reveal The Final Key"...) et autres rythmes de Punk à chien dont on a bien du mal à se défaire (l’ultra entêtant "Satanas Solum Initium Est" qui déroule pendant presque quatre minute l’une des rythmiques les plus vicieuses de l’album, le premier tiers tout aussi irrésistible de "Galloping Through Tenebrae"), on va donc pouvoir se régaler une fois de plus de cette énergie, cette urgence et cet esprit résolument foutraque qui fait le charme de ce Black Metal.
Comme toujours avec les Canadiens, les interludes et autres séquences plus atmosphériques sont évidemment toujours de la partie. Bien que je ne sois pas toujours très client de ce genre de compositions qui en règle générale m’ennuient assez vite et n’apportent pas grand chose à ces sorties sur lesquelles ils apparaissent si ce n’est peut-être rompre avec une certaine dynamique et d’amener ainsi un soupçon de relief, je dois bien reconnaitre que Nächtlich a su ici conserver mon attention et même me donner du plaisir. Certes un peu longue, "Intro: Sphere Of Etheric Ambivalence" fait plutôt bien son travail en amenant tranquillement les choses le temps d’une introduction éthérée aux sonorités spectrales et lointaines. Même chose pour la dernière partie de "Reveal The Final Key" qui traine peut-être encore un petit peu en longueur mais qui amène cette fois-ci une atmosphère plus victorienne avec ce piano solitaire que l’on imagine joué dans une pièce d’un manoir abandonné. Mais c’est surtout avec le morceau "Autosarcophagic Ascension" faisant office d’interlude que Nächtlich convainc le plus. Un titre bien loin des brûlots Black Metal / Punk évoqués un petit peu plus haut que le duo va mener ici par le biais d’une guitare et d’une basse au son particulièrement clair et cristallin (pour un peu, cette mélodie principale semblerait presque sortie d’un album de Tech / Death des années 90) et d’un synthétiseur dispensant sous forme de nappes des notes lointaines et mystérieuses. Un entre-deux particulièrement réussi qui donne à voir et à entendre un autre visage du duo sans que cela vienne pour autant gâcher la fête.
S’il se réserve une fois de plus à tous ceux capables de s’accommoder de productions volontairement cradingues, Satanas Solum Initium Est n’en reste pas moins un album particulièrement convaincant. Certes, il n’y a rien de bien nouveau à découvrir chez Nächtlich qui n’ait pas déjà été proposé par le passé et pourtant il y a dans le Black Metal des Canadiens une certaine fraîcheur que je ne m’explique pas et qui rend chacune de leurs sorties (et il y en a un paquet) extrêmement plaisantes. Satanas Solum Initium Est ne déroge pas à cette règle et s’inscrit donc sans mal parmi les sorties Black Metal de l’année qui auront su me séduire et me donner envie d’y revenir.
| AxGxB 25 Novembre 2021 - 1128 lectures |
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