Witnesses - The Collapse
Chronique
Witnesses The Collapse
Witnesses est le projet du musicien Greg Schwan, qui, depuis deux mille seize, enchaîne les sorties dans des horizons musicaux divers, se faisant d'abord connaître par des réalisations dans le domaine de la musique électronique et ambiant, pas si éloignées que cela de certaines oeuvres d'Ulver. Mais Greg Schwan est un touche à tout et il peut tout aussi bien évoluer dans les sphères de la dark folk. Il convie fréquemment d'autres musiciens pour l'aider à enregistrer ses oeuvres, en fonction du style pratiqué, étant le seul aux manettes pour ce qui est de la composition. Mais Greg Schwan a aussi eu un projet de doom death metal à la fin des années quatre vingt dix, Forty Days Longing, et a aussi joué du clavier au sein de While Heaven Wept. C'est donc tout naturellement qu'il s'est aussi essayé à des réalisations dans un registre doom metal atmosphérique, faisant appel à ses anciens compagnons de Forty Days Longing, dont le guitariste Matt Kozar et le violoniste Suvo Sur, avec lesquels il enregistra l'album To Disappear and to Be Nothing en deux mille dix neuf, avec un certain Mark Zonder à la batterie, ancien Fates Warning. Il a continué dans ce registre avec l'album Doom II l'année suivante, avec cette fois-ci Scott Loose, - ex While Heaven Wept - venu lui prêter main forte pour certains soli. Toujours aussi prolifique, il revient donc avec un nouvel album en cet automne deux mille vingt et un, non sans avoir sorti un album et un EP entre temps dans un autre registre, avec sa troisième réalisation dans un registre doom metal atmosphérique, avec le présent The Collapse.
L'on peut toujours être un peu effrayé lorsqu'un musicien touche à autant de genres musicaux, sans vouloir changer le nom de son projet au grès de ses humeurs qui plus est, et ainsi se poser la question de la maîtrise de son sujet. Pour autant, il y a quelque chose qui transparaît au grès des différentes réalisation de Witnesses, c'est le caractère assez cinématographique de la musique composée par Greg Schwan. C'est quelque chose qu'il y a en filigrane autant dans ses réalisations non metal, que dans celles qui nous occupent, et plus précisément sur ce The Collapse. Si cette caractéristique est assez naturelle pour ce qui est des musiques ambiantes, ce n'est pas aussi facile que cela à faire transparaître pour ce qui est du doom metal atmosphérique. Elle se retrouve pourtant tout naturellement ici, et, de surcroît, cela fonctionne très bien, ce qui est déjà un petit tour de force. Le ton est d'ailleurs rapidement donné avec l'introductif Entrance, avec cette mélodie assez inquiétante et glaciale, le genre de mélopée qui vous fige directement pour peu que vous ne soyez pas hermétique à ce type de musique, et qui fait un peu le pont avec l'album ambiant IV sorti en février de cette année et consacré à l'hiver. Sauf qu'ici, l'on ne va pas être dans la contemplation mais bien dans une forme de détresse et de questionnements existentiels, sans doute induits par le confinement de l'an passé. C'est là, l'une des forces de cet album, c'est qu'il va décliner ces sentiments sur ces quarante minutes de musique, avec une certaine finesse, aussi bien dans les arrangements que dans l'écriture des titres, mais également dans l'enchaînement de ces derniers, avec en milieu de course le bien nommé interlude, uniquement au piano.
Lorsque je dis que tout cela est bien fait, cela repose bien évidemment sur la musique en elle-même, et pour le coup, le grand amateur de la scène anglaise des années quatre vingt dix, les fameux Peaceville Three, est assez comblé. Pour le coup, cela nous renvoie aux mêmes atmosphères qu'un Anathema, sans doute est-ce la référence la plus flagrante pour cet album, car on y retrouve la même ambiance, la même mélancolie, même si l'ombre d'un Katatonia deuxième période n'est pas loin non plus, pour le côté plus urbain de cette musique. Mais pas seulement au niveau de l'atmosphère, l'on y retrouve surtout cette même manière de faire au niveau des riffs de guitares, assez simples dans l'exécution, mais bien touchants car toujours très mélodiques, tout en sachant évidemment se faire pesant dans la majeure partie des titres. Et puis, et c'est évidemment quelque chose qui est assez significatif me concernant, c'est que l'on retrouve de très beaux arrangements de guitares, avec des leads jumelées de temps à autres et des mélodies qui distillent tout leur spleen. L'on retrouve aussi quelques arpèges de temps à autres, comme sur The Collapse. C'est assez complet dans ce registre, et l'on n'insistera jamais assez sur les qualités d'écriture de Greg Schwan, car c'est vraiment bien ciselé sur chaque composition. Et si l'on devait faire une comparaison avec Doom II, il a un peu plus épuré ses compositions, pour ne garder que l'essentiel. En terme d'arrangements, et je pense notamment aux quelques nappes de claviers, ce n'est pas sans faire penser à While Heaven Wept, sans le côté progressif de ces derniers, mais, là encore, il y a une certaine finesse dans tout cela et une belle intelligence dans l'utilisation de tous ces éléments. Et si j'évoque While Heaven Wept, c'est parce que son ancien guitariste Scott Loose nous gratifie de deux très beaux soli sur The Collapse et sur They Giveth and Taketh Away: l'on y retrouve avec plaisir ses phrasés assez typiques.
Si les compositions sont assez longues, elles sont loin d'être monolithiques, et l'on joue bien sur les contrastes, aussi bien entre moments plus chargés en émotions et d'autres plus doucereux. À ce propos, je ne peux m'empêcher d'évoquer le très beau break sur la partie finale de Repose, dans une trame très froide, et qui s'enchaînera admirablement avec l'interlude. Il en va de même pour les tempi qui, s'ils sont assez lents, ne sont pas non plus univoques, et l'on ne s'interdit pas d'accélérer, comme c'est aussi le cas sur Repose, avant de bien ralentir la cadence. Si cet album paraît assez rapidement après Doom II, je reste assez admiratif des progrès faits par le projet, que ce soit pour ce qui est de la programmation de la batterie, mais surtout sur le fait de bien tenir la distance sur ces quarante minutes. L'autre signe de progrès c'est au niveau du chant et le nouveau venu Anlaik se débrouille très bien. Évoluant uniquement en chant clair, il a un timbre de voix qui s'acclimate très bien au côté mélancolique de la musique de Witnesses, et il est moins dans l'exubérance que son prédécesseur, facteur qui pouvait crisper auparavant. Ce d'autant qu'il est capable d'insuffler beaucoup d'émotions aussi bien pendant les accalmies que dans les moments plus chargés, où il fait preuve de puissance avec un ton un peu éraillé sur ces instants. En tout cas cette versatilité sert parfaitement la musique du groupe. Et peut-être que le plus longue pièce de cet album, They Giveth and Taketh Away, est la meilleure carte de visite pour dévoiler toutes les qualités de cette réalisation.
Ainsi, les minutes s'égrainent assez rapidement à l'écoute de The Collapse, sans que l'on ne vienne s'ennuyer à un seul moment, tant tout s'enchaîne très bien. L'on se laisse surtout happer par cette mélancolie qui vous englobe dès les premières secondes sans lâcher prise un seul instant jusqu'à la fin de l'album. J'y retrouve ici tout autant la classe des vieux Anathema que la finesse d'un While Heaven Wept, mais avec une personnalité affirmée de la part de Greg Schwan et de ses acolytes. Très peu d'espoir s'immisce sur The Collapse, comme si l'on était les témoins d'un monde déclinant et que l'on ne pouvait qu'avoir des regrets sur le passé et le présent et n'avoir d'autres réponses que l'inertie pour l'avenir. Witnesses a ainsi réalisé une très belle oeuvre de doom metal atmosphérique, genre assez casse-gueule tant tout ou presque y a déjà été dit, et qui surprend vraiment par les images qu'évoquent assez facilement The Collapse: une forme de résignation toute urbaine et tellement moderne, assez représentative du monde présent dont il constituera une très belle bande son.
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