Ce nouvel album des Finlandais a dû faire saliver un grand nombre de metalleux au coeur tendre, ou en tout cas susciter une certaine attente. Entre les adorateurs du combo et les septiques quant à la direction musicale prise depuis
"Hope", Swallow The Sun était attendu au tournant pour son cinquième opus. Et ça tombe plutôt bien car Swallow The Sun a justement décidé de sortir des sentiers battus avec ce "Emerald Forest and the Blackbird", l'accompagnant d'une bonne et d'une mauvaise nouvelle. La bonne : si comme moi vous trouviez que le groupe tournait un peu en rond, vous serez heureux d'apprendre que cette période est enfin révolue. La mauvaise : cette évolution risque d'en décevoir plus d'un.
Depuis
"Hope", on se doutait que la musique des Finlandais intégrerait de plus en plus de passages atmosphériques. Contrairement à la grande majorité des formations de cette scène doom/death scandinave, Swallow The Sun s'est démarqué par cette capacité à alterner hymnes du genre, racés et puissants ("These Hours of Despair" sur
"Hope" et "These Woods Breathe Evil" sur
"New Moon" par exemple) et ballades léthargiquo-dépressives, avec sur ce dernier point, plus ou moins de réussite en ce qui me concerne. Au risque de me faire piétiner par une horde d'adeptes du désespoir, j'ai toujours trouvé ces errances d'un ennui mortel, manquant cruellement de profondeur et d'émotion, surtout comparé à leur incontestable talent de composition dans le doom/death classique. Mais à l'écoute de cette cuvée 2012, je retire tout ce que j'ai pu dire à ce sujet.
Avez-vous pris peur en découvrant "Cathedral Walls", le premier extrait de cet album ? Est-ce que vous avez espéré que le reste ne tombe pas autant dans le mélo ? Si ce que vous aimez avant tout, c'est cette musique qui fait ressortir toutes les pires choses enfouies au plus profond de votre âme, je n'ai qu'un conseil à vous donner : n'achetez pas cet album, vous serez forcément déçu. Pourtant, Swallow The Sun n'a pas perdu la main quand il s'agit de s'adonner à l'exercice de style traditionnel comme en témoigne le fabuleux "Hate, Lead The Way", le plombant titre éponyme, et dans une moindre mesure "Of Death and Corruption" ou encore le troublé "April 14th". La production claire et puissante fait honneur à la lourdeur des guitares et à la beauté des leads, et les claviers symphoniques parachèvent d'instaurer cette atmosphère froide et désolée qu'on leur connait. Les hurlements de Mikko Kotamäki se montrent d'ailleurs toujours aussi efficaces et variés, oscillant entre chant black et death, tous deux très convaincants. Enfin jusque là, rien de très nouveau me direz-vous. Certes, certes.
En réalité, toute l'évolution qu'apporte "Emerald Forest and the Blackbird" se trouve dans les passages atmosphériques qui représentent au moins 50% de l'ensemble (voir plus). Ils sont devenus tellement présents que l'arrivée de la cavalerie des enfers tomberait presque comme un cheveu sur la soupe, comme le passage à 3'40" sur "Cathedral Walls". Swallow The Sun joue depuis quelques albums sur cet extrême contraste et je trouve que l'on atteint parfois ici un paroxysme quasi-maladroit, comme si le cul entre deux chaises, le groupe se sentait forcé sur chaque titre de placer quelques hurlements pour ne pas passer pour des mauviettes (qui plus est quand une femme de caractère telle que Anette Olzon de Nightwish pousse la chansonnette). Mais dans l'ensemble, les Finlandais assument enfin leur sensibilité, ce qui ne sera sans doute pas le cas d'une partie de leur auditoire. Pas besoin d'aller plus loin que le second titre "This Cut is the Deepest" pour entendre ce que le groupe a à nous offrir de neuf : jamais il ne nous avait servi une guitare acoustique aussi enchanteresse appuyée par le superbe chant de Mikko, décidément très polyvalent. Un petit lead électrique et quelques claviers pour renforcer l'ambiance, il ne m'en faudra pas plus pour verser ma petite larme. Et des morceaux de cette qualité, il y en a : "Hearts Wide Shut", "Night Will Forgive Us", "Cathedral Walls"... Certains trouveront probablement que le groupe se perd parfois dans un vulgaire metal gothique (c'est toujours vulgaire le metal gothique) ; personnellement j'apprécie ce mélange des genres, même sur un titre aussi racoleur que "Silent Towers". Du coup ces 67 minutes passent comme 10 : on en redemanderait presque.
Enfin, Swallow The Sun n'est plus chiant, Swallow The Sun est juste magnifique et touchant. Pas de temps mort, pas de faute de goût, ni de baisse de qualité, uniquement des superbes mélodies et une irrésistible atmosphère mélancolique qui tire parfois vers la haine et le désespoir pour les morceaux les plus violents. Néanmoins, pour accompagner cette évolution parfaitement maîtrisée, on aurait pu espérer un peu plus d'audace car malgré tout, le groupe séduit plus qu'il ne surprend et cette linéarité finira par lasser. En attendant, Swallow The Sun signe un véritable coup de maître qui me fera passer des sceptiques à ceux qui salivent pour le prochain album.
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