Swallow The Sun - Moonflowers
Chronique
Swallow The Sun Moonflowers
Comme je te sais parfois distrait ou naturellement sélectif, je me permets une petite mise en contexte. Si tu es amateur de doom, tu connais bien entendu Swallow The Sun. Tu sais aussi que les finlandais ne sont pas – et n’ont jamais été – les plus brutaux représentants du style. Tu connais enfin leur crédo, ce doom peu sensiblement death et très amplement mélodique, qui les porte depuis leurs quasi-débuts avec le magnifique The Morning Never Came. Et, pour être tout à fait honnête avec toi, même si les finlandais n’ont jamais été mon groupe de chevet, force est d’admettre que leur carrière est particulièrement honorable, aucun de leurs albums n’ayant jamais véritablement déçu. Ils ont perdu des fans, sans doute à partir d’Emerald Forest, le tournant plus nettement ambient ayant décontenancé les puristes. Mais pour autant, en stricts termes de qualité, Swallow The Sun n’a jamais déjoué. Au contraire, le combo peut s’enorgueillir de maintenir un niveau qualitatif tout à fait respectable.
Moonflowers intervient dans ce contexte, huitième album emboitant le pas à un When a Shadow… qui avait su conquérir les foules, porté par la douleur, une poésie désespérée confinant au sublime et sur lequel l’ombre de la Mort plane sans cesse. Clairement, Moonflowers ne surpasse pas When a Shadow… Mais, tout aussi nettement, il s’inscrit dans la même veine poétique et aérienne, lumineuse et sombre à la fois, comme possédé.
Moonflowers Bloom In Misery ouvre l’album sur des notes aériennes égrenées une à une, qui semblent se disperser dans l’atmosphère alors qu’une voix claire, presque pop, charge la structure d’une couche supplémentaire de délicatesse. Ses premiers accords rappellent Katatonia, son rock sombre et planant. La production est hyper léchée, sans doute trop clean pour le style, mais parfaitement en accord, finalement, avec la thématique de l’album et l’angle adopté par le groupe. Toutefois, comme toujours, la voix grave coupe la structure et la plonge dans les ténèbres, sans que les mélodies en pâtissent. L’alternance de voix claires et gutturales est l’une des marques de fabrique du combo finlandais ; c’est toujours le cas ici. Profond tout en étant très largement planant, le son met parfaitement en relief les mouvements des morceaux. Moonflowers Bloom in Misery ondule ainsi au gré des vagues mélodiques et des changements d’atmosphères ; Enemy plonge ses racines dans un doom abyssal, hyper ample et majestueux, à la Shape of Despair, sans dénaturer ses lignes mélodiques, alors que Mikko Kotomäki montre l’étendue de son talent vocal ; Woven into Sorrow débute sur des notes ultra profondes et amples, qui occupent tout l’espace sonore, avant que la voix, tout en délicatesse, fasse évoluer le titre vers des horizons plus lumineux, mais qui restent amplis de tristesse et de nostalgie. De nouveau, le rock sombre d’un Katatonia est prégnant, plus appuyé, plus souterrain grâce à l’apport de la voix gutturale qui intervient à des moments choisis et qui, non seulement coupe la structure, mais la relance aussi dans une tout autre direction (Sur Woven into Sorrow, le morceau semble littéralement rebondir, le tout en restant très naturel).
La balance permanente entre une douceur mélancolique évidente et la violence du contexte, l’omniprésence du vide et de la Mort, fait de Moonflowers un album immersif et intimiste qui ne choisit pas entre l’un et l’autre mais qui décide de les marier au sein de morceaux véritablement habités (Keep Your Heart Safe From Me ; All Hallows’ Grieve et la voix gracile de Cammie Gilbert qui ajoute à la fragilité du morceau, le rendant quasi cristallin ; The Void ou l’hyper fragile The Fight of your Life).
Ce nouveau Swallow the Sun ne va pas réconcilier les puristes avec le groupe tant son doom death est éloigné des canons du genre, davantage frappé au coin du rock sombre et des mélodies aériennes que des abysses telluriques. Pour autant, vous auriez grand tort de ne pas jeter au moins une oreille attentive à ce Moonflowers absolument magnifique et poignant et dont la composition ne souffre guère de failles.
| Raziel 18 Décembre 2021 - 1430 lectures |
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