Corpsessed - Impetus Of Death
Chronique
Corpsessed Impetus Of Death
Après un démarrage en fanfare via ses deux EP (les énormissimes
« The Dagger & The Chalice » et
« Corpsessed ») le combo de Järvenpää avait à se faire pardonner après le décevant
« Abysmal Thresholds », qui malgré d’évidentes qualités manquait franchement de puissance, finissant par ronronner plus que de raison. Depuis cet évènement quatre années se sont écoulées à cause notamment des projets parallèles de certains des membres (LIE IN RUINS, TYRANNY), du recrutement d’un nouveau bassiste et d’une écriture qui a été longue à s’achever. Autant dire que ce second album était particulièrement attendu par les fans de Death sombre et occulte, typique du pays des mille lacs qui ne cesse depuis quelques temps de voir émerger quantité de groupes tous plus intéressants les uns que les autres, et surtout tous styles confondus. Visiblement le quintet a tenu compte des critiques et autant le dire de suite ce nouvel opus est nettement plus convaincant, sans pour autant changer de formule musicale qui reprend les mêmes éléments qu’auparavant et donnant également la sensation d’avoir été enregistré dans la foulée de son prédécesseur. On retrouve en effet cette production tout en reverb’ et particulièrement humide qui créé toujours une atmosphère étouffante et suffocante, qui est au diapason de la musique au niveau pour la qualité globale dont le résultat figurera sans doute en bonne place des bilans annuels.
« Impetus Of The Dead » va en effet marquer d’entrée les esprits avec son ambiance putride et son riffing coupant, menés tout deux sur un rythme lent où la double pédale donne un sentiment d’écrasement encore plus affirmé. Celle-ci ne s’arrêtera pratiquement pas même quand le tempo va monter en puissance et que les blasts conjugués aux parties en tabassage vont être mis en avant durant un bon moment. Variant les plaisirs et les vitesses on se croirait replongé en 2014 lors de la sortie de la précédente galette, mais le dynamisme y est ici plus imposant tout comme les solos qui déchirent ce mur sonore et retentissent plus fréquemment qu’auparavant. Là-encore c’est un défaut qui a été gommé car ceux-ci bien que disséminés avec parcimonie vont amener un vrai plus, tout comme les différents tempos qui ne se contentent plus d’être répétés trop en boucle, mais au contraire n’hésitent jamais à être diversifiés. Car après ce démarrage impeccable qui donne le ton pour la suite, « Sortilege » va confirmer ces bonnes choses entrevues précédemment en jouant ici sur l’équilibre entre lourdeur et explosivité, tout en faisant headbanguer de plaisir l’auditeur. Cette construction d’équilibriste va se retrouver un peu plus loin avec le redoutable « Graveborne » et le court et prenant « Paroxysmal », qui eux-aussi passent comme une lettre à la poste et conservent l’accroche générale que l’on a pu entendre jusqu’à présent, tout en confirmant la qualité indéniable de l’opus.
Et même quand une allure prend le pas sur l’autre l’ensemble reste tout aussi jouissif, c’est le cas avec le monstrueux « Endless Pains Of Dust » où l’explosivité prend le pas sur le train de sénateur, car hormis un passage plus posé en son centre les deux extrémités de ce titre vont faire la part belle au batteur qui se lâche totalement. N’ayant pas beaucoup évolué dans son jeu très direct et sans fioritures Jussi-Pekka Manner a cependant droit à un espace plus important pour laisser libre court à ses envies d’accélérations et de vitesse, à l’instar de « Forlorn Burial ». Même si son point de départ est d’obédience Doom le sens du riff des guitares fait mouche et se montre également plus angoissant que ce qui a été entendu jusque-là (et qui va se retrouver aussi plus tard), avant qu’une énergie rapide et entraînante typique des voisins suédois ne retentisse dans l’obscurité. Jouant habilement le grand-écart ce morceau est lui aussi imparable et n’hésite pas à faire l’ascenseur pour mieux dérouter l’auditoire et le préparer à la doublette de fin. Car plus on va avancer vers la conclusion de cette galette et plus ça va encore s’assombrir tout en levant le pied au fur et à mesure, d’abord via le glauque et excellent « Begetter Of Doom » qui bien que comprenant quelques blasts ravageurs reste calé en première pendant la plus grande partie de sa durée, donnant ainsi une sensation de désespoir encore accru. Ceci va être renforcé avec le très long (onze minutes) « Starless Event Horizon », dont l’introduction particulièrement glaciale et douce semble toute droit sortie du vent hivernal finlandais, et qui est complétée par quelques coups sur les toms en arrière-plan qui semblent prévenir de l’imminence de la tempête qui n’est plus très loin. Prenant son temps pour exploser aux oreilles des fans, la force de cette composition intervient par un court mais intense passage où toute la bande se déchaîne, comme pour vouloir se réchauffer avant que l’ensemble ne revienne à son train de sénateur initial, où tout espoir de survie semble désormais vain. On se retrouve pris en tenaille par la mort qui rôde de tous les côtés (aidée en cela par le growl caverneux impressionnant de Niko Matilainen) et la noirceur totale qui atteint ici son paroxysme. Cela joue donc sur les nerfs de l’auditeur qui s’enfonce progressivement dans des abîmes infinis sans se rendre compte qu’il ne pourra plus en ressortir, avant que le silence n’intervienne une fois l’écoute terminée, et dont on ressort ravi.
Sans prendre de risques les finnois ont su néanmoins se ressaisir et prendre leur temps afin de confirmer enfin tout leur potentiel sur un long-format, et se mettre au niveau tant attendu de leurs nombreux compatriotes. Sans faute de goûts particulier et n’étant pas handicapée par une linéarité et répétition des idées cette galette va se déguster sur la durée avec plaisir, notamment avec cette saison hivernale qui se rapproche progressivement et emmènera en voyage vers les longues nuits septentrionales au milieu des immenses forêts enneigées du pays des mille lacs, tout en faisant ressortir de nombreux sentiments intérieurs. Sans être le disque de 2018 il a néanmoins suffisamment d’arguments pour bien figurer dans les classements de fin d’année, une vraie victoire en soi et une mise en lumière supérieure pour un groupe qui continue de jouer sans art simplement et comme il le souhaite, et mérite incontestablement une meilleure notoriété que celle qu’il a à l’heure actuelle.
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