Avec l'excellent
Svn Eater de Lvcifyre, ce premier full-length de Corpsessed était l'autre grosse sortie attendue en ce début d'année chez Dark Descent Records. Si je n'ai fais la connaissance des Anglais que récemment, je suis les Finlandais depuis plus longtemps puisque je les avais déjà repérés sur leur premier EP
The Dagger & The Chalice, débarqué en 2011 via le label américain. Un EP très prometteur qui incitait à mettre la suite de la carrière du groupe sous surveillance rapprochée. J'avais dû néanmoins faire l'impasse sur l'EP 2-titres éponyme l'année d'après pour cause de format limité au vinyle. Pas grave,
Abysmal Thresholds reprend "Demoniacal Subjugation" et "Of Desolation" tout en nous offrant tout un tas de nouvelles joyeusetés pour plus de trois quarts d'heure de death old-school ultra massif des plus sombres.
C'est du moins ce que je croyais. Après de nombreuses écoutes depuis près de deux mois, il faut bien admettre que ce
Abysmal Thresholds n'a pas sur moi l'effet escompté. Ah ça pour être massif, il l'est! La production est énorme et on se sent vraiment tout petit face au son écrasant des grattes et à la puissance de la batterie. Les nombreux passages mid/down-tempo pèsent de tout leur poids sur l'auditeur et les accélérations, en particulier blastées, décollent le papier peint. Le problème, c'est que Corpsessed joue ici beaucoup trop là-dessus au détriment de vrais bons riffs intéressants et d'une vraie ambiance evil/dark immersive. On est loin du néant musical du dernier Fleshgod Apocalypse bien sûr mais pour un combo censé perpétuer une certaine tradition à l'ancienne, la prédominance donnée au son interpelle. Les riffs sinistres, sont bien là pourtant, les samples atmosphériques aussi, mais ça ne prend pas. On ne ressent pas de frissons. Cet album est à l'image de sa pochette en fait. De bonnes idées, des couleurs sombres, un environnement menaçant, un concept qui tient la route mais quelque chose close qui empêche de savourer.
Sur l'artwork, on pointera surtout du doigt le personnage central et le rayon de lumière incongru qui lui rentre dans la tête. Sur le disque, outre le manque de véritable ambiance prenante et l'abus de musculation, d'autres défauts embarrassants s'accumulent. L'impression générale de mollesse malgré les quelques blasts et autres séquences rapides. Certains morceaux qui traînent en longueur même si leur durée n'est pas si excessive ("Trepanation", "Necrosophic Channeling", même l'intro chiante "Invocation" malgré ses 1'12 au compteur). Le caractère redondant de morceaux sans surprise ni génie. La surabondance de superposition des growls et des shrieks, énième preuve que Corpsessed en fait trop niveau puissance et gros bras. Corpsessed fait un peu son Desolate Shrine, pour comparer avec une autre formation finlandaise signée sur Dark Descent dont la dernière œuvre ne m'a pas convaincu.
À lire cette chronique,
Abysmal Thresholds est bon à balancer au four. N'exagérons pas. Mes critiques peuvent paraître sévères mais elles reflètent ma déception quant au potentiel dégagé sur
The Dagger & The Chalice que je ne retrouve pas ici. Ça ne fait cependant pas de ce premier full-length une merde innommable ni même un mauvais album. Je ne l'aurais pas noté un 6.5/10 acceptable sinon. Clairement,
Abysmal Thresholds se fait moins inspiré que
The Dagger & The Chalice. Pris seul toutefois, l'album offre tout de même des qualités indéniables. L'aspect massif, même si Corpsessed en abuse, a un côté jouissif, surtout sur les séquences les plus pachydermiques. Quelques bons riffs se démarquent, tout comme certaines leads envoûtantes ("Demoniacal Subjugation" à 0'34 ou "Ravening Tides" à 2'15 qui vient nous rappeler la nationalité du combo) et le growl puissant et caverneux de Niko Matilainen accompagne la musique de façon on ne peut plus adéquate (sauf sur les gruiks inopportuns de "Sovereign" vers 1'40). Les passages blastés, même s'ils ne vont jamais très vite, restent satisfaisants. On notera d'ailleurs un dernier tiers d'album à partir de "Apotheosis" bien plus bourrin voire carrément bestial sur certaines parties de batterie ("Apotheosis" à 2'02, "Demoniacal Subjugation" à 0'24 et 1'51). Pas pour me déplaire!
Comme quoi
Abysmal Thresholds réserve de bons moments. "Of Desolation", "Ravening Tides" et "Demoniacal Subjugation" sont même de très bons morceaux et je suis persuadé que l'album va plaire à beaucoup de fans du genre. Mais à une époque où les groupes de death old-school pullulent, il faut savoir trier, notamment quand on chronique. Si Corpsessed avait su sortir du lot grâce à l'EP
The Dagger & The Chalice, il se montre plus générique ici. Son death metal s'appuyant à la fois sur les scènes finlandaise (accent mis sur le mid-tempo, les leads), suédoise (le côté gras, les parties en two-beat) et américaine à la Incantation (les riffs dark et evil, les blasts) évite l'écueil du plagiat mais rien que la production sur-gonflée mettant trop en avant la batterie au détriment des riffs et mélodies parfois difficilement discernables me fait dire que Corpsessed a voulu trop en faire. Le tout manque de spontanéité et on se retrouve avec une ambiance trop plastique et formatée pour ce genre de death metal.
Abysmal Thresholds reste un album correct mais j'en attendais plus du quintette de Järvenpää, d'où la déception malgré une qualité de jeu au-dessus de la moyenne. L'opus a en plus eu la malchance de sortir au même moment que le
Svn Eater de Lvcifyre. Corpsessed aurait eu beau alourdir encore la production,
Abysmal Thresholds n'aurait jamais fait le poids!
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