Un de mes plus grands regrets est de ne pas avoir plus de temps pour écrire, au calme, sans aucune perturbation extérieure. Et les faits ne trompent pas puisque mes dernières chroniques remontent à août. Visiblement, ça n'est pas le cas de nos amis finlandais de Swallow The Sun qui peut-être boostés par leur récente signature avec la prestigieuse écurie allemande Century Media, se sont lancés dans le pari fou d'un triple album. 21 titres pour environ 2h30 de musique, voilà ce que représentent en cumulé les 3 parties de ce "Songs from the North" dont chacune dépeint une facette bien distincte de leur personnalité. On sait ô combien l'exercice est casse gueule et franchement, qui a le temps aujourd'hui de s'enfiler un pavé pareil ? Mais ne nous plaignons pas de cet excès de générosité, surtout que le combo s'est sort plutôt bien.
Part. 1 - Gloom (ou Swallow the Swallow the Sun) - 7/10
Contrairement aux autres parties aux atmosphères diamétralement opposées, cette entrée en matière est *censée* illustrer le Swallow the Sun que l'on connaît. Si je prends des pincettes, c'est que malgré tout, "Gloom" n'est pas si proche du fantastique
"Emerald Forest and the Blackbird". La fraîcheur, le folklore et les émotions à fleur de peau n'auront duré que le temps d'un album : les Finlandais repartent tête baissée broyer du noir et reprennent leurs vieux réflexes. Les déçus du précédent volet devraient à nouveau trouver leurs marques : dans un style radicalement froid et monochrome, le groupe s’efforce de remettre les guitares saturées et les hurlements au centre des débats. Inutile alors de compter sur le chant clair de Mikko pour vous réchauffer le coeur, ce dernier s'est retranché dans ses sombres pensées, d'une incroyable monotonie comparé à la beauté nue du précédent album. De ces huit titres, c'est la violence que l'on retiendra surtout, mise en avant par cette classique association de rythmiques écrasantes guidées par des leads quasi-omniprésents, une intensité à peine atténuée par ces nappes de claviers qu'on leur connaît. Histoire de bien enfoncer le clou, le combo n'hésite pas non plus à durcir le ton et le tempo dans un style plus death que doom ("10 Silver Bullets", "Silhouettes"), un registre dans lequel ils excellent à l'instar du fantastique "Hate, Lead the Way!". N'allez pas croire pour autant que les morceaux ne comptent pas de passages atmosphériques car au contraire, le groupe s'emploie rigoureusement à alterner les dynamiques. Malheureusement, force est de constater que ces moments manquent globalement de charisme, principalement à cause de lignes de chant médiocres ("Lost & Catatonic", "Rooms and Shadows", "From Happiness to Dust"). Sans y parvenir évidemment, seuls quelques arpèges et notes de piano ici et là tenteront de rééquilibrer les choses, appuyés par de belles incursions de chant féminin ("Heartstrings Shattering") rappelant les pierres gelées d'un "Cathedral Walls". Une première partie aussi intéressante que décevante en ce qui me concerne, agréable à parcourir certes mais trop inégale pour tenir la comparaison avec le grand frère.
Part. 2 - Beauty (ou Swallow the ShamRain) - 7.5/10
Imaginer un album purement atmosphérique de Swallow the Sun ne m'a jamais paru inconcevable. Vu les chemins empruntés sur
"Emerald Forest and the Blackbird", je me demandais même si nos valeureux compagnons n'allaient pas nous faire le coup sans crier gare, surtout que l'ami Mikko a largement de quoi exprimer sa haine dans ses nombreux projets annexes. Est-ce que j'aurais eu envie d'entendre ça ? Je ne sais pas à vrai dire, j'aurais émis des craintes au sujet de la forme. Quoiqu'il en soit, le groupe l'a fait : "Beauty" est à "Gloom" ce que "Damnation" est à "Deliverance", ce que "Omega White" est à "Alpha Noir", ce que "Reinkaos" est à "Storm Of The Light's Bane"... Enfin vous avez compris l'idée, un album pour les fiottes (dont je fais partie évidemment). Moi qui m'attendais à quelque chose de folk et ténébreux, j'ai été vraiment surpris par les choix artistiques fait ici. En effet, Swallow the Sun se transforme pendant 40 minutes en groupe de rock atmosphérique finlandais, très proche de formations telles que The Chant ou ShamRain, mais aussi du Anathema actuel. Entre contemplation et mélancolie, ces huit pièces laissent une nouvelle fois la part belle aux guitares, largement acoustiques et aériennes, et redonnent quelques couleurs à notre chanteur dont la voix peut de nouveau se lamenter. Comment résister à "The Heart of a Cold White Land" et à ce lever de soleil sur une forêt enneigée ? A "Before the Summer Dies" et cette escapade à travers le paysages sauvages de Scandinavie ? A la menace grandissante de "Autumn Fire" ? Ou encore à "Pray for the Winds to Come", ses élans de nostalgie et à l'enchanteresse Kaisa Vala ? Cette seconde partie est incontestablement belle et magnifiquement interprétée, d'une naïveté touchante que n'auraient pas boudés les groupes précédemment cités. Toutefois, pas de quoi non plus lever les bras au ciel : si le style surprend pour du Swallow the Sun, il est loin de l'être dans l'absolu. Sans relever du chef-d'oeuvre, un exercice bien réalisé.
Part. 3 - (Swallow the Shape of) Despair - 8/10
La vraie surprise de ce triple album se tient là, dans ces cinq morceaux. Hommage au doom finlandais ? Désir trop longtemps refoulé ? Besoin de prouver quelque chose ? Allez savoir les raisons qui ont pu motiver le sextette à se lancer dans le défi du funeral doom. Et le plus beau dans tout ça c'est qu'il s'en sort plutôt bien, empruntant juste ce qu'il faut aux ténors du genre (Shape of Despair en tête) en y insufflant sa propre personnalité. Comme sur "Beauty", le groupe reste dans le cadre établit : les compositions sont longues, lancinantes et douloureuses, une agonie fidèle à ce que l'on pouvait espérer aussi bien sur le fond que sur la forme. Comment mieux savourer le désespoir qu'avec des guitares éthérées et dissonantes, des claviers d'enterrements et une batterie de manchot unijambiste sous Tranxène ? Parfait en maître de cérémonie, Mikko est allé puiser au fond de son estomac une voix d'outre tombe qui fait des merveilles et dont la profondeur est impressionnante. On en arriverait presque à souhaiter voir le groupe continuer sur cette voie tant leur sens de la théâtralité et leurs prédispositions pour la composition de superbes arpèges se marient à la perfection avec l'exigence de souffrance du style. Sincère et poignante, cette conclusion a peut-être juste tendance à s'emporter parfois côté tempo mais quand le résultat aboutit à un final tel que celui de "Empires of Loneliness", on veut bien fermer les yeux. A noter la participation de Nathan Ellis (Daylight Dies) à la narration, un signe qui ne trompe pas.
"Songs from the North" est hétérogène, dans ses atmosphères et aussi malheureusement dans la qualité de ce qu'il propose mais demeure dans l'ensemble de bonne facture. Je reste un peu déçu de cette première partie, probablement celle dont j'attendais le plus ; en tant qu'amateur de musique atmosphérique, la seconde m'a forcément séduit sans me transcender ; c'est en fin de compte le dernier chapitre que je retiendrai de ce périple par son intensité et ses moments de bravoure. En tous cas, on ne pourra pas reprocher au groupe de se reposer sur ses lauriers : Swallow the Sun continue l'exploration de son style et cherche de nouvelle voies. Espérons que la suite reprenne simplement le meilleur de tout ça.
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