Référence à la magnifique sépulture de la famille Raspail au cimetière du Père-Lachaise (à l’instar de la pochette du chef d’œuvre
Within The Realm Of A Dying Sun de Dead Can Dance), le trio Raspail composé de membres de Novembre, Klimt 1918, Psychotic Despair et Room With a View se forme en 2010 à Rome. Les Italiens sortiront une démo de 3 titres en décembre 2012 enregistrée au studio de Massimiliano Pagliuso (Novembre), un hommage aux groupes doom/death de leur jeunesse et plus exactement les prémices extrêmes de Paradise Lost, Katatonia et October Tide. Il faudra attendre quatre années de plus avant que le groupe signe chez le Teuton Sick Man Getting Sick et dévoile enfin son premier album,
Dirge.
Pas de doute, les adorateurs de
Brave Murder Day (dont moi, le disque figurant parmi mes albums de chevet) seront ravis de retrouver ces riffs mélodiques simples à la fois plombants et enivrants. L’introduction entêtante de « We Should Not Grieve » ou des morceaux comme « Dirge » (énorme clin d’œil sur le break à 5:49) et « Ver Sacrum » (tous deux présent sur leur démo) ne pouvaient pas faire plus explicites quant aux influences « catatoniesques » des Italiens. Mais Raspail ne se limite pas à cela, il garde certes son socle de metal extrême mélancolique 90’s mais le mue désormais aux styles atmosphériques contemporains : shoegaze, post-rock, drone, noise ou encore ambient sont cités. Pourtant le rendu final reste encore très « organique », on ne retrouve principalement que les habituels effets « delay » sur les guitares (tremoli inclus) et un synthétiseur relativement discret dans une thématique « nature ». Un aperçu constaté dès les premières secondes du titre d’ouverture « The Wanderer », des passages éthérés shoegaze à la limite du funeral (rappelant les derniers méfaits de Shape Of Despair). Place ainsi à une musique contemplative pour un voyage nocturne dans l’ancien paysage rural autour de Rome, un paysage jonché de ruines et de mythes. L’écoute de
Dirge se fera au casque afin de se délecter des innombrables arrangements derrière une production chaude. Le long et éprouvant processus de composition est bien palpable.
Groupe extrême mélancolique italien avec un ex-Novembre, forcément la comparaison sera inévitable, surtout lorsque Carmelo et Massimiliano feront des apparitions sur l’album. On retrouve effectivement les aspects lumineux de Novembre sur de nombreux passages (dont « One Step More To The Void » particulièrement) mais la maîtrise de Raspail reste à affiner. Le groupe semble être dans la retenue, certains moments prêts à imploser, se rétractent aussitôt. Frustrant… Et lorsque que l’on commence à pleinement profiter de cette balade étoilée, viennent se greffer des rallonges monotones crispant quelque peu l’auditeur : « The Nymph’s Wood Hymn To The Rising Sun », « One Step More To The Void » ou « Et In Arcadio Ego » auraient pu aisément être tronqués. Les hurlements pêcheront aussi. Un chant écorché loin des standards gutturaux doom/death habituels et empruntant d’avantage au black dépressif, un style que l’on retrouvera aussi dans certains riffs (le break de « Dirge » à 4:03). Malheureusement manquant de coffre… Pour autant Ianus sait doser et placer ses lamentations. Le bout du chemin vers l’excellence n’est pas tout prêt mais une étape est franchie.
Dirge arrive à enchanter l’auditeur et à l’emmener dans son univers bucolique et nostalgique. Une balade onirique malheureusement ponctuée de quelques obstacles. Outre des longueurs handicapant l’écoute, les frissons ne semblent pas entiers. L’émotion paraît en demi-teinte dans des morceaux trop calibrés et manquant parfois de fougue. Néanmoins l’effort de composition et l’atmosphère entourant la musique surélèveront la galette. Les adeptes de metal mélancolique ambiancé ou ceux déçus par l’actuel October Tide et nostalgiques des premiers Katatonia devraient sans nul doute user de
Dirge pour accompagner cet automne glacial. Le sublime objet dessiné par Pierre Perichaud (Business For Satan) saura convaincre le reste des indécis. Une belle découverte qui ne demande qu’à se développer, le potentiel de Raspail est grand.
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