Chaque fois c’est la même rengaine... Avec ce bilan de fin d’année à boucler, mes collègues et moi nous retrouvons à devoir "rusher" les dernières chroniques de 2021 qui n’ont pas encore été publiées sur le site. Et comme chaque année, des choix doivent naturellement s’opérer puisque malgré un certain rendement, je suis malgré tout bien incapable de produire tous ces écrits en temps et en heure. Si certaines de ces sorties ne seront donc abordées que dans les semaines à venir, d’autres méritent néanmoins que l’on s’y colle dans les délais imposés par un calendrier qui chaque jour me rappelle un peu plus l’échéance qui approche.
Parmi ces groupes qui auront la chance de figurer au bilan avec une chronique dument complétée, on retrouve les garçons de Mortiferum qui après avoir fait grand bruit l’année dernière grâce au premier album de Caustic Wound (en tout cas pour trois d’entre eux) reprennent du service au sein de la maison-mère pour un deuxième album intitulé
Preserved In Torment. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, on va retrouver peu ou prou les mêmes acteurs, que ce soit derrière le label (Profound Lore Records), l’artwork (signé du guitariste Chase Slaker), la production (enregistrement et mixage aux mains d’Andew Oswald) et le mastering (Dan Lowndes). Du coup, si comme le disait François Hollande le changement c’est maintenant, il faut croire que Mortiferum n’a pas reçu le mémo...
Si comme on l’a vu, l’année 2021 a été particulièrement généreuse en matière de sorties Death / Doom de qualité (de Worm à Dream Unending en passant par Hooded Menace, Anatomia, Charnel Altar, Civerous et quelques autres encore), il aurait malgré tout été bien difficile de faire l’impasse sur ce deuxième album des Américains dans la mesure où l’excellent
Disgorged From Psychotic Depths avait su en ce qui me concerne se hisser parmi les sorties les plus remarquables de l’année 2019. J’attendais donc avec une impatience non-feinte la sortie de ce
Preserved In Torment qui, comme je pouvais m’y attendre, ne m’a pas déçu.
Alors c’est vrai, le groupe donne en effet le sentiment de n’avoir pas pris trop de risques en appliquant à peu de chose près la même formule qu’il y a deux ans. De cet artwork dont émane une terreur indicible et dont on reconnait sans mal le coup de pinceau à cette production épaisse, rugueuse et au caractère bien trempée en passant par son contenu (là encore six titres à se caler sous la dent même si pour l’occasion Mortiferum n’a pas réitéré l’exercice de l’interlude instrumental) et sa durée quasi identique (trente-neuf minutes pour ce nouvel album contre trente-huit pour son prédécesseur), l’auditeur ayant déjà posé ses oreilles sur le Death / Doom des Américains débarquera ici en terrain archi-connu. Cela doit-il pour autant constituer un quelconque frein à l’appréciation de
Preserved In Torment ? Cela dépend bien évidemment de chacun mais dans la mesure où personne n’a jamais attendu de Slayer qu’il fasse autre chose que du Slayer, pourquoi reprocher à Mortiferum de faire de même ?
Sans surprise, on va donc retrouver ce fameux Death / Doom sombre et poisseux pris par moments de spasmes frénétiques capables d’insuffler cette espèce de dynamique nécessaire au bon déroulement de cette procession funéraire. C’est donc essentiellement à coups de riffs plombés et résolument sinistres que les Américains mènent à nouveau leur barque sur les eaux troublées du Styx. Des riffs accompagnés par une batterie dont chaque frappe semble retenue un court moment dans les airs avant de s’abattre inéluctablement sur ces peaux meurtries par ces coups douloureux ainsi que par ce growl profond qui remonte des entrailles de la Terre. C’est certain, Mortiferum n’a rien inventé mais ce qu’il fait, il le fait particulièrement bien. Tellement bien que l’on n’a ainsi aucun mal à se laisser embarquer dans ce voyage sombre et éprouvant que la jeune formation à su habilement relever.
En effet, si jouer la carte du mid-tempo à plein temps l’aurait très certainement pénalisé, Mortiferum continue d’amener ce qu’il faut de relief et de nuances pour faire de
Preserved In Torment un disque aussi sinistre que dynamique et implacable. Car si les ambiances c’est cool, des ambiances agrémentés par quelques coups de pression, c’est cool aussi. Des accélérations soutenues et viriles, ce deuxième album n’en manque pas. De "Eternal Procession" à 2:50 à "Incubus Of Bloodstained Visions" à 0:30 et 3:42 en passant par "Seraphic Extinction" à 1:54 et 3;34, les premières secondes de "Exhumed From Mortal Spheres" ou un peu plus loins à 2:36, "Caudex Of Flesh" à 3:51 et "Mephitis Of Disease" à 4:40, les accès de sauvagerie ne manquent pas. Car s’il y a bien une chose appréciable avec Mortiferum, c’est qu’il ne fait pas les choses à moitié. Le groupe profite ainsi de ces moments de relâche pour aligner du blasts et autres douceurs à vous démonter les cervicales. Quelques sursauts d’intensité plus ou moins longs et soutenus mais qui s’apprécient avec énormément de plaisir et de satisfaction tant on y retrouve un peu (j’ai dit un peu) de ce qui fait la force abrasive d’un Caustic Wound. Dans un autre registre, saluons une fois encore la qualité de ces leads et autres solos mélodiques particulièrement faisandés qui vont amener à ces nouvelles compositions une aura toujours aussi sinistre et malveillante. Rien de sorcier là encore mais un feeling et une facilité évidente pour ce genre d’atmosphères délétères capables de vous donner la chair de poule ("Eternal Procession" à 5:01, "Incubus Of Bloodstained Visions" à 4:53, "Seraphic Extinction" à 2:35, "Exhumed From Mortal Spheres" à 1:05, "Caudex Of Flesh" à 1:11, celui trainant et lointain de "Mephitis Of Disease" entamé à 1:55...).
Peu surprenant,
Preserved In Torment n’en reste pas moins un album extrêmement bien ficelé, capable de faire la balance entre moments plombés aux ambiances funéraires viscérales et charges explosives aussi inattendues que jouissives et libératrices. Un album qui ne manque donc pas d’efficacité même s’il se contente de reprendre la même formule qu’il y a deux ans. Un album qui malgré tout ne manque pas de personnalité avec ces mélodies sinistres rappelant dans une certaine mesure ce que l’on peut trouver chez leurs copains de Cérébral Rot. Vous savez, le genre de digressions mélodiques déglinguées qui vous chavire d’un coup de vibrato. Des albums de Death / Doom sortis cette année, il y en eu un paquet. Des albums de Death / Doom de qualité sortis cette année, il y en a eu un paquet également. En ce qui me concerne, ce
Preserved In Torment en fait partie, et cela sans discussion possible.
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