W.E.B. - Colosseum
Chronique
W.E.B. Colosseum
Alors qu’elle va fêter ses vingt années d’existence en 2022 la formation menée par l’inamovible Sakis Preskas (alias Darkface) semble enfin trouver la lumière tant attendue, après avoir vécue dans l’ombre durant la plus grande partie de sa carrière. Car après avoir sorti ses premiers disques sur d’obscurs labels de seconde zone venus de Roumanie et de Grèce celle-ci avait prit du galon sur son précédent opus (le très agréable
« Tartarus ») qui avait eu droit aux honneurs du regretté Apathia Records, avant que son successeur ne débarque aujourd’hui chez les vétérans de Metal Blade (avec un nouveau line-up pour l’occasion). Si à l’instar des Allemands de Nuclear Blast et Century Media cet historique possède aujourd’hui un catalogue où figurent tous les genres possibles et inimaginables, ça n’en reste pas moins une écurie réputée et renommée qui a l’habitude de mettre le paquet pour leurs poulains respectifs. Du coup nul doute que les athéniens vont pouvoir faire connaître leur musique au plus grand nombre, et comme il n’est jamais trop tard pour bien faire il aurait été en effet dommage que ceux-ci ne bénéficient pas de l’exposition qu’ils méritent, surtout que ce nouveau chapitre reprend grosso-modo les choses où elles en étaient restées sur le précédent.
En effet on va encore y retrouver une grosse touche du DIMMU BORGIR actuel entre le chant qui lorgne franchement vers celui de Shagrath et ses plans qui nous renvoient autant du côté de« Abrahadabra » que vers « Eonian », comme c’est le cas ici avec la doublette d’ouverture « Dark Web » et « Murder Of Crows » où ça alterne entre musique classique symphonique, blasts dévastateurs et parties plus lentes d’où émergent du solo bien foutu conjugués à des passages lourds et tristes propices à la mélodie. Jouant totalement sur l’apanage musical des Norvégiens les Hellènes débutent les hostilités de fort belle manière, mettant en avant toute leur palette technique sans tomber dans le pompeux ni trop-plein préjudiciable tant ici c’est à la fois rythmé et entraînant de par les nombreuses variations présentes et une durée jamais excessive. D’ailleurs là-encore le quatuor ne s’éternise pas sur la longueur (un seul morceau dépasse les cinq minutes) et heureusement d’ailleurs car après avoir bien démarré l’album va ensuite tomber dans un faux-rythme où l’accroche va être très variable, et ce sans pour autant que ça traîne sur la durée. Car avec « Pentalpha » les choses vont être plus massives et ambitieuses, de par l’apport de parties tribales entêtantes où se mêlent des chœurs féminins d’opéra qui créent ainsi une facette plus Gothique qui se montre très agréable, même si ça finit par un peu se répéter. Néanmoins l’accroche est encore ici présente à défaut de faire sauter au plafond, mais c’est toujours mieux que les décevants « Dominus Maleficarum » et « Necrology » qui se font trop balourds et difficiles à digérer, notamment via les touches électroniques pas forcément du meilleur goût… et ce malgré une grande alternance rythmique. Si le rendu n’est pas exempt de tous reproches on ne peut nier que le groupe essaie d’imprimer sa marque, même si tout cela reste assez classique dans l’écriture comme l’exécution à l’instar du très bon « Colosseum » aux accents mélodieux affirmés au milieu du déluge de violence.
Et puis après tout cela le combo va encore pousser plus loin l’expérimentation, et notamment via le très bon et surprenant « Ensanguined » à la tribalité renforcée de par des ambiances orientales marquées et régulières, où l’on se surprend à gambader dans le désert au milieu des pyramides et des touareg. Jouant encore à fond la diversité des tempos entre tabassage et étouffement (d’où émerge un long lead sur une partie remuante et presque épique), le résultat se montre totalement en raccord à l’ambiance voulue ici et montre une densification réussie et une personnalité musicale renforcée. Si la lumière est mise en avant ici tout cela va être l’inverse sur le sombre et suffocant « Exaudi Luciferi » qui pendant presque six minutes ne va jamais lâcher les chevaux (sauf à sa toute fin), en se faisant à la fois plus noir mais aussi plus aérien tant les ambiances éthérées donnent la sensation d’échapper quelques instants à la pression générale et à l’orage en approche. Totalement différent dans l’esprit de par sa rythmique bridée à outrance et par rapport aux autres qui l’ont précédée cette plage prouve que même en alourdissant son propos et en mettant l’explosivité de côté ses créateurs confirment qu’ils sont capables de rester cohérents et intéressants, une idée à exploiter sans doute dans le futur. D’ailleurs la conclusion réalisée sous forme d’outro (« December 13th ») met la violence hors-jeu en jouant sur la douceur harmonique des guitares qui mélangent l’acoustique et l’électrique l’une sur l’autre tout en rajoutant des passages propices pour headbanger, et qui font le job sans problème.
Du coup bien qu’étant imparfait et comprenant quelques baisses de régime légèrement dommageables à l’homogénéité de l’ensemble, le résultat reste cependant plus que positif et se montre équivalent qualitativement au précédent long-format. S’il est évident que tout cela ne marquera aucunement l’année de son empreinte il ne fait nullement tâche dans le catalogue de la maison de disques d’Agoura Hills, qui a eu le nez creux en récupérant l’entité qui mélange habilement classicisme et originalité. Parfaite pour passer un moment sympathique (en dépit du coup de mou central) cette œuvre trouve un certain équilibre dans le choix osé de mélanger le Black Metal symphonique des années 90 avec des éléments Indus actuels, au rendu assez convaincant. A voir donc si ses géniteurs en ressortiront grandis de tout ça ou s’ils resteront définitivement dans l’ombre comme des honnêtes artisans de deuxième division et de première partie de concert, dont la prestation comme le répertoire s’oublient relativement vite.
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