Cauchemar - Rosa Mystica
Chronique
Cauchemar Rosa Mystica
Ça aurait pu être bien.
C’est un peu toujours le même constat que je me faisais quand j’écoutais un album de Cauchemar. Formé en deux mille dix sept, en provenance de la Belle Province, et apparu au moment où quelques groupes de doom metal avec une chanteuse commençaient à émerger, Cauchemar s’était fait un peu plus discret depuis la sortie en deux mille seize de leur second album, Chapelle Ardente. Le groupe semblait être tombé dans un certain anonymat, une sorte de retour de flamme légitime en fait. Il faut dire que j’ai maintenu un cordon sanitaire entre ce groupe et mes oreilles, suite aux propos tenus par Annick Giroux, chanteuse du groupe, en amont du festival Doom Over Paris V en deux mille douze, où elle avait conchié le doom metal extrême, se positionnant ainsi comme chantre du bon goût en terme de doom metal. Un paradoxe, lorsque l’on sait qu’elle ne devait alors sa notoriété uniquement au fait d’avoir écrit un livre de cuisine métal - Hell Bent For Cooking: The Heavy Metal Cookbook - et que sa prestation lors de ce même festival fut assez déplorable. Mais comme il m’arrive d’avoir, de temps à autres, foi en l’humanité et à sa rédemption, je me suis laissé aller à écouter cette nouvelle réalisation des Canadiens, la première pour le compte du label Temple of Mystery Records, label tenu par les deux leaders de Cauchemar et à qui l’on doit, entre autres, de très belles rééditions de Pagan Altar, mais aussi les albums d’Outre-Tombe et de Possessed Steel.
Si les années passent, l’on peut constater que le style du groupe n’a guère changé. L’on est toujours dans un heavy metal d’obédience old-school, avec de temps à autres quelques petits éléments inhérents au doom metal, même s’il ne faudra pas s’attendre à de grands ralentissements. Le style du groupe est assez simple et efficace et doit beaucoup, justement, à Pagan Altar. C’est même l’influence principale du groupe si je puis dire, car l’on sent bien cette volonté de faire une musique empreinte de mysticisme et qui va de temps à autres piocher dans quelque chose de plus ancien. On le ressent notamment sur les titres les plus longs comme Rosa Mystica ou Jour de Colère. Pour coller à cette ambiance, l’on retrouve d’ailleurs sur ces mêmes titres quelques passages aux claviers, ainsi que sur Le Tombeau de l’Aube, qui donnent un peu de cet aspect mystérieux. C’est même plutôt bien amené, sans trop d’artifices et sans trop en faire, un peu à l’image de la musique du groupe. En effet, Cauchemar n’est pas le groupe le plus démonstratif au monde et base sa musique sur un riffing assez simple mais efficace, et l'on sent bien dans le jeu de François Patry, toute l’influence d’Alan Jones, guitariste de Pagan Altar. Et un titre comme Volcan va bien dans ce sens. Dans ce même ordre d’idée, l’on retrouve la présence d’influences folk sur le titre La Sorcière ou sur l’introduction de Jour de Colère qui apporte une part de mystère à tout ceci, et qui nous renvoie, encore une fois à l’influence des Anglais sur le quatuor.
Dans tous les cas, tout ceci fonctionne assez bien, notamment sur les titres les plus longs de l’album où le groupe prend un peu le temps de développer ses atmosphères, un peu plus ténébreuses. Rien de flamboyant, bien évidemment, mais cela reste assez honnête pour que l’on se prenne au jeu. C’est moins le cas sur des titres comme Rouge Sang, Jour de Colère ou Le Tombeau de l’Aube où l’on retrouve le groupe dans une veine up-tempo, comme pour mieux s’inscrire dans la vogue actuelle des groupes du revival metal old-school. Et ce n’est pas l’ajout de quelques claviers analogiques qui vont faire illusion. Le résultat n’est aucunement concluant, et l’on a ainsi des titres peu mémorables et qui servent presque de bouche trou, même si par instant je ne peux m’empêcher de penser aux Français de Blaspheme. Et il est vrai que l’album passe assez vite, à peine quarante minutes, et que l’on a parfois le sentiment d’avoir quelque chose d’un peu bâclé. Je pense surtout au titre La Sorcière qui aurait sans doute mérité d’être plus étoffé, de nous emmener un peu plus longtemps dans ce conte fantasmagorique, et quitte à collaborer avec Alan Jones pour les rééditions de Pagan Altar, autant lui demander aussi des conseils pour l’écriture des titres.
Mais ce n’est malheureusement pas le seul grief que l’on peut avoir concernant ce groupe, même si musicalement cela reste plutôt honnête. Encore une fois, et depuis toujours devrais-je dire, le gros défaut de Cauchemar, c’est nul autre que le chant d’Annick Giroux. Son « chant » est insupportable et vient totalement briser les compositions, tout simplement parce qu’elle chante faux quasiment tout le temps. En voulant forcer dans des tonalités qui sont trop basses pour sa tessiture de voix, cela donne un résultat des plus déplorables et qui frottent à l’oreille tout le temps. Et l’on se rend bien compte que les rares moments où elle chante normalement, comme sur Rouge Sang ou les Jours Ténébreux, meilleur titre de cet album, que cela passe bien mieux. C’est bien là le problème récurrent chez ce groupe, c’est ce choix pour des lignes de chant qui se veulent plus mystiques et plus graves que chez d’autres chanteuses, mais qu’Annick Giroux n’arrive pas à tenir, au point d’être en dehors de la tonalité à chaque fois, et l’on est loin de la classe d’une Sharie Neyland - The Wounded Kings - en la matière. Et en cela, je ne comprend pas qu’elle puisse être autant acclamée car son chant est terriblement mauvais et vient pourrir la musique de ses acolytes. Même l’originalité du chant en français tombe assez rapidement, non pas que les paroles soient risibles, mais parce qu’il y a clairement un soucis dans ses métriques, et que certains accents toniques sont donnés à des moments les plus inopportuns.
Au final, avec ce Rosa Mystica, nous avons de nouveau un album à oublier, clairement et rapidement. Ce ne sont pas les quelques effets de manche empruntés, pour ne pas dire pillés, à Pagan Altar, qui vont changer la donne concernant Cauchemar. Ce disque est mauvais, comme le reste de la discographie, et sent plus la volonté de prendre le train en marche qu’une réelle forme d’honnêteté et d’intégrité. En cela, Cauchemar, et donc ce Rosa Mystica, est au doom metal c’est que la junk food est au bon goût culinaire: une insulte. Bref, ça aurait pu être bien, mais c’est toujours aussi salement dégueulasse.
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