Fer de Lance - The Hyperborean
Chronique
Fer de Lance The Hyperborean
C’est désormais une chose acquise, le heavy metal épique a le vent en poupe et l’on ne compte plus les formations qui ont émergé ces dernières années des deux côtés de l’Atlantique, avec d’ailleurs pas mal de groupes en provenance des États-Unis d’Amérique. C’est comme si, après les affres du nu metal, du metalcore, et de la dite New Wave of American Heavy Metal, certains s’étaient rappelés que bons nombres de formations cultes avaient forgé ce style de musique durant les années quatre vingt et redécouvrant ainsi Cirith Ungol, Manilla Road, Warlord, Brocas Helm, Omen, voire Manowar, des groupes qui pendant ces décennies d’obscurité étaient toutefois vénérés de ce côté-ci de l’océan. Bref, entre les Smoulder, Visigoth, Summerlands, et Eternal Champion, nous avons Fer De Lance qui tente de se frayer un chemin entre ces noms rutilants. Les Américains, qui s’étaient fait remarquer il y a de cela deux ans, sortant leur EP Colossus pour le compte de Cruz Del Sur, nous proposent ici leur premier album, The Hyperborean, toujours pour le compte du label du persévérant Enrico Leccese. Le line-up a, entre temps, été un peu modifié, le trio étant devenu un quintet, mais avec toutefois le départ de Colin Wolf, qui se consacre à temps plein à Smoulder - normal, vu la hype - et Olórin - chose dont il aurait pu s’abstenir. Est-ce que tout ceci a perturbé le groupe dans son assise musicale?
La réponse sera négative. Fer De Lance reste ici dans la lignée de ce qu’il avait proposé il y a de cela deux ans, à savoir un Epic Metal de bon aloi avec des traits de personnalité assez intéressants, quoique potentiellement clivants. Mon collègue Astraldeath avait fait le tour du propriétaire il y a de cela deux ans et l’on reste donc sur des bases d’un metal épique des plus mélodiques, avec des influences assez marquées, et sans doute plus singulières que chez ses contemporains. En effet, il n’est pas rare de penser sur ces compositions assez longues dans l’ensemble, - car en dehors de l’introduction, elles oscillent entre sept et onze minutes au compteur -, à la période viking de Bathory. L’on retrouve ainsi cette même emphase épique, cette même manière de construire ses compositions qui nous entraînent entre moments plus nostalgiques, comme sur la seconde partie du titre éponyme, et d’autres plus héroïques. Le rythme n’est aucunement monolithique et le groupe sait tout autant prendre des allures plus directes et d’autres plus martiales, et n’hésite guère à accélérer le tempo quand il le faut, je pense notamment au plus virulent Ad Bestias. Cela donne un relief conséquent à ces sept titres, et l’on n’est pas sans penser à d’autres formations telles que DoomSword, voire aux débuts d’Ereb Altor.
C’est notamment dans l’utilisation des guitares acoustiques que Fer De Lance me fait penser aux Suédois, car elles sont omniprésentes sur l’album. En cela, le groupe a su garder l’une de ses caractéristiques propres et même sa marque de fabrique. Et ce n’est pas juste l’accessoire que l’on utilise sur l’introduction Aurora Borealis, très belle avec ses accents maritimes, mais aussi en accompagnement des guitares électriques. Et là, je dois avouer que cela donne un cachet assez original et très sympathique, et même une réelle profondeur à la musique du groupe. Car on les retrouve aussi bien jouées en accords pour accompagner les électriques, qu’en instrument mélodique dominant, voire même proéminent, comme c’est le cas sur The Mariner. À tel point qu’il y a tout autant de soli de guitares acoustiques qu’aux guitares électriques. Dans tous les cas, elles prennent souvent les devants, mais savent aussi s’effacer quand l’ambiance l’exige. Encore une fois, le break de The Mariner où elles interviennent seules est assez sympathique. Et cela sonne même assez frais et très original, dans une scène qui commence à empiler les poncifs du genre, faute d’imagination et d’inspiration.
C’est d’ailleurs un registre dans lequel le quintet n’a point à rougir, car il fait marque d’un beau travail d’écriture tout au long de ces quelques cinquante minutes. L’on est loin du format prémâché, même s’il y a des structures récurrentes, le groupe se permet quelques audaces, en insérant pas mal de parties purement instrumentales ou de breaks dans ses titres, donnant ainsi des titres loin d’être linéaires. Il y a même une sorte de fil rouge dans cette odyssée qui nous est contée tout le long de cet album. Ce qui explique que l’on a souvent des va et vient entre moments plus heavy et ces respirations où les acoustiques prennent les devants. Le groupe s’appuie d’ailleurs sur des points forts, avec un riffing assez honnête et efficace et les deux autres guitaristes s’en donnent à cœur joie. Si le style se veut un peu aventureux dans l’agencement des compositions, Fer De Lance conserve toutefois une certaine efficacité, avec notamment des refrains assez fédérateurs, qui viennent justement parfaire cette facette épique qui ressort de cet album, je pense à Sirens et à Ad Bestias. L’on retrouve d’ailleurs pas mal de samples, de bruits marins et autres, qui viennent apporter cette ambiance assez maritime à cet album, ou en tout cas qui nous donne assez rapidement des images d’errance sur les flots à affronter les éléments. C’est dans ces instants là, et dans le fait de faire quelques références à certains mythes, que l’on ne peut s’empêcher de penser à une des influences majeures du groupe: Atlantean Kodex. C’est même assez flagrant à plusieurs moments, je pense notamment à ce début de Aurora Borealis qui m’a rappelé un peu From Shores Forsaken des Allemands, même si cela fonctionne très bien, pour autant il n’y a pas ce côté mystique et grandiose des Allemands chez le quintet.
Pour autant, il y a tout de même des grands moments de bravoure sur cet album, je pense au très Bathoryen Northern Skies avec ce break aux acoustiques, avec même la présence de quelques chœurs, et il y a sans aucun doute une grande ferveur chez ce groupe, ou en tout cas quelque chose de moins calculé que chez ses contemporains, quelque chose de plus inspiré et surtout de plus honnête. Malheureusement, il y a une très grosse tâche qui vient nuire ce tableau et qui expliquera ma note: le chant. MP Papai, comme bon nombre de chanteurs actuels, pense que pour être épique, voire viril, il faut forcément forcer son chant et l’on est toujours sur la ligne de rupture entre chant clair et chant forcé, avec un timbre plus éraillé ici. Il ne manque pas de puissance, ni de personnalité, mais je ne vois pas en quoi il s’inscrit dans la lignée d’un Ronnie James Dio comme le notait Astraldeath dans sa chronique de Colossus. L’on est très loin de ce type de chant divin qui aurait sans doute était plus qu’opportun pour cet album, ou, pour rester dans les timbres plus éraillés, quelque chose dans la lignée d’un Hansi Kürsch - Blind Guardian -, ou d’un Deathmaster - DoomSword - qui savent allier les deux registre en gardant une certaine puissance, et sans être lisse comme j’ai pu le lire ici pour ce qui est de Deathmaster. C’est d’ailleurs quand il tempère son chant éraillé et qu’il ne donne pas dans le chant forcé que cela passe le mieux, avec pour meilleur exemple le titre éponyme.
Malheureusement, je ne peux faire outre cet élément fondamental, car ce chant m’horripile plus qu’autre chose et vient gâcher terriblement cette musique qui cochait tellement de bons points que cela aurait pu le faire me concernant, à part sur le titre Arctic Winds que je trouve largement moins bon que tout le reste de l’album. C’est vraiment dommage, car Fer De Lance est passé à cela d’avoir accompli un très bon album avec The Hyperborean, confirmant ainsi ce qu’il avait dévoilé il y a deux ans. C’est même assez rageant de se dire que de si bonnes compositions deviennent à un tel point agaçantes à cause de ce chant inopportun, ce d’autant que Fer De Lance se démarque tellement du lot au sein de cette vague Epic Metal, avec une musique assez originale, notamment par cette mise en avant des acoustiques, et qui n’a pas son pareil pour faire voyager, de par ces attraits homériques pris à de nombreuses occasions. Nul doute que tout amateur de ce type de metal y trouvera son compte, et sans doute encore plus si la voix de MP Papai ne constitue pas un véritable frein. Si le groupe pouvait recruter un vrai chanteur ou demander à son leader de ne plus forcer sa voix, sans doute que l’on aurait avec Fer De Lance l’une des futures valeurs sûres dans ce registre métallique.
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