Givre - Destin messianique
Chronique
Givre Destin messianique
Le givre, c’est le froid. Et le froid, c’est la glace. Et la glace, ça fait penser à GLACIATION. Donc GIVRE, ça fait aussi penser à GLACIATION. Et c’est tout à fait logique puisque le groupe du Québec a des similitudes avec celui de France ! Mais commençons d’abord par rappeler l’histoire de la formation, particulièrement originale. Elle trouve son origine en 2010, lorsque Mathieu, Jean-Lou et David la forment et sortent dans la foulée un album autoproduit et limité à une cinquantaine d’exemplaires : ... Et dans l’absurde, nous pourrirons. Seulement voilà, après 4 années sans grande activité, deux des membres décident de prendre un nouveau départ et ils renomment GIVRE en ENTHEOS. Ils s’entourent de musiciens complémentaires et sortent deux opus, en 2015 et 2017. Ce groupe existe toujours mais voilà, les deux compères ont décidé de retrouver leur ancien camarade et de faire revivre GIVRE sous sa forme de base. C’était nécessaire pour manifester une autre part de leur âme, une facette de leur esprit qui ne correspondait par à ENTHEOS.
C’était une très bonne idée, comme nous avions pu le constater dès juin 2021 avec la sortie de l’album du retour : Le pressoir mystique. Il vient d’être édité pour la première fois en CD par le label Eisenwald le 30 septembre 2022, le même jour que le nouvel album, celui dont nous parlons aujourd’hui : Destin messianique. Je m’attendais à l’apprécier avant même de l’écouter pour plusieurs raisons. Déjà parce que la scène québécoise est toujours digne d’intérêt, surtout celle qui chante en français, et ensuite parce que le visuel de la pochette me plaisait. Et puis quand même... le label Eisenwald est une légende depuis 2005, ayant sorti du AGALLOCH, du FLUISTERAARS, du DRUDKH, du AUSTERE, du UADA...
Le résultat n’a absolument pas trahi mes espérances. Et si j’ai cité GLACIATION en préambule, C’est pour l’ouverture d’esprit de leur black metal. Ils savent accrocher l’oreille mais ils ont aussi le talent pour ajouter de la mélancolie au milieu du mal-être, et parfois du mal-être au milieu de la mélancolie. Mais ce rapprochement ne suffit pas pour décrire GIVRE, car il a sa propre identité, et il s’offre la particularité d’ajouter bon nombre d’éléments liés à sa culture, à son histoire, à son patrimoine, à ses racines. Les compositions qui jouent un très bon black mélodique déchaîné sont ainsi parsemées de samples : des discours, des chansons, des prédications, des narrations. Et tout cela est choisi en respectant les thématiques : l’Histoire et la religion. Certains titres parlent d’eux-mêmes, comme « La Sainte-Vierge intervenant en faveur de l‘armée française à la bataille de la Monongahéla (9 juillet 1755) » ou « Cantique pour la canonisation de la Vénérable Jeanne d‘Arc »... D’autres morceaux nécessitent quelques recherches pour mieux comprendre leur signification.
« Erable rouge » est un hymne au Canada qui est inspiré par une chanson d’Albert Larrieu, utilisée à la fin de titre. Ce Français avait vécu au Québec plus de cinq ans, et il y avait fait carrière dans la chanson, vantant les mérites de cette Terre, non seulement de ses paysages mais aussi « des habitudes, des usages, des manières de penser et des jolies légendes » transmises de la vieille France.
« Le Christ aux Oliviers » est quant à lui dédié à un poète français : Gérard de Nerval. Un passage est d’ailleurs lu, en plein milieu de ce titre très fort en émotions :
« ‘Frères, je vous trompais : Abîme ! abîme ! abîme !
Le dieu manque à l’autel où je suis la victime…
Dieu n’est pas ! Dieu n’est plus !’ Mais ils dormaient toujours !…
‘Tout est mort ! J'ai parcouru les mondes ;
Et j'ai perdu mon vol dans leurs chemins lactés,
Aussi loin que la vie, en ses veines fécondes,
Répand des sables d'or et des flots argentés.
Partout le sol désert côtoyé par des ondes,
Des tourbillons confus d'océans agités...
Un souffle vague émeut les sphères vagabondes,
Mais nul esprit n'existe en ces immensités.
En cherchant l'oeil de Dieu, je n'ai vu qu'une orbite
Vaste, noire et sans fond, d'où la nuit qui l'habite
Rayonne sur le monde et s'épaissit toujours ;
Un arc-en-ciel étrange entoure ce puits sombre,
Seuil de l'ancien chaos dont le néant est l'ombre,
Spirale engloutissant les Mondes et les jours !
Immobile Destin, muette sentinelle,
Froide Nécessité !...’»
Le morceau « Le laboureur » intègre lui aussi une ancienne chanson, un air daté de 1932, dû à Oscar O’Brien sur des paroles de Maurice Morisset :
« Courbés sur les lourds mancherons,
Depuis Hébert, nous labourons.
Dans les ravins et dans la plaine
Nos ancêtres, sans prendre haleine,
Quittaient leur vaillant bataillon
Pour creuser les premiers sillons. »
Bref, cet album est riche. Non seulement sa musique est très réussie, mais il propose un véritable univers fidèle à l’identité des membres. C’est un plaisir d’avoir autant de matière, autant de choses à vouloir découvrir après l’écoute. Et le pire, c’est qu’on ne se lasse pas au fil des écoutes...
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