Buggin - Concrete Cowboys
Chronique
Buggin Concrete Cowboys
La scène Hardcore à beau paraître figée dans le temps, ressassant encore et toujours les mêmes poncifs, nombreux sont pourtant les groupes à lui insuffler aujourd’hui une nouvelle vigueur et une pertinence qui en font probablement l’un des genres les plus excitants du moment. Scowl, Gel, Zulu, Move, Life’s Question, Mindforce, Soul Glo, Turnstile, Pillars Of Ivory, Excide, Mindz Eye, Inclination... On ne compte plus les formations relativement récentes qui ont su apporter un brin de fraicheur ainsi qu’un soupçon de personnalité à une formule pourtant éculée et dont les codes, pour la plupart indéboulonnables, laissent effectivement peu de marge de manoeuvre.
À cette liste non-exhaustive il convient d’ajouter les Américains de Buggin. Formé à Chicago en 2018 sous le patronyme de Buggin Out en référence au film Do The Right Thing de Spike Lee et au personnage interprété par l’excellent Giancarlo Esposito, le groupe a déjà sorti une démo et deux EPs avant de publier il y a quelques jours un premier album évidemment très attendu par tous ceux ayant déjà posé une oreille attentive sur la musique de ce quatuor pour le moins survolté. Alors on ne va pas se mentir, l’une des particularités distinctives de Buggin est d’avoir une femme au chant. Évidemment, je ne devrais pas avoir à le faire remarquer si nous vivions tous dans le meilleur des mondes sauf que ce n’est pas le cas et que la scène Hardcore, même si elle reste un environnement globalement bienveillant, s’avère encore très masculine. Bref, au même titre que Scowl, Gel, Initiate, Pest Control et d’autres que j’oublie, Buggin entend bien donner de la voix et une place aux femmes pour que celles-ci puissent s’exprimer aussi librement que n’importe qui d’autre.
Paru chez Flatspot Records (Scowl, Regulate, Zulu, Speed, End It...), Concrete Cowboys emprunte son nom à un film de 2020 dans lequel on retrouve notamment Idris Elba (Luther...) et Caleb McLaughlin (Stranger Things...). Bouclé en moins de vingt minutes (quelle surprise), celui-ci ne s’embarrasse d’aucune fioriture et nous propose de découvrir douze nouvelles compositions dont une introduction qui en l’espace de cinquante-huit secondes va rapidement nous mettre dans le bain.
Comme vous pouvez évidemment vous en doutez, rien de ce que propose ici Buggin ne changera la face du monde et plus modestement celle de la scène Hardcore. Aussi le cahier des charges est ici scrupuleusement respecté avec notamment ces riffs Punk / Hardcore ultra dynamiques à la fois simples mais terriblement efficaces, cette basse expressive, ces cavalcades toutes plus entrainantes les unes que les autres, ces breaks et autres mosh parts idéales pour taper quelques mouvements de Karaté et autres sports de combats, ce chant abrasif à l’urgence évidente, cette énergie de tous les instants et enfin ces ambiances certes agressives mais pourtant empreintes d’une légèreté pour le moins communicative. Bref, rien de bien nouveau sous le soleil de Chicago mais peu importe, ce n’est pas ce que l’on choisira de retenir ici.
En effet, comme toujours avec ce genre de formations qui se contente de reprendre à son compte une formule veille de quelques décennies, on se régalera surtout de l’efficacité dont fait preuve Buggin à chaque seconde, de cette énergie débordante capable de mettre n’importe quel auditeur dans de bonnes prédispositions, de cette capacité à insuffler de la positivité et de bonnes vibrations malgré un discours et une musique définitivement agressifs, de ces samples et autres petites touches personnelles qui permettent d’amener un petit peu de variété et d’insouciance à l’ensemble (les dernières secondes jazzy de "Get It Out", ce rot hilare pour conclure l’excellent "Snack Run", les premières notes façon Surf Music décontractée de "Concrète Cowboys" suivi par ces derniers instants à la sauce Country, le très Punk "Redacted"). Bref, toutes ces petites choses qui font le succès et l’intérêt de ce genre de disque qui à défaut de prendre des risques s’impose sans mal comme le genre de rafraichissement que l’on appréciera de s’envoyer par ce genre de météo ensoleillée.
Alors bon, j’ai quelques scrupules à entamer d’ores et déjà la conclusion de cette chronique mais la vérité c’est que je ne sais pas quoi vous dire de plus au sujet de ces jeunes américains particulièrement convaincants. Non, Buggin n’a rien inventé, non Buggin ne bouleversera certainement pas l’ordre établi mais ces dix-neuf minutes n’en restent pas moins particulièrement plaisantes. Exécuté avec sérieux mais sans prise de tête, ce premier album au féminin se place ainsi sans mal parmi les sorties Hardcore les plus enthousiasmantes de l’année. Effectivement, c’est toujours un petit peu court mais la bonne nouvelle c’est que l’on peu se s’enfiler à plusieurs reprises sans jamais éprouver un tant soit peu de lassitude. Bref, même s’il ne fait pas très beau aujourd’hui, Concrete Cowboys ne devrait avoir aucun mal à trouver sa place dans votre playlist estivale.
| AxGxB 12 Juin 2023 - 778 lectures |
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