Boréalys - L'héritage
Chronique
Boréalys L'héritage
Quelle bonne surprise ! je connaissais ce groupe canadien grâce à son EP paru en 2020, et il m’avait bien titillé bien qu’un peu trop court pour être sûr de ses qualités. BOREALYS revient presque trois ans plus tard, et il démontre qu’il fallait bien compter sur lui. Il est vraiment magnifique, et ce sur presque tous les plans : musique, univers, visuel, thématique… Oui, thématique. Elle est très claire, parfaitement définie et énoncée de manière à ce qu’il n’y ait aucune confusion. Des interludes tirés de documentaires ou d’actualités d’époque viennent émailler l’opus afin de nous plonger dans le Canada des années 1950, et principalement nous faire revivre l’histoire du pensionnat autochtone d’Amos. L’administration catholique l’avait ouvert pour que des pères Oblats y accueillent et « éduquent » les jeunes « indiens », plus précisément les enfants des peuples Ojibwés, Algonquins et Atikamekw. Les documents sonores utilisés ici comme samples annoncent donc avec le timbre des actualités de l’époque :
« C’est pour les aider à mieux s’adapter à leur nouvelle vie que les missionnaires oblats fondèrent avec la collaboration du gouvernement canadien le pensionnat indien d’Amos. »
« C’est le grand départ vers une vie nouvelle, une vie qui ne pourra jamais plus être celle qu’on vécu leurs parents et leurs ancêtres. »
« Que ce soit pour le mieux ou pour le pire, les petits indiens n’ont plus d’autre choix que d’aller de l’avant. Vient un moment dans la vie des peuples comme dans celle des individus où il ne sert plus à rien de regarder derrière soi. »
« C’est à nous tous d’aménager notre société de manière que nos victimes d’hier et nos pupilles d’aujourd’hui ne regrettent jamais d’y être intégré par la force des choses et du progrès. »
Sauf que voilà, dans les faits beaucoup d’enfants ont été arrachés à leur famille pour leur inculquer l’éducation moderne… Mais surtout, le pire a été que de mauvais traitements et des agressions se multiplièrent au sein de l’établissement, entrainant des morts qui ne furent reconnues que des décennies plus tard. Histoire particulièrement sordide… Mais c’est bien d’elle que parlent les 7 morceaux de cet album de BOREALYS. Et sans aucun filtre, sans prendre les moindres pincettes. Le premier morceau, « Apitipik : Vers l'orphelinat », parle d’abord de la séparation forcée des enfants et de leurs parents :
« Aux portes du nouveau monde
Dans les larmes de la rédemption
Pour leur premier hiver
Loin des bras de leur mère
Dans les serres de l'emprise
À l'école de l'Église »
Puis très vite, ce sont les violences sexuelles et leurs conséquences qui vont être abordées dans les morceaux suivants :
« Elle a fait vœu de chasteté, mais elle a cédé
Blasphémer ne lui suffisait plus avec ses doigts
Elle rêvait donc d'un Jésus qui n'était pas sur sa croix
Alors Vierge Marie, pour qui tu crieras ?
Ton jardin étroit saignera !
Ta pulsion aura eu raison de vos vies... »
« Je suis celui que vous avez baisé
L'enfance trahi qui ne saura vous oublier
Vous ! Misérables crasseux
Dans une paroisse du nord aux cent âmes enchainées
Plus sales qu'un porc, vous devriez être saignés
Le jour de votre mort je rêverai de vous encore... »
« Dans les froides nuits d'octobre
Je suis celui...
Que porte le vent, la misère d'autrefois
Dans les âges et mémoires jusqu'à vos âmes navrées
Car le folklore des pauvres, 8000 ans à la dérive
Sous la botte du roi, au nom de l'intégration »
Donc là, on a déjà quelque chose de fort, une thématique qui marque, qui va attirer et donner envie d’en savoir plus. Et la musique de BOREALYS comble parfaitement les attentes. On peut se demander si c’est le style qui convenait le mieux pour rendre hommage à des tragédies faites aux autochtones, mais le fait est là, le black atmosphérique est enchanteur. Il est parfaitement dans la mouvance des groupes du Québec, et les émotions sont aussi fortes et contagieuses que chez les légendaires FORTERESSE, BRUME D’AUTOMNE ou encore CSEJTHE. La voix est donc continuellement rauque et ne faiblit jamais, mais elle accompagne des morceaux envolés et conquérants qui intègrent des mélodies à forte mélancolie. On connaît bien cette recette, et on y est toujours sensible lorsqu’elle est bien employée. C’est bien le cas ici, avec évidemment les indispensables parties acoustiques et samples du vent.
L’album est de très bonne facture. On sait que certains diront que c’est abusé de reprendre trop fidèlement un style déjà bien existant, comme s’il fallait toujours inventer un style… BOREALYS assure totalement et il parvient même à atteindre un petit étage supérieur par moments, comme sur le long « Apitipik : Les murmures enfouis » qui fait appel à des sons originaux vers sa moitié, et qui envoie directement dans les cieux… Non vraiment, très bon album qui vient chercher l’auditeur dans son cœur et son âme.
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