En janvier 2024 sortira sur le label espagnol Memento Mori le troisième album des Californiens de Dipygus. En attendant de pouvoir vous en parler, on va tout d’abord se pencher sur la dernière sortie en date des Américains. Un EP intitulé
Wet Market paru en juin dernier sur les labels Frozen Screams Imprint (cassette), Headsplit Records (CD) et Expansion Abyss (vinyle).
Enregistrés au printemps 2021, c’est une fois de plus aux Darker Corners Studios de San Luis Obispo et sous la houlette d’Alejandro Corredor et de Matt Harvey qu’ont été couchés sur bande ces sept nouveaux morceaux (eh oui, tout de même). Et puisqu’on ne change pas une équipe qui gagne, ce sont encore Greg Wilkinson (Earhammer Studios, Autopsy, Brainoil, Deathgrave, Static Abyss...) et Daniel Randall (Ghoul) qui ont à nouveau été sollicités pour prendre en charge le mixage et le mastering de ces quelques titres. Bref, on retrouve donc derrière les potards et autres micros la même équipe de sauvages expérimentés que sur
Bushmeat et cela pour un résultat final toujours aussi probant. Enfin, impossible de passer sous silence cette très chouette illustration que l’on doit évidemment au bassiste et collecteurs de samples Dayan Weller. Un collage aussi appétissant qu’absurde qui résume parfaitement l’esprit violent et primitif qui anime aujourd’hui Dipygus.
Initialement prévus pour figurer sur une série de splits qui finalement ne verront jamais le jour, les sept titres qui composent
Wet Market s’inscrivent sans grande surprise dans la continuité de l’excellent
Bushmeat. Si vous aviez ainsi déjà succombé aux charmes du Death Metal primitif des Californiens, il y a fort à parier qu’il en sera de même ici. On va dès lors retrouver ces thématiques chères à la formation à commencer par ces cryptides qui, je vous le rappelle en m’autorisant un copier / coller de ma chronique précédente, sont : "ces créatures dont l’existence supposée repose sur des preuves jugées scientifiquement insuffisantes (on parle par exemple du Yéti, du Chupacábra, du monstre du Loch Ness ou bien encore de Bigfoot)". Ici Dipygus va notamment nous conter la légende de l’homme-lézard du comté de Lee situé en Caroline du Sud, de l’osedax, ce "ver annélide polychète nécrophage de la famille des Siboglinidae" qui vraisemblablement aime à se nourrir d’os de baleines ou bien encore de Mechani-Kong, Kaiju imaginé à la fin des années 60 et qui fera sa première apparition dans la série d’animation The King Kong Show diffusée en 1966. Bref, un joli bestiaire de créatures étranges dont les histoires vont donc servir de toiles de fond au Death Metal de Dipygus.
Cette continuité thématique s’accompagne bien entendu d’une continuité musicale puisque la formule déroulée par les Californiens s’avère effectivement en tout point identique à celle évoquée précédemment. Au-delà de tous ces samples qui vont donner encore un petit peu plus de corps à ces atmosphères exotico-zoologico-anthropologico-animales (les premières secondes de "Lizard-Man Of Scape Ore Swamp", "Living Fossil (瑞洋丸)" et de "Bug Sounds (Osedax)", les tout derniers instants de "Domain Of The Crystal Kong") et de ces quelques nappes synthétiques entendues sur "Lizard-Man Of Scape Ore Swamp", "Bug Sounds (Osedax)", "Welcome To Space-Island" ou bien encore "Onslaught Of The Mechanikong Jungle-Krusher", Dipygus va également renouer avec ce Death Metal de babouin grâce auquel celui-ci c’est fait un nom. Quelque part entre Autopsy pour son abrasivité et son caractère explosif et dépouillé, Undergang pour cette approche groovy et grassouillette et Impetigo pour toutes ces raisons à la fois (en plus de certaines thématiques exotiques), les Américains vont enchaîner les bourre-pifs à coups de blasts plus ou moins soutenus et d’accélérations thrashisantes diablement entrainantes. Effectivement, il n’y a là dedans rien de bien nouveau mais pourquoi chercher midi à quatorze heures quelque chose d’à tout prix original et novateur lorsque l’on peut avoir quelques chose d’aussi régressif et réjouissant à la fois ?
Mais derrière cette nature de grosse bestiole bourrue et mal dégrossie se cache une entité "sensible" capable par moment de calmer le jeu. Des instants un petit peu moins velus qui vont permettre à Dipygus de briller par son groove, son jeu finalement plus technique et complexe qu’il n’y paraît de prime abord ou tout simplement son aptitude à varier les plaisirs et ainsi créer du relief et de la dynamique dans chacune de ses compositions.
Enfin, saluons une fois de plus la performance de Clarisa Bermudez-Eredia dont le growl profond et dégoulinant n’a strictement rien à envier à celui des plus grands bonhommes ou autres gros balaises en activité. Certes, son chant ne se distingue pas particulièrement de ceux que l’on peut déjà retrouver sur la majorité de ces groupes de Death Metal chargés en protéines et autres matières grasses mais couplé aux dégueulis de son compère Dayan Weller on ne peut nier que la combinaison est d’une efficacité à toute épreuve. Bref, la dame s’en sort très bien et devrait même en tromper plus d’un pendant un petit moment...
Deux ans et demi après le très bon
Bushmeat, Dipygus n’a rien perdu de sa superbe. Certes, les Américains se contentent de marcher dans leur propres pas mais peu importe puisqu’entre tous ces samples judicieusement collectés, ces ambiances de jungles tropicales infernales et ces créatures aussi menaçantes qu’étranges les Américains tiennent un truc qui n’appartient qu’à eux ou presque. Qui plus est, bien qu’il s’agisse effectivement d’un EP, ce retour aux affaires s’avère tout de même plutôt généreux puisqu’on frôle tout de même la demi-heure de jeu. Bref, retour gagnant pour les Californiens qui n’ont pas fini de nous régaler avec leur Death Metal primitif et animal.
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