Je me souviens qu’en septembre 2023, à la sortie du concert de
MALEVOLENT CREATION au
Klub (
live report), j’avais par hasard eu le plaisir de discuter quelques instants avec un type qui m’avait dit jouer dans
ANTHROPOVORE, une formation de
black metal qui m’était alors inconnue. Il faut dire que sa création est somme toute récente («
Rip and Tear », le premier EP, ne date que de 2021) et que même si les deux membres évoluent aussi dans
MUERTISSIMA (du
death metal avec pour le moment un seul LP au compteur, «
Inquisition, paru 2021) et, pour
Simon Perrin, dans
DEMANDE A LA POUSSIERE (au chant depuis 2022), cela n’était peut-être pas encore suffisant pour faire des Parisiens une formation « qui pèse » dans le milieu de l’extrême. Cela dit, l’ordre des choses pourrait bien bouger avec cet ambitieux «
Parthénogenèse », qui succède donc au précédent
full-length «
Boogeyman » (2022) ainsi qu’à un furieux
split aux côtés des reconnus
DEPRAVED (
brutal death),
MASSIVE CHARGE (
grindocre),
NOÏTATALID (
death indus) et
MUERTISSIMA dont j’ai parlé précédemment.
Une carrière par conséquent déjà bien ancrée dans l’
underground français et qui pourrait bien aujourd’hui gravir quelques échelons supplémentaires dans la reconnaissance du public, y compris à l’international, tant ces dix nouvelles compositions sont marquées au sceau de l’étrangeté, de la bizarrerie, de l’excentrique, de l’incongru, de l’inusité, de… Bon, je pense que vous avez saisi l’idée globale. Car si
ANTHROPOVORE pratique le
black metal, il le fait à la façon d’un fou-furieux qui n’a plus rien à perdre, encore moins à gagner, et dont la seule et unique volonté est de nuire durablement à notre repos. Pour ce faire, il va peupler nos rêves de monstres pervers, de frayeurs enfantines remontant à la surface pour nous glacer d’effroi mais aussi d’angoisses bien adultes, elles. Au moins une chose est acquise après l’écoute de «
Parthénogenèse », c’est que nous irons nous coucher avec la lumière allumée, quitte à voler sa veilleuse au petit dernier. Tant pis, que le grand crique le croque !
En effet, outre l’imagerie du vilain croquemitaine qui hante chacune des pochettes du groupe, le cauchemar en mode paralysie du sommeil trouve sa pleine et totale expression dans les vocaux hallucinés qui hurlent des paroles (en français) transpirant l’anxiété, la hargne, la haine, la terreur également. L’inexplicable frousse qui te colle une chiasse bien mousseuse, verdâtre et puante. Quant à la musique… Les Parisiens ont beau s’inspirer de références
old school telles que
DARKTHRONE ou
MARDUK et prôner un retour à un
black primaire, il est évident que l’heure que dure l’album va bien au-delà de ces ambitions initiales. Le propos général est certes
raw, notamment dans le choix du type de chant criard ou encore d’une production plutôt rustre, également dans les explosions de fureur qui parsèment le disque, mais réduire cette œuvre à ces influences ne dirait qu’à peine 10% du contenu réel.
Musique aussi protéiforme qu’exigeante, les deux musiciens ont pris soin de parsemer chaque morceau d’éléments originaux, soit purement sonore ou langagier, soit dans la structure même de la composition, si bien que le style initial se trouve transcendé pour aboutir à un résultat que je ne saurais décrire mais qui fout réellement les miquettes tant les instants de malaise y sont palpables. Quand je pense que cela est uniquement généré à base de guitares, basse et batterie… Merde ! C’est en écoutant ce genre de projets que tu te rends compte que l’originalité, ce n’est pas donné à tout le monde et que la personnalité d’
ANTHROPOVORE ne se construit pas sur des éléments aussi factices que faciles (samples divers, claviers…), elle se fonde sur des sentiments puissants (peur, colère, écœurement généralisé, douleur) qui animent depuis longtemps les deux géniteurs et qui s’insinuent dans chaque note, chaque riff, chaque coup de cymbale, chaque hurlement afin d’écrire une musique rare, véritablement malfaisante, jamais formatée.
Le pendant négatif, si tant est que cela en soi un, d’un tel déballage d’émotions est que les soixante minutes d’écoute s’avèrent pour le moins éprouvantes car tout est poussé à un paroxysme de branque, sans une once de repos. C’est une torture mentale continue, un désir de nuisance jamais assouvie où les plaies intérieures de l’auditeur se voient frotter au gros sel ou au jus de citron… On implorera alors le pardon en espérant que cela s’arrête mais «
Parthénogenèse » ne nous veut que du mal, il nous livre en pâture à nos propres démons sadiques. Quant à ceux qui en veulent toujours plus, sachez que la version CD propose un titre bonus de trente minutes : « F(a)I(m)N ».
Je profite de cette chronique pour faire un peu de pub :
MUERTISSIMA sera en concert au
Klub (Paris) le samedi 23 mars en compagnie de
TRAGOS et
DAWN OF DYSTOPIA : une bien belle affiche pour la modique somme de dix euros.
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