Si vous vous intéressez de près ou de loin à la scène
noise rock – noise core française, vous êtes forcément tombés un jour ou l’autre sur des groupes issus des labels
Atypeek Music (
CARNE ;
DAVY JONES LOCKER ;
ENABLERS ;
HELOOGABALE ;
KILL THE THRILL…) ou encore
Zéro Egal Petit Intérieur (
EMBOE ;
A SHAPE ;
SONS OF FRIDA, etc.), deux maisons pointues en matière de
rock innovant, souvent bruitiste, parfois plus expérimental et toujours de qualité. Il n’est donc pas surprenant de retrouver ce deuxième album d’
ECHOPLAIN en distribution chez ces deux écuries, avec l’appui supplémentaire d’
Araki, de
Day Off, de
Kerviniou Records et enfin de
Ged. Pure tradition
DIY que de multiplier les intervenants afin de diviser les coûts, c’est bien légitime.
Le trio dont il est question aujourd’hui s’est d’abord fait connaître en 2019 avec un premier EP éponyme puis avait fortement marqué les esprits avec «
Polaroid Malibu » (2021), un LP où se côtoyaient avec classe des influences telles que
CONDENSE,
GIRLS AGAINST BOYS (composé d’anciens
FUGAZI et
SOULSIDE) ou encore l’incontournable
THE JESUS LIZARD. Pour tout dire, ce disque fut une franche réussite et j’avoue que j’attendais son successeur avec une certaine impatience, attente aujourd’hui récompensée par la parution d'«
In Bones », soit huit titres pour renouer avec l’un des meilleurs trios
noise de l’hexagone :
Clément Matheron (basse),
Stéphane Vion (batterie) et
Emmanuel Bœuf (guitare, chant).
L’album débute fort avec le titre « Milla Jovovich » où l’on retrouve immédiatement tout ce que l’on pouvait apprécier dans ce groupe : une basse sèche très
hardcore, une batterie sobre, aussi précise que puissante, une guitare où se croisent
UNSANE et
SONIC YOUTH, un chant à l’emporte-pièce, brut mais ne faisant pas non plus n’importe quoi, l’objectif n’étant pas de brailler bêtement dans un micro. Arrivé à ce stade de l’article, je me doute que j’ai déjà perdu bon nombre d’entre vous, probablement peu réceptifs à ce genre musical qui, pour ma part, a construit une bonne partie de mon éduction musicale. Dommage, car qu’est-ce qu’il bourre ce «
In Bones » ! Les musiciens ont le don pour alterner des passages calmes dans l’esprit
CHOKEBORE avec de purs instants bruyants, les Français étant alors quasiment intouchables selon moi dans ce registre. En effet, sur une assise rythmique ultra carrée,
Emmanuel peut laisser libre cours à son instinct pour faire jaillir de son instrument des sonorités improbables, une tension folle (« Chicken Run »), le tout s’inscrivant encore une fois dans cette ambiance américaine des années 90, à la grande époque d’
Amphetamine Reptile Records notamment.
C’est vrai que mes penchants naturels sont davantage séduits lorsqu’
ECHOPLAIN maltraite le solfège et qu’il frappe durement dans le
core (« You Won’t Find Me » et sa putain de ligne de basse), et ce même si les structures tendent alors peut-être parfois à se ressembler (« Milla Jovovich » ; « Disko Boy ») du fait de ces nombreuses rythmiques cassées, cassantes, hachées, syncopées. Mais même si j’ai un peu perdu de vue cette scène, de ce que j’ai pu écouter de-ci de-là, je ne vois guère d’équivalent à cette machine aussi chaotique que précise, jouant sur les oxymores, les contradictions stylistiques, parfois pleine de fureur intériorisée (« Jeffrey », avec en prime un gros son de
fuzz, un régal lorsqu’on apprécie cet effet) ou pleinement assumée (« Bourrinou »). De toute façon, quelle que soit la formule adoptée, le trio est toujours dans la maîtrise de ses instruments, ce qui pour moi constitue une différence nette entre le con de base qui fait du bruit parce qu’il ne sait pas doser ses intentions, camouflant alors cela derrière une posture
arty intello, et le mec qui, à force de travail, est parvenu à conceptualiser le bruit, à l’apprivoiser pour en faire exactement ce qu’il veut. C’est exactement cela, «
In Bones », la démonstration que jouer du
noise rock bien compris s’avère tout aussi complexe que pratiquer une musique dite « technique » car cela nécessite d’avoir l’intelligence de la dissonance, de savoir flirter avec la frontière du bordel ou du non-sens, de laisser la place à une part d’improvisation au sein d’un cadre normé, cela étant d’ailleurs peut-être mon seul regret : que ce LP ne propose pas plus de plages instrumentales bruitistes, un « Diamond Sea », même si je reconnais que le format court des huit compositions s’avère être le plus efficace, la concision sans laconisme.
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