Harkonen - Shake Harder Boy
Chronique
Harkonen Shake Harder Boy
Peut-être connaissez-vous Ben Verellen comme membre du trio Helms Alee, groupe ayant marqué plus d’un avec son mélange de metal, post-hardcore et envolées renvoyant à la scène indie rock. Cependant, le monsieur s’était déjà fait remarquer au sein de la scène pour diverses raisons, bien avant la naissance de cette formation aux côtés de Dana James et Hozoji Matheson-Margullis. Frère de Dave Verellen (leader de Botch puis de Narrows) avec lequel il fondera le projet confidentiel Roy, il aura ainsi participé de près ou de loin à l’élaboration d’œuvres de These Arms Are Snakes (posant des lignes de basse sur l’excellent Oxeneers or the Lion Sleeps When Its Antelope Go Home), Botch, Pelican ou encore Mastodon (collaborant à l’enregistrement de Blood Mountain). Soit presque une photographie d’une époque, celle où les scènes hardcore, metal et rock se mélangeaient pour une pléthore de rendus inédits.
Un marqueur d’un certain temps qu’est aussi Harkonen, premier groupe de Ben Verellen et dont l’ultime longue-durée paraîtra sur le culte Hydra Head Records. Formé en 1995, la bande partira d’un style influencé par le noise hardcore de Deadguy et Kiss It Goodbye pour l’accoupler au post-hardcore – le vrai, celui de Fugazi ou encore Quicksand – et au noise rock, trouvant sa forme finale sur Shake Harder Boy. Trente-six minutes toute en tensions et explosions, pour un résultat directement identifiable dans sa forme mais aux qualités bien présentes.
Menant la barque au poste de chanteur et bassiste, Ben Verellen est ici l’exemple tout trouvé de la force particulière qui a animé les Ricains au nom rendant hommage à l’œuvre de Frank Herbert. Sa voix typique – orageuse quand elle n'est pas tout simplement rageuse –, sorte de Scott Kelly décidant d’exposer sa colère au grand jour et en pleine nature, est en effet une bonne porte d’entrée pour définir cette musique anguleuse et électrique, adepte de saltos et pourvue d’un tempérament aussi bagarreur que sarcastique (cf. « All This Time I Thought Your Name Was Cool Dude » suivi de près par « Your Name Is Shit »). Une posture distanciée qui n’empêche pas l’émotion de surgir, notamment dans ces riffs dynamiques, groove et concassage se mariant pour un rendu abrasif et étrangement entraînant (« Easy Prey » ; « Smile Pretty » ; « Caseydriver »). Cette fusion de l’énergie du hardcore et la véhémence du metal donne alors à voir en Harkonen une version juvénile et mâle de Helms Alee, tant il y a ici des ponts avec les évasions à ampérage élevé de Night Terror.
Oui, Shake Harder Boy montre déjà les puissances élémentaires qui animent Ben Verellen, que ce soit sur « Baristas Get Stalked » ou « Settle Here ». Empreint de l’esprit de son temps – cette mixture de la fin des années 90 et début des années 2000 –, il préfigure l’avenir dans les quelques pauses qu’il s’offre (le début de « We've Come for Your Daughters » par exemple) ainsi que ses mélodies aussi inattendues que directement accessibles. Pour autant, quiconque aura déjà écouté cette scène constatera que Harkonen reste un groupe trop timoré par rapport à d’autres formations. Quelque part entre le premier album de These Arms Are Snakes et le dernier de Meatjack (le trop méconnu Days of Fire), ce dernier jet profite de son caractère court – une grosse demi-heure dégraissée de toute longueur inutile – mais ne s’inscrit pas davantage qu’un moment de plaisir un peu nostalgique, très réussi, avant de rejoindre l’étagère pour une écoute programmée à la prochaine fois que l’on aura envie de se replonger dans un passé oublié.
Cela ne fait pas pour autant de Shake Harder Boy un album accessoire. Cette voix, trop précieuse pour ne pas la chercher là où elle se trouve, ainsi que ces compositions sans temps morts méritent clairement qu’on s’y arrête, surtout quand on est un amateur de Helms Alee ou de cette musique qui aura disparu aussi vite qu’elle est arrivée. À noter qu’après cette dernière expérience en solitaire, Harkonen nous gratifiera d’un split aussi barré que mémorable avec ses amis d’autrefois de These Arms Are Snakes. Split qui, pour sa part, est un indispensable du genre.
| lkea 24 Février 2022 - 959 lectures |
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