Palehorse - Soft as Butter; Hard as Ice
Chronique
Palehorse Soft as Butter; Hard as Ice
Pour lorsque l’on se prend à vouloir un sludge de samedi matin, la tête embrouillée, le corps encore fatigué de la semaine passée mais relaxé, l’envie de se laisser aller en regardant un ciel bleu d’été, se préparant tranquillement pour les promesses du week-end malgré les tensions qui subsistent au fond, les sales pensées, les frustrations accumulées, les échéances à venir. La possibilité de tout remettre à plus tard. Pour quand le couperet attendra et que nous sommes dans ce qu’il y a entre les lignes.
Pour ces moments-là, Soft as Butter; Hard as Ice est un grand album, un disque qui les habille de la meilleure des manières. J’ai déjà pu dire l’amour que j’ai pour ce groupe, aujourd’hui défunt mais qui, avec une simplicité qui m’époustoufle à chaque fois (aller, disons que Gee That Ain't Swell était un entrainement aux plaisirs à venir), parvenait à transporter dans un ailleurs où les équivalents se trouvent difficilement. Essai de cartographie des Anglais, numéro 11980 : imaginez un Thou non pas fan de Nirvana mais de Fugazi, un groupe de hardcore qui irait voir du côté de Drive Like Jehu de quoi soigner ses colères, des bassistes de sludge se réunissant et voulant, de leur sales manière d’êtres humains peu portés aux sentiments, une échappatoire surréaliste à leur quotidien marqué par le dégoût. Il y a de ça dans ce projet, et sur cette heure, une volonté de s’étaler sans s’épancher, de ne jamais affronter les choses en face, de les peindre puis de les brouiller, façonner les questions et se moquer des réponses, dans une lourdeur du climat qui dit aussi qu’« on en a gros », des accalmies qui n’ont rien de larmoyantes et pourtant, on sent que ça vient, un peu, pas par tristesse, ni par beauté, le « je ne sais pas ce que j’ai » qui fait détourner le regard de ses contemporains et mettre la tête contre un mur ou vers le ciel, la direction qui masquera le mieux les manifestations de ce qu’on ressent.
Formellement, on danse alors langoureusement sur les rythmes des Londoniens, dont les coups d’éclats sont des libérations intimes. On s’évade, on s’étiole, on ne se retourne pas et on ne va pas de l’avant, la lenteur comme procrastination bienheureuse. Mais que dans ces moments-là, où l’on va vers lui comme par instinct, faisant de Soft as Butter; Hard as Ice un album qui se nourrit des instants, qui catalyse plus qu’il emporte. C’est sans doute la particularité de ce disque, au sein d’une discographie remplie de points d’interrogation. Essai de cartographie sentimentale, numéro j’y passerai toute ma vie : le plaisir qu’il y a à s’énerver, à s’épandre sans se pendre pour autant, à jouer les acteurs d’une pièce où on s’imagine le personnage central, là, dans les moments enfiévrés de « How to Avoid Huge Riffs », l’éloge de la paresse de « Challenge Hanukkah », les paysages que l’on a dans la tête, vallées-oscilloscopes, névroses-montagnes, espoirs-nuages.
Un défaut ? Une imperfection ? Je ne saurais le dire avec précision. Il y en a, clairement, c’est parfois trop long, parfois les passages les plus ahurissants (ce « Morbid Angel Delight » que l’on voudrait ne jamais se voir finir...) donnent envie qu’ils durent ou soient plus nombreux. Mais, je pense que cela est clair, Palehorse est pour moi une formation de cœur et cela dit bien l’impossibilité que j’ai à raisonner dessus. Non pas un groupe majeur, non pas un bijou méconnu, mais bien une musique qui parlera à quelques-uns à quelques moments. C’est dérisoire et c’est beaucoup.
| lkea 12 Septembre 2020 - 796 lectures |
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