À vouloir coller au plus près de l’actualité, on en oublie parfois de rendre à César ce qui appartient à César. Aussi, après vous avoir parlé avec un enthousiasme non feint des deux premiers albums de Wrong et mentionner son nom dans tout un tas d’autres chroniques (je pense par exemple à celles de Pigs et de Narrow Head), il était temps de rendre hommage à ce groupe par qui beaucoup de choses sont arrivées et dont l’influence sur les scènes Noise et Post-Hardcore demeurent encore aujourd’hui une évidence.
Formé à New-York en 1989 par Page Hamilton juste après son départ du groupe Band Of Susans, la première mouture d’Helmet embarque dans ses rangs le guitariste Peter Mengede, le bassiste Henry Bodgan et le batteur John Stanier. Après une première démo éponyme parue la même année, la jeune formation est rapidement repérée par Tom Hazelmyer, chanteur et guitariste du groupe Halo Of Flies, qui s’empressera de les signer sur son label Amphetamine Reptile Records (Today Is The Day, The Melvins, Chokebore, Hammerhead, Tar, Surgery…). Outre deux menues parutions (un EP intitulé
Born Annoying / Rumble et un split en compagnie de Gas Huffer, The Melvins et The Dwarves), cette union donnera également lieu dès mars 1990 à la sortie d’un premier album intitulé
Strap It On. Un disque qui ne passera absolument pas inaperçu puisqu’Helmet sera débauché dans la foulée par Interscope Records qui, toujours dès 1990, apposera son nom et son logo sur les rééditions de ce premier essai longue-durée.
Enfin, longue-durée, il faut le dire vite puisque
Strap It On ne dure que trente petites minutes et pas une de plus. Enregistré en seulement dix jours pour la modique somme de 2500$ par Wharton Tiers aux célèbres Fun City Studios (Sonic Youth, Dinosaur Jr., Prong, Swans, Cop Shoot Cop...) qu’il a lui-même fondé en 1982, ce premier jet jouit d’une production à la fois brute et dépouillée qui ne pouvait pas mieux coller à ce mélange primitif de Noise, de Hardcore et de Metal Alternatif. Dès ses premiers balbutiements et même si celle-ci sera largement peaufinée par la suite, Helmet a su se construire une véritable identité sonore grâce à quelques choix très marqués. En premier lieu on pense évidemment à ces guitares lourdes et abrasives aux sonorités Metal évidentes mais aussi et surtout à ce riffing nerveux en staccato, véritable marque de fabrique de Page Hamilton, qui va ainsi entretenir cette dynamique et cette cadence entêtante et si particulière. Pour autant, si ces guitares sont effectivement l’une des marques de fabrique du groupe new-yorkais, il convient de ne pas négliger l’impact qu’ont également cette basse généreuse et vibrante aux lignes épaisses et pleines de groove (même si celles-ci manquent encore de précision) ou bien cette batterie dépouillée et sans artifice dont la production très sèche participe également à la dynamique redoutable de ce premier album (quel régal que cette caisse claire qui claque juste comme il faut). Bref, quelques éléments qui pris indépendamment les uns des autres pourraient sembler relativement anecdotiques (d’autant plus qu’ils constituent la base de bons nombres de groupes estampillés du sceau Noise Rock / Noise Hardcore) mais qui concourent pourtant à faire d’Helmet ce groupe à la personnalité si affirmée.
Déjà bien en place avec vraisemblablement une idée plus que précise de ce à quoi il aspire, Helmet nous offre sur
Strap It On des compositions d’ores et déjà particulièrement solides. Certes, tout n’y est pas parfait, certaines séquences se faisant plus anecdotiques que d’autres (certains riffs et lignes de chant sur "Sinatra" ou bien encore « Murder » et ses excès de dissonances qui n'apportent pas grand chose) mais dans l’ensemble, on trouve déjà ici tout ce qui fera plus tard le charme des New-Yorkais. De ces compositions nerveuses et incisives ("Repetition", "Rude", "FBLA", "Blacktop"...) à celles plus mélodiques ("Bad Mood" et "Make Room"...) ou encore plus sinueuses ("Sinatra" et "Murder") en passant évidemment par ces riffs abrasifs et dissonants, cette rythmique particulièrement entêtante, cette basse encore un petit peu brouillonne mais au groove néanmoins généreux, ces nombreux solos et autres leads au caractère bruitiste bien trempé ("Repetition" à 2:08, "Rude" à 2:22, "Bad Mood" à 1:09, "FBLA" à 1:33, "Blacktop" à 1:58...) ou bien encore un Page Hamilton déjà bien en voix puisque capable de hurler à la mort comme de chanter d’une voix plus claire et agréable ("Bad Mood", "Make Room"),
Strap It On n’a certainement pas à rougir de son statut de premier album puisqu’il offre ici une version effectivement encore un petit peu verte du Helmet en devenir (celui qui rencontrera quelques années plus tard un énorme succès grâce à ses deux albums suivants) mais une version néanmoins particulièrement convaincante qui, trente-trois ans plus tard, demeure toujours aussi pertinente.
Si
Strap It On n’est généralement pas le premier album que les gens choisiront de retenir de la discographie d’Helmet, il n’en demeure pas moins une entrée en matière tout ce qu’il y a de plus sympathique et réussie. Certes, la formule est à ce stade encore à l’étape du rodage dans la mesure où effectivement certaines choses paraissent plus ou moins perfectibles mais dans l’ensemble, Page Hamilton et ses acolytes de l’époque, ont déjà en leur possession toutes les clefs du succès. Un succès que le groupe ne tardera pas à rencontrer avec la sortie en 1992 de
Meantime qui reste d’ailleurs à ce jour l’album le plus vendu par les New-Yorkais avec tout de même plus de 500000 exemplaires écoulés rien qu’aux États-Unis. Bref, si à titre personnel je lui préfère évidemment les deux albums qui lui succéderont, difficile de ne pas se montrer enthousiaste face à une telle entrée en matière.
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