Sakna - De Syv Dødssynder
Chronique
Sakna De Syv Dødssynder
Mon dieu quelle est triste l’histoire autour de SAKNA, un groupe de black folk metal fondé par Solemn, suicidé en 2011, et dont l’unique album connu à ce jour est ce « De Syv Dødssynder » paru seulement en ce mois de mai 2024. Par conséquent, on imagine difficilement que l’écoute de ces six compositions sera guillerette et, effectivement, le titre d’ouverture « Begynneise – Sti » plonge immédiatement l’auditeur dans une tourmente proche du DSBM qui donne réellement l’envie, sans humour noir de ma part, de se foutre en l’air. Parfois, une charogne est belle mais elle puera toujours, c’est ce que m’inspire ce morceau : il a la fragilité du corps pourrissant dont les membres se délitent lentement mais son odeur repousse, de façon atavique, instinctive, illustrant finalement pleinement tout l’antagonisme du black metal, la lutte des principes du beau, du juste et du pourrissement.
A mon goût, l’album est surtout fascinant pour sa trilogie centrale « Del ». Ainsi, la partie une (« Helvete ») parcourt en un peu plus de six minutes tous les méandres d’un black vif, rapide, mélodique mais également très technique notamment en ce qui concerne les parties de guitares, assez incroyables, mordantes comme le givre mais terriblement vivantes, faites de vif et de vent. A cette complexité instrumentale s’ajoute des alternances de chant criard / clair qui renforcent la grandeur des ambiances, même la présence d’un accordéon ne parviendra pas à me dégoûter de cette composition dantesque qui semble tout droit sortie du bain originel du black metal.
Les deux pièces suivantes, du fait de leur longueur (une quinzaine de minutes chacune), laissent davantage la possibilité au compositeur de développer les aspects les plus mélancoliques de sa musique, insistant particulièrement sur les éléments acoustiques ainsi que les tempos contemplatifs, alors que, de façon oxymorique, la voix se perd dans des hurlements de douleur éternelle qui hanteront longtemps l’auditeur. Le rythme est d’ailleurs parfois si lent sur « Skjaersilden » que l’on entre alors dans une dimension quasiment funeral porteuse de sentiments forts, tous sombres mais systématiquement profonds.
Le fait que je ne perçoive que très peu les éléments purement folk dans cette musique est pour moi une totale satisfaction et quand « Himmel » s’élève, dans la beauté lacrymale de ses sonorités maladives, c’est le Sol Invictus flamboyant qui s’exprime, ce titre atteignant une nouvelle fois une justesse émotionnelle rare en dépit de toute la nocivité qu’il cherche à expectorer via une oralité qui semble, hélas, avoir déjà un pied dans la tombe.
Rien que pour ces quatre premières chansons, SAKNA mérite certainement sa place parmi les meilleurs, il n’aura jamais la possibilité de faire mieux, ni pire, il ne restera que ce coup de génie aussi vain que brillant, aussi indispensable que déprimant. Je suis en revanche bien moins preneur d’« Evighet », un passage atmosphérique instrumental certes apaisant après un tel déferlement de douleur mais qui, avec le bonus « Berceuse astrale » qui suit, me semblent artistiquement de trop. En revanche, humainement parlant, je comprends que les gens qui ont porté ce projet aient souhaité représenter toute la palette du compositeur, vraisemblablement autant attiré par l’ambiant que le metal, mais cela dénature peut-être un peu trop les deux premiers tiers foudroyants de l’album.
Putain, quelle misère que ce mec se soit foutu en l’air. La vision musicale de Solemn avait une telle âme, une telle richesse, portait une telle lumière, que savoir qu’il s’agit d’un disque posthume s’avère bien misérable. Alors nous pouvons remercier ceux qui ont contribué à amener ce LP jusqu’à nous, nous pourrons aussi déplorer que le désir de traduire le désespoir en notes fut moins fort que celui d’en terminer avec la vie, tant pis, il demeurera cette trace de doigt dans la poussière de l’existence pour se rappeler à jamais pourquoi nous aimons le black metal. 9, ni par complaisance, ni par pitié, ni par chagrin, ni par sentimentalisme, juste par gratitude : pour le voyage, la boue et la grisaille, le jeu du vent dans les feuilles mortes.
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