The Scars of Man on the Once Nameless Wilderness part I
A croire que c'est la saison des cas de consciences !
L'un des plus fiers et talentueux représentants de la scène USBM
"countryside", celle qui fleure bon les grandes étendues vertes, les rocheuses et les grands lacs, reste indéniablement Panopticon. One-man band mené d'une main de maître par Austin Lunn, qui, lorsqu'il atteint ses limites en matière d'instruments (ce qui est déjà une prouesse en soi, vu le niveau technique du bonhomme), sait bien s'entourer. L'homme nous avait laissé épuisés mais heureux, après avoir digéré le cru exceptionnel qu'était
"Autumn Eternal", balayant toute la concurrence sur son passage pour se hisser au sommet du trône de l'année 2015. Lunn étant
trappiste à ses heures perdues, il écrit ses disques comme il développe ses bières : il faut du temps, de la patience, les bonnes essences de bois pour les futs et de malt pour la robe, pour donner un produit de qualité. Ce qui débouche (vous l'avez ?) sur trois ans d'attente avant la sortie, en grande pompe, d'un album au titre interminable, manie décidément bien vilaine de la scène Black Metal. Et quelle ambition !
"The Scars of Man on the Once Nameless Wilderness" est annoncé comme un double album ! La joie est à son comble... Jusqu'à la précision du label Nordvis. Première galette strictement Black Metal, infusé de parties Folk, seconde galette purement
Americana - l'autre grand amour d'Austin Lunn.
Ha. J'ai beau avoir essayé, tenté de mettre de côté le cliché du
redneck qui chique à moitié sur sa chemise à carreau, je n'y suis pas arrivé. Si les morceaux purement Folk qui composent l'intégralité du deuxième disque (une heure au compteur, tout de même) sont, objectivement, bien foutus, en évitant de tomber dans le piège du dépouillement absolu, je ne rentre pas dedans. Pas faute de m'être forcé, mais, définitivement, même s'il est bien exécuté, ce second disque m'évoque plus la saignée du cochon de Besse-et-Saint-Anastaise que les vastes bois des États-Unis. Raté, donc ! Vous comprenez maintenant mon cas de conscience : j'ai délibérément choisi de faire l'impasse sur, grosso modo, la moitié de cette nouvelle livraison de l'Américain. Fort heureusement, mon estimé collègue Neurocatharsis s'est révélé être bien plus sensible que moi à cette deuxième galette - vu le travail fourni par Austin Lunn, il aurait été dommage de la passer sous silence. C'est donc lui qui, après mon pavé, saura vous guider au travers des errances folkloriques de Panopticon.
Quant au premier des deux disques, il reprend les choses là ou Austin les avaient laissées. On est en terrain connu, ce qui ne l'empêchera pas d'arriver à surprendre même l'auditeur le plus aguerri à son Black Metal, teinté de Folk et d'atmosphères éthérées.
"The Scars of Man on the Once Nameless Wilderness (Part I)" est un peu plus brut que son aîné, le son moins travaillé, mais certaines de ses pistes transmettent une émotion tellement pure, tellement brute, qu'elles ne peuvent laisser indifférent. Certes, le premier disque est tout aussi long que son (gros) appendice Folk, tombant parfois dans le piège de la répétition, de la tartine. Inévitable. Mais l'extrême qualité de l'ensemble, du niveau technique ahurissant d'Austin Lunn à la quasi-totalité des instruments jusqu'au rendu sonore final, véritable travail d'orfèvre, fait bien vite oublier ces quelques écueils. Tranchons dans le vif avant de découper au détail :
"The Scars of Man..." n'est pas le meilleur album de Panopticon, mais reste nettement supérieur à ce qui peut se faire chez la concurrence.
Austin sait jouer, mais ce n'est pas un simple technicien-mercenaire qui loue ses services au plus offrant. Ce qu'il sait par-dessus tout faire, c'est écrire des morceaux qui hantent. Depuis ses débuts grésillants jusqu'au monolithe qui nous intéresse aujourd'hui, Panopticon a toujours su développer ses branches plus loin que ce que le style peut "imposer", et ce malgré des racines solidement ancrées dans un terreau fait de blast-beats, de riffing en tremolo, et de textes qui ont toujours été politiquement ancrés dans la gauche et l'antifascisme (quand ils ne parlent pas tout simplement de bière). Tous les ingrédients qui ont fait le succès de la formation sont là, et toujours aussi efficaces.
Sans rire, certains morceaux prennent littéralement aux tripes tant ils sont poignants. Je pourrais passer une heure sur "Sheep in Wolves Clothing", l'un des temps forts de cet opus, qui me rappelle furieusement les plus belles envolées de Fanisk sur
"Noontide" - Même si les oreilles de Lunn doivent siffler après cette comparaison. Des guitares en tremolo quasi permanent, soleil éclatant, écrasant, presque mystique... Ne s'arrêtant que pour laisser la place à un blast plus lent, plus lourd, soutenu par un mur de basses qui vient finir le travail. La seconde moitié de
"En Hvit Ravns Død", millefeuille de violon presque dramatique, de chœurs et d'arpèges déchirants qui s'éteignent doucement, renforce encore cette atmosphère de marche solitaire en pleine neige. Austin laisse une plage d'expression à chacun des instruments qu'il manie, des nombreux roulements de batterie impressionnants de dextérité ponctuant la totalité des huit titres, jusqu'au soli des guitares qui arrivent à ne jamais sombrer dans la débauche (à 2:50 sur "Blåtimen", notamment), passant par les interludes et introductions qui fonctionnent, justement parce qu'ils sont suffisamment courts pour ne jamais lasser (ce qui n'est pas le cas de la second galette). "Watch the Lights Fade" en forme de veillée au coin du feu pour ouvrir l'opus, "A Ridge Where the Tall Pines Once Stood" en guise de repos bienvenu après le blizzard, et l'ouverture du dernier titre
climax "Snow Burdened Branches", le meilleur de l'album, probablement parce qu'il m'apparaît comme le plus personnel du maître à bord : sample vocal en ouverture, insistant sur l'importance de conserver le patrimoine naturel si cher à Austin (
"You've got to carry on the battle to preserve such beautiful places as this"), qu'il tient à transmettre, en l'état, à son plus vieux fils, Håkan, auquel il avait déjà dédié un titre entier au sein du split avec Waldgeflüster. Le flambeau doit rester intact, et l'album ne laisse pas indemne. Jamais désincarné comme peuvent l'être bon nombre de formations, qui tirent dangereusement vers le
pouet-pouet dès lors qu'apparaît le moindre instrument acoustique, Panopticon garde, au fil des albums, une sincérité désarmante, touchante, lui conférant toute son aura, toute sa force de frappe.
Malgré quelques instants de remplissages, surtout concentrés dans "En Generell Avsky", titre assez basique et répétitif, la première partie de
"The Scars of Man on the Once Nameless Wilderness", si elle est moins fédératrice, moins homogène qu'un
"Autumn Eternal", n'en reste pas moins simplement belle. Le moindre arrangement semble avoir été travaillé, rarement pour faire office de simple garniture, ou même de rallonge - les titres sont d'ailleurs majoritairement bien plus court que sur l'album précédent. Au contraire, ils renforcent l'atmosphère, particulièrement prenante, d'un disque qui me ferait presque le même effet que
"Immersion Trench Reverie" de Yellow Eyes, en restant plus riche, plus dense : un disque qui en appelle à mes souvenirs bucoliques, à écouter et savourer en plein hiver, devant la cheminée, ou en vadrouillant dans les forets Arvernes. Si chacun interprètera cette dernière livraison de Panopticon comme il l'entendra, il ne pourra que constater avec respect la masse de travail, l'attention quasi-obsessionnelle portée au détail de cette première partie, qui mérite, sans discussion possible, sa place dans les sorties essentielles de cette année. Austin Lunn semble, à travers ce double album, avoir tout donné, livrant un excellent disque de Black Metal et probablement, pour la seconde galette, un très bon disque de Folk américaine, pour qui saura l'apprécier à sa juste valeur - ce qui n'est pas mon cas. Probablement la dernière sortie du projet avant un long, long moment. Et ça tombe bien, car rien que cette première partie demandera du temps avant d'être défrichée, et entièrement digérée.
Note Sagamore : 8/10
The Scars of Man on the Once Nameless Wilderness part II
On l’aura compris, rien qu’à l’écoute de sa première partie et des indications d’Austin Lunn (« not one person was asked to review this record », mais que faisons-nous là ?),
The Scars of Man on the Once Nameless Wilderness est l’album le plus personnel de Panopticon. A ce titre, la preuve définitive est comment il décide d’exclusivement consacrer la deuxième partie de son double-album à son autre flamme musicale après le black metal : la folk américaine, enfin plus précisément le bluegrass, la musique originaire de son Kentucky natal.
L’album regroupe des morceaux dont la composition s’est étalée périodiquement de 2011 à 2017, comme si Lunn voulait proposer ici son recueil. Il n’hésite pas à mettre au premier plan les instruments traditionnels du bluegrass : banjo (pas trop enjoués non plus), violon, harmonica, contrebasse, mandoline, accordéon, avec des interventions remarquées des guitares électriques lors des moments forts du disque. Le tout est très bien réalisé, très équilibré, et comme pour chaque album folk réussi, chaque instrument sonne très clairement et juste, aucun ne prend le pas sur l’autre. La voix claire de Lunn n’est évidemment pas la plus impressionnante qui soit, mais il parvient tout à fait à coller au style abordé ici avec un timbre assez chaleureux, et surtout une sincérité palpable et touchante (écoutez « The Itch »). L’album semble alterner les morceaux plus ambitieux, comme de longues promenades, avec des morceaux plus court et direct, souvent plus ancré dans la réalité et le folklore local (« The Wandering Ghost » ou encore « Echoes in the Snow »).
Le résultat est particulièrement rafraichissant, car crédible. A moins d’y être totalement hermétique, il est certain que Lunn saura vous emmener dans son univers. Chaque morceau parvient assez bien à se démarquer, chacun dispose d’une petite touche qui le différencie des autres, et chacun pourra trouver sa chanson qui le touche particulièrement, picorer à loisir dans ce florilège bucolique, même si des pistes comme l’imposante ballade floydienne « The Moss Beneath the Snow », ou « At the Foot of the Mountain » et sa longue conclusion presque post-rock, retiennent l’attention à la première écoute. Si la première partie de l’album évoque dans son concept la nature et l’expérience spirituelle d’y être plongé, cette deuxième partie, particulièrement actuelle, parle de l’effacement de la nature, et de l’impact progressif de la vie urbaine et de la technologie sur l’esprit des Hommes. Un arbitrage judicieux de la part de son géniteur, tant cette folk souvent intimiste permet au propos de Lunn d’apparaitre plus clairement, là où la première partie et son black metal atmosphérique écrase l’auditeur par sa musicalité imposante. On regrettera seulement peut-être un petit excès de longueur, dix titres pour plus d’une heure de musique étant un peu trop pour ce genre.
A vous de voir comment vous prendrez ce deuxième disque : une seconde moitié indissociable de la première, un bonus conséquent et de qualité, ou bien seulement un tout autre album n’ayant rien à voir. Une chose est certaine : l’écriture de Lunn, et tout particulièrement sur ce
The Scars of Man on the Once Nameless Wilderness, se retrouve totalement dans ce second disque, avec un style toujours intense à sa façon, et surtout particulièrement touchant et habité.
Note Neurocatharsis : 8/10
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