Le projet Panopticon est assurément devenu aujourd’hui l’un des plus scrutés de la scène black metal underground. Paradoxalement, au fur et à mesure que sa popularité grandissait, les thématiques de ses albums sont devenues de plus en personnelles. La dénonciation politique et la critique sociale ont laissé place à des œuvres intimes, jusqu’à pousser leur géniteur Austin Lunn à garder les paroles de ses morceaux secrètes, ou encore annoncer explicitement ne pas souhaiter lire de reviews de ses sorties. Si
The Scars of Man on the Once Nameless Wilderness était un double-album assez audacieux, voulant scinder black metal et musique américaine plus traditionnelle,
…and Again into the Light revient à un format et même une musicalité très classique pour Panopticon.
Le mélange des genres est ici de nouveau à l’honneur, à travers une musique que Lunn a voulu certes sombre pour évoquer ses luttes personnelles, mais dotée d’une production claire et massive dans le but de rendre l’introspection recherchée ici la plus saisissante possible. Enfin, la clarté est ici toute relative à l’écoute de la production assez particulière de Colin Marston, qui œuvrait déjà sur l’album précédent. Les guitares sont lourdes mais aussi tellement amples que le son en devient presque diffus voire chaotique, comme si Marston avait souhaité atteindre un rendu proche d’une tempête battant son plein. Les amateurs d’espaces sonores marqués et de textures riches (on y compte votre serviteur) seront ici comblés, notamment pendant le paroxysmique « A Snowless Winter », mais ce parti-pris ne mettra probablement pas tout le monde d’accord.
Pour ce qui est des compositions, Panopticon ne change pas vraiment et n’a surtout pas adouci sa formule. Le black metal atmosphérique, mélodique mais aussi violent du projet, aura rarement paru aussi naturel et pertinent que sur cet …and Again into the Light Que cela soit pendant la fureur de « Rope Burn Exit » ou « Moth Eaten Soul », qui tend vers un black/death où les blast fusent comme rarement, on sent bien que Lunn a eu à cœur de perfectionner son art depuis le tournant qu’a représenté
Kentucky dans sa discographie. La prestation touchante au possible de Erik Moggridge durant la première moitié de la semi-ballade bucolique « The Embers at Dawn », où son timbre fait des merveilles, atteste d'une maitrise certaine des émotions contradictoires, idéal souvent recherché mais finalement rarement atteint par la scène actuelle. A ce titre, des violons imposants viennent régulièrement habiller les moments forts des morceaux, sans que cela ne paraisse jamais maladroit ou forcé. L’immersion dans la nature « locale » tant adorée par Lunn est très audible avec une nouvelle fois de nombreux chants d’oiseaux (des huards à colliers notamment, « Dead Loons » leur étant visiblement dédié). Le voyage s’achève par un « Know Hope » dantesque, où une mélodie aérienne flirtant avec le post-rock cohabite avec des riffs si intenses qu’ils en deviennent éblouissants, solaires même. L’un des plus beaux moments de la discographie du projet.
…and Again into the Light est un album en forme de bilan du chemin parcouru pour Panopticon musicalement, mais aussi un symbole d’espoir pour tous ceux traversant de grandes difficultés dans leur vie. Un message certes commun, mais dont la sincérité ne pourrait être remise en cause ici vu la qualité de l’ensemble, malgré quelques longueurs difficilement évitables, et la conviction de son interprète principal. Précieux dans une scène metal se complaisant trop souvent dans le simulacre d’une mélancolie bien vaine et peu crédible. Lunn, dans un souci de faire profiter la communauté de sa réussite, reversera une partie des bénéfices de cette œuvre à une association s’occupant de personnes souffrant de troubles mentaux. Encore une bonne raison de mettre la main sur un des meilleurs albums de l’année écoulée.
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