Gorgatron - Sentience Revoked
Chronique
Gorgatron Sentience Revoked
Si l’on connait la ville de Fargo grâce au film du même nom signé des frères Coen il va falloir aussi y rajouter les vétérans de GORGATRON, qui après pratiquement deux décennies d’existence vont enfin avoir droit à une visibilité méritée et qui va s’étendre bien au-delà de leur Dakota du Nord natal. Car malgré cette ancienneté on ne peut pas dire que ceux-ci aient fait véritablement parler d’eux hors des frontières de leur état comme de leur pays, la faute à un clair manque d’exposition de leurs deux premiers albums sortis sur des toutes petites structures et aussi à un contenu global relativement quelconque. Pourtant avec leur troisième opus publié en 2020 ils avaient surpris leur monde en proposant enfin un contenu à la hauteur des espoirs engagés, et si tout cela restait calibré et sans surprises l’exécution et le niveau avaient franchement grimpé à l’échelon supérieur... ce qui était ainsi porteur de gros espoirs pour ce nouveau chapitre, surtout qu’il se retrouvait sur le catalogue de Redefining Darkness. Car on sait que le label de Cleveland n’est pas du genre à signer n’importe quoi et en général on n’est jamais déçu par celui-ci, du coup on attendait énormément de ce « Sentience Revoked » qui ne va finalement nullement décevoir. En à peine plus d’une demi-heure le combo va nous balancer une musique typiquement américaine qui sent bon les influences de NECROPHAGIST, VILE, MALEVOLENT CREATION ou encore KURNUGIA... bref du bon gros rendu qui tâche avec ce qu’il faut de parties menées à fond la caisse, de passages légèrement thrashisants, de longues séquences à la double pédale, ainsi que des solos hallucinés joués avec précision.
D’ailleurs ici le mot d’ordre semble être "efficacité" car nulle trace d’intro inutile ou d’interlude ne vient casser l’ambiance, vu que les mecs jouent pied au plancher en continu afin de conserver leur puissance et une attractivité permanente. Il suffit d’écouter le morceau d’ouverture (« Divulgence ») pour être convaincu du résultat général, vu qu’ici c’est à un mélange dense auquel on est confronté vu que ça alterne du début à la fin entre plans rampants et blasts ravageurs, ponctués de brutales accélérations et de cassures imposantes. Si tout cela n’a absolument rien de nouveau et se montre balisé à l’extrême en revanche tout y est exécuté de façon très convaincante, sans jamais en faire des caisses ni miser sur une technique exubérante... vu que tout y est suffisamment équilibré de ce côté-là (à l’instar des différents tempos) pour qu’on ne soit pas rebuté. Et ce qui va frapper par la suite c’est surtout ce groove intense et fédérateur où l’on a régulièrement envie de secouer la tête, et ce que la rythmique soit bridée comme débridée à l’instar des sombres et remuants « Conduit Of Pain » et « Blatant De-Evaluation » où la densité se montre encore plus voyante avec ces changements de vitesses incessants et cette noirceur absolue, aidée en cela par un chant growlé typique et possédé ainsi que par une production sèche et abrasive. Si la lenteur va être plus fréquente sur les impeccables « Omnipotent Error » et « Implosive » elle ne va pas avoir d’impact sur la violence générée - malgré une technicité plus présente mais jamais invasive, au contraire on a toujours cette envie d’écraser les nuques les plus résistantes dans cet océan de brume impénétrable où les coups de boutoir ne sont cependant pas oubliés. Entre tout cela on n’aura rien à reprocher également au court et Punk « Absorbency » (avec son mid-tempo ultra-entraînant et sa primitivité exacerbée qui fait mouche instantanément), tout comme aux redoutables et variés « Unaligned » / « Voiceless » où là-encore l’envie de headbanguer est immédiate... tant ici les gars nous montrent une fois encore toute leur panoplie de jeu, avec un rendu qui ne laisse pas indifférent tant ça ne cesse de ralentir comme de relancer l’allure de façon flagrante.
Terminant les hostilités avec le sympathique instrumental « Ascending Stagnation » qui laisse la part belle aux accents tribaux comme à une allure très posée (pour toujours obscurcir au maximum le résultat), cette galette comblera sans peine tout amateur de Death sans fioritures et à l’ancienne... tant il y a de quoi facilement y trouver son compte. S’il manque définitivement un truc pour faire grimper l’entité à l’échelon supérieur celle-ci remplit néanmoins parfaitement ce qu’on attend d’elle, tant ça s’écoute facilement de façon attentive comme en dilettante à défaut d’être mémorable et de devenir un futur incontournable du style. Car effectivement la seule chose qu’on peut lui reprocher c’est qu’outre être générique au possible il manque clairement une plage qui se dégage du lot pour véritablement marquer les esprits, même si ça reste loin d’être interchangeable et répétitif. Autant dire qu’on ne peut qu’être optimiste pour l’avenir du groupe qui après des périodes compliquées et de remous internes a enfin trouvé sa vitesse de croisière, et nul doute qu’il va faire du dégât sur scène où il servira de parfaite première partie des ténors, sans pour autant avoir à rougir par rapport à eux. Comme quoi cela confirme une fois encore qu’il est bon de s’accrocher et de ne jamais lâcher l’affaire... vu que les limbes crasseux de l’underground américain semblent enfin s’éloigner pour ces vieux briscards, au profit d’une lumière plus présente et c’est franchement mérité... pourvu que ça continue désormais.
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