Spectral Voice, Blood Incantation et aujourd’hui Black Curse... Décidément la scène de Denver nous aura particulièrement gâté en cette année 2024 avec pas moins de trois prétendants au titre de meilleur album de l’année. Un succès qui malheureusement fait grincer quelques dents (on vous voit sur Facebook et Instragram avec vos vieilles publications aigries) mais qu’il convient pourtant de célébrer comme il se doit, non pas pour faire comme à peu près tout le monde mais parce que je suis convaincu comme beaucoup d’autres que ces trois albums sont clairement parmi ce qui est sorti de mieux cette année.
Intitulé
Burning In Celestial Poison, ce nouvel album était donc évidemment très attendu par vous, par moi et par tous ceux tombés en pâmoison à l’écoute d’un
Endless Wound aussi redoutable qu’effrayant. Si en quatre ans rien n’a vraisemblablement changé du côté de Black Curse qui poursuit notamment ici sa collaboration avec le label allemand Sepulchral Voice Records, certains d’entre vous auront peut-être remarqué que Morris Kolontyrsky (Blood Incantation, Spectral Voice, Natürgeist...) a pourtant quitté le navire l’année dernière au profit d’un certain Ephemeral Domignostika. Un pseudonyme qui ne vous dit peut-être pas grand chose mais derrière lequel se cache pourtant Steve Peacock, un musicien que l’on connait bien puisque celui-ci officie également au sein de Spirit Possession, Ulthar et Pandiscordian Necrogenesis. Un petit changement d’effectif sans réelle incidence sur la musique de Black Curse puisque ni l’un ni l’autre n’ont contribué à l’écriture ou à l’enregistrement de ces quatre nouveaux morceaux couchés sur bande en janvier 2023 sous la houlette d’Arthur Rizk.
Afin d’illustrer ce deuxième album, les Américains ont fait appel à Brendan Macleod qui avait déjà collaboré avec Spectral Voice par le passé, notamment dans le cadre de
Sparagamos. Ce dernier signe pour l’occasion plusieurs illustrations obscures et ésotériques dont émanent de puissants sentiments de dévotion et de fanatisme. Une aura menaçante et maléfique plane ainsi sur ces nouvelles compositions qui malgré ce découpage en cinq pistes bien distinctes sont pourtant à envisager comme quatre morceaux puisque sur le papier "Ruinous Paths To Babylon" n’est effectivement sensé en faire qu’un. C’est d’ailleurs ce que suggère également les écrits suivants trouvés sur Bandcamp (
"4 curses are woven into 4 hymns of utter death-magic, which will lead you into the black abyss of the grand divine.") ainsi qu’à l’intérieur du livret (
"These four tracks were produced by Arthur Rizk, with the aid of Aidan Elias and Black Curse, over the course of seven days in January MMXXIII.").
Mais si la forme à quelque peu évolué (quatre titres d’environ onze minutes chacun contre sept compris entre deux et huit minutes pour son prédécesseur), le fond reste bel et bien inchangé. Ce qui faisait le sel d’
Endless Wound il y a quatre ans est effectivement ce qui fait encore aujourd’hui tout l’intérêt de
Burning In Celestial Poison. Parmi ces caractéristiques les plus marquantes, le degré d’intensité encore particulièrement élevé insufflé à ces compositions et le chant toujours aussi effrayant et habité d’Eli Wendler.
De fait, si ces quatre titres au long cours sont toujours l’occasion pour Black Curse de changer de braquet quand bon lui semble, les parties les plus soutenues de l’album sont quant à elle toujours menées avec l’envie irrépressible d’en découdre physiquement et psychologiquement. Radicales et furieuses à la manière de ces coups de boutoirs intenables dispensés par des groupes comme Katharsis ou Teitanblood, ces séquences particulièrement musclées font l’effet de véritables déflagrations prises en pleine tête. Des explosions de violence aussi chaotiques que jouissives qui vont inspirer autant la terreur que l’excitation, la déférence que la délivrance… Des premières secondes frénétiques de "Spleen Girt With Serpent" à "Trodden Flesh" à 1:47 en passant par l’entame et la conclusion de "Ruinous Paths...", l’essentiel de "...To Babylon" ou "Flowers Of Gethsemane" dès 0:33 , croyez-moi quand j’affirme que ces démonstrations de force implacables et redoutables ne manquent pas. Cette intensité est d’ailleurs une fois de plus exacerbée par le chant littéralement possédé d’Eli Wendler. Des vocalises infernales entre growl arraché, hurlements douloureux et malsains, incantations solennelles et hallucinées et murmures perfides et vicieux qui vont largement contribuer à ces atmosphères sombres et inquiétantes nées de ce riffing sournois et malfaisant.
En perpétuel mouvement, répétant rarement très longtemps les mêmes schémas, le Death Metal de Black Curse (aux accents Black Metal toujours aussi évidents) se distingue une fois de plus par ses quelques séquences plombées et plombantes qui vont rompre avec cette dynamique haletante et versatile qui caractérise l’essentiel de
Burning In Celestial Poison. Des passages souvent plus répétitifs ("Spleen Girt With Serpent" à 4:41 et 7:37, les premières secondes terriblement menaçantes de "Trodden Flesh" suivi de ces instants débutés à 4:39 et à 9:13, "Flowers Of Gethsemane" à 1:07) qui vont permettre d’accentuer ce monstre de lourdeur effroyable et implacable que les Américains parviennent à instaurer très habilement. Et bien que ces moments ne constituent clairement pas la majorité de ces quarante-quatre minutes, chaque titre ou presque en est ainsi pourvu afin de les rendre tout simplement plus digestes, plus variés, plus intéressants mais également plus terrifiants. Des moments plein de contrastes qui offrent à l’auditeur la possibilité de sortir la tête de l’eau et de souffler quelques secondes avant de se faire à nouveau durement malmener par un trio bien décidé à nous faire très mal.
Attendu au tournant après un premier album terrifiant, Black Curse parvient avec
Burning In Celestial Poison à faire au moins aussi bien que son inquiétant et éreintant prédécesseur. Effectivement, certaines choses ont changé à commencer par ce format de composition qui s’est sensiblement allongé et homogénéisé mais c’est bien là la seule véritable chose qui distingue ces deux albums. Pour le reste, on retrouve en effet tout au long de ces trois quarts d’heure ce qui a fait le succès du groupe dès 2020.
Burning In Celestial Poison est à l’image de son ainé un disque particulièrement physique et exigeant à cause de cette intensité et cette frénésie qui y sont dispensées, à cause de ces changements de rythmes inopinés et soudains, à cause de ces chapes de plombs sinistres et suffocantes, à cause de ces voix torturées qui, avec un plaisir certain et surtout non dissimulé, nous bouscule, nous malmène, nous violente, nous agresse pendant ces quarante-quatre minutes. Décidément, ils sont forts ces garçons...
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