Discrète formation, ou plutôt discret
one-man band) originaire de Brest,
ANAKREB s’est d’abord fait connaître en 2021 avec un premier LP éponyme et il revient aujourd’hui avec une deuxième fournée, «
Fuir les hommes », toujours sous l’étendard du
black metal.
A l’image de la pochette, la musique de
Vikko Forest n’est que noir et blanc, cauchemar misanthropique. Ainsi, au travers de six longues compositions allant de cinq à dix-huit minutes, l’homme-orchestre développe sa vision d’un art sale, impie, rejetant de tous ses pores le beau, le gai, le vivant. Et si le nom des titres me fait parfois penser aux poèmes d’Edgar Allan Poe (« Ce sombre crépuscule dans lequel j’ai chuté » ; « Le corbeau l’a percé »), ces cinquante-deux minutes ne relèvent en rien d’un quelconque romantisme, qu’il soit langagier ou instrumental. Il faudra plutôt entendre ici l’expression d’une solitude rongée par une haine qui s’auto-alimente en un circuit fermé destructeur, retranchant à chaque seconde davantage le compositeur de la société humaine.
Pour exprimer au mieux ces noirs sentiments, le musicien opte pour une version lancinante du
black en s’appuyant sur des riffs répétitifs et rudimentaires censés illustrés l’exacerbation de ce qui le ronge. Aux émotions laides répondent les sonorités de l’écœurement, le chant étant évidemment au diapason de l’ignominie : un hurlement primal charriant des immondices au rythme des humeurs, celles qui rongent lentement l’âme et celles qui explosent en des flux sanguins de colère brusque.
De part cette noirceur et ce dépouillement, l’on pourrait rapprocher
ANAKREB des groupes issus de la deuxième vague du
black metal. Un parallèle avec le
DARKTHRONE de l’époque ne semble pas usurpé, voire le
CRAFT de «
Terror Propaganda », sans le côté
punk. De plus, en dépit de la longueur de l’album, l’homme ne se laisse pas aller aux facilités que sont les longues introductions, les passages atmosphériques à rallonge, etc., si ce n’est sur la dernière composition mais cela s’inscrit alors parfaitement dans un propos, une démarche artistique. Le disque vibre tout du long d’une densité indéniable, vindicative et accrocheuse, ce qui constitue une belle réussite pour un projet porté à bras-le-corps par une seule personne.
Il demeure que se bouffer l’album d’une seule traite peut s’avérer difficile tant sa cruauté peut se transformer en fardeau trop lourd à porter pour l’auditeur mais, quoi qu’il en soit, avec cette sortie,
ANAKREB s’inscrit parmi les formations prometteuses de la scène française, avec la sincérité et l’assurance de ceux qui sont droits dans leurs rangers. A suivre, et à encourager.
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