War Metal, Black Metal, Black/Thrash Metal... La valse des étiquettes est sans fin lorsqu'il s'agit d'essayer de cataloguer l'une des réalisations d'Infernal War. Sans se soucier des limites sonores légales, du politiquement correct ou de la bien-pensance, le quintet polonais balance à la face d'un monde apeuré des disques d'une violence et d'une vélocité sans pareil, et ce depuis
"Terrorfront", sorti en 2005, mettant à l'amende bon nombre de prétendants au trône du "groupe le plus brutal du genre". Régressif ? Peut-être, mais le talent et l'insolente technique déployés par ses membres force immanquablement le respect, mentions spéciales et félicitations du jury attribuées aux solis, parfois clichetons mais toujours inspirés, ponctuant le matraquage en règle que sont les compositions, et au batteur, monstre de rapidité et d'endurance.
La délicatesse d'un T-54, qui fait s'aligner les prisonniers de guerre à terre avant de les écraser sous ses chenilles, et avec le sourire, s'il-vous-plaît. La finesse d'une exécution sommaire au dessus d'une fosse commune, menée, encore une fois, avec une banane indécente greffée au visage. Le bon-goût d'un Marduk période "Panzer Division" qui se serait administré un méchant cocktail d'amphétamines et débridé son métronome. Infernal War, c'est un peut tout ça, un hybride de ce qui se fait de plus rapide et percutant dans le genre. Presque huit ans auront été nécessaires au groupe pour forger un digne successeur à
"Redesekration", ogive nucléaire de 40 minutes, un poil brouillonne, qui renvoyait aussi gentiment que possible la concurrence se rhabiller. Sommet de brutalité ? Deux ans plus tard sortait l'EP "Conflagrator", qui montait le niveau d'un cran supplémentaire. Avec un décor pareil, autant vous dire que le défi était de taille et l'attente immense.
Toujours chez Agonia Records, Infernal War récidive donc, en cette année 2015, avec "Axiom", présenté comme
"[...]l'essence d'Infernal War [...] plus mature, plus diversifié, mais toujours sans compromis.". Et c'est avec la précision qu'on leur connaît que les polonais ont donné naissance à une machine de guerre, inspirée, directe et décapante.
La horde abandonne les introductions ambiantes, presque bruitistes, qui plantaient le décor de leurs précédentes réalisations. Point d'évocation sonore de terres labourées par les éclats d'obus, de ruines ou de cadavres encore fumants, "Axiom" démarre en trombe par l'uppercut qu'est "Coronation". Cette entrée en matière, couronnement d'Infernal War qui règne en maître sur le champ de bataille, ce déluge de blasts servis par un Stormblast gonflé à bloc, ce riffing massif servi par un mixage exemplaire, fait vite oublier l'absence des traditionnelles pièces ambiantes d'ouverture. Les doutes (légitimes) de certains fans de la première heure qui ne savaient trop quoi penser du split avec Kriegsmaschine ont été balayés d'une rafale de plomb. Non, "Axiom" ne fera ni détour par des terres inconnues, ni expérimentations grotesques. Il est le point culminant d'une discographie qui aura su rester intègre, et ce depuis le premier long format d'Infernal War. Si la forme et le fond évoluent très peu (bien que l'album possède plus de ralentissements de tempo que d'habitude), et qu'aucun bouleversement majeur n'est présent sur l'opus, on pardonne sans mal au groupe la redite tant le résultat sort des tripes et a été joué avec passion et intensité.
On oubliera ainsi que l'ouverture de l'excellent "Into Dead Soil" rappelle un peu trop celle de "Crushing Impure Idolatry" (de l'album
"Terrorfront"), tant le reste du titre est prenant, entre ce mid-tempo ravageur qui pilonne les tympans, et ce refrain que l'on se surprend à scander de concert avec Warcrimer, hurlant ses diatribes avec une conviction de fer. Si bon nombre de vocalistes de Black Metal (excellents, au demeurant) impressionnent par une voix habitée par le Malin en personne, Warcrimer, lui, n'est basiquement qu'un mec qui hurle. Il n'a pas réellement de "timbre" reconnaissable, mais cette absence n'est nullement un problème : il saigne ses cordes vocales avec tellement de conviction que ce rôle de caporal un peu grande-gueule apporte beaucoup à l'atmosphère de "Axiom". Si les paroles ne figureront pas dans le livret de l'objet, certaines parties plus compréhensibles que d'autres feront immanquablement mouche, entre les aphorismes puissants de "Nihil Prayer", le magnifique
"Nothing to prove !" de "Transfigure" que l'on croirait emprunté au Hardcore, et bien entendu, la montée en puissance présente tout au long du titre de clôture, "Axiom", où sa voix et celle (reconnaissable entre mille, pour le coup) de M. forment un ensemble aussi compact que vicieux, deux
dux bellorum qui, de concert, achèvent l'auditeur sous leurs bottes.
Il serait injuste de passer sous silence le jeu de guitare de Zyklon et Triumphator. Loin d'être occultées par Stormblast et Warcrimer, les nombreuses envolées présentes tout au long de l'opus nous gratifient de parties proprement hallucinantes. "The Parallel Darkness" et son typing épileptique sur un riff pachydermique, "Into Dead Soil" et ce sentiment de puissance qu'elles dégagent, ces solis sortis de nulle part et qui durent rarement plus de dix secondes sont autant de flashs thrashisants qui évitent au groupe de sombrer dans le lynchage basique. Des rappels des plus belles heures d'Infernal War, qui nous servait déjà des parties qu'on aurait cru confectionnées spécialement pour nous permettre de nous écharper dans une fosse, de "Death Evangelist" (sur
"Redesekration") jusqu'à "Salvation" (sur
"Terrorfront"). Au sein de l'album, chacun possède une place bien définie, un grade dans le corps armé, et chacun fait le travail qui lui est demandé avec zèle et conviction. Dès qu'il s'agit de partir au combat, les polonais nous ont maintes et maintes fois prouvé qu'ils n'étaient pas les derniers à sortir les griffes.
Finalement, Infernal War aura pris son temps pour sortir, à peu de variations près, la même recette que d'habitude. N'est-ce-pas avec les vieux mortiers que l'on creuse les meilleures tombes ? "Axiom", s'il apporte un peu de sang neuf à la discographie d'Infernal War en cassant un peu le rythme ou en allongeant certaines compositions, les centrant plus sur l'atmosphère déployée que sur l'agression primale (le dernier titre s'en fait l'écho direct), reste dans la droite lignée des précédents full-lengths de la horde. Aussi véloce que brutal, transcendé par un son qui n'aurait pas pu être meilleur, le nouvel Infernal War est un massacre pur et simple. Et c'est tout ce que l'on attendait d'eux.
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