Blóð - Mara
Chronique
Blóð Mara
Si le nom de BLOÐ signifie "Sang" en islandais il n’a en revanche rien de commun avec l’île du feu et de la glace quand on évoque ce binôme du même nom, vu que celui-ci est typiquement français avec à la manœuvre Ulrich "Dagoth" Wegrich et sa femme Anne Nouk qui reviennent déjà avec un troisième album sous le bras de leur projet Blackened Doom/Sludge toujours aussi poisseux, obsédant et idéal pour se mettre dans l’ambiance des cérémonies occultes. Poursuivant son travail d’exploration des tourments liés aux possessions diaboliques comme aux divers sentiments de malaise intérieur le duo aura pris son temps pour publier ce nouveau chapitre, qui sans se renouveler totalement se montre néanmoins plus ambitieux et clinique dans la façon de faire sonner sa musique. Car si de prime abord tout paraît être monolithique et identique cela n’est finalement pas si évident, tant le couple ne va jamais hésiter à jouer sur la douceur et le recueillement autant que sur la violence et la peur (le tout se mêlant ensemble très intelligemment), tout en conservant une grosse dose de noirceur et un mur du son massif.
Car porté par une production imposante ce disque va durant cinquante minutes faire passer l’auditeur par toutes les émotions sans s’éloigner forcément de sa zone de confort qui lui sied parfaitement, la preuve sur « Gehenna » qui va dévoiler une froideur absolue et à l’obscurité impressionnante... tout en osant l’exotisme de par ces chants traditionnels venus d’Asie et cette voix féminine envoûtante, telle une invitation au voyage et à l’introspection. D’ailleurs ce relatif apaisement sera visible à plusieurs reprises, et tout d’abord sur « Malignant » où la boucle rythmique hypnotique se voit densifiée par cette voix mélodieuse apaisante d’où émerge un râle masculin qui amène un supplément d’âme à ce départ vers des contrées inconnues... où l’heure est à la tranquillité malgré ses accents tristes et désespérés. Sans jamais s’emballer le tempo au bridage intense va voir néanmoins quelques subtiles poussées en pression à l’instar du tribal « Martyr », où la sensation d’être dans un trou noir est plus présente que jamais et sans y oublier une agressivité renforcée et des passages tribaux du plus bel effet, histoire que la relative paix intérieure entendue jusque-là ne soit pas permanente. Cela permet ainsi de tromper son monde et de montrer que ça sait aussi monter en virulence sans perdre en attractivité, et même quand pour cela il faut rajouter certaines atmosphères bienvenues telles qu’on va l’entendre sur le monstrueux « Mara » qui va grimper en force du côté du dynamisme. Voyant même quelques passages où l’on se surprend à secouer la nuque - et aidé par une alternance entre cris et voix posée, ce morceau offre un large panel d’influences de la formation qui se dévoile progressivement avant l’arrivée dans la foulée de « The White Death », où les choses vont aller encore plus loin. En effet ici outre la noirceur plus accentuée que précédemment on va surtout avoir droit à une montée en pression de façon progressive, tel le calme avant la tempête et en proposant un excellent panel de tout ce qui a été entendu jusque-là... toujours joué et interprété d’excellente façon vu que l’on n’est toujours pas redescendu de ces terres inconnues où la bande nous emmène.
Du coup il ne sera pas étonnant que l’autre moitié de ce long-format continue sur cette lancée, que ce soit avec le court et spatial « Chthonia » (dont le néant sidéral est impressionnant) et l’interlude apaisant « Frost » où retentissent quelques doux arpèges relaxants et gelés. Si le désertique « Covenant » va nous emmener au milieu de nulle de part, si ce n’est près des différents dieux toujours à l’affût... ceux-ci vont se faire plus présents sur le mystique « Queen Ov Hades » qui résonne presque comme une prière envers le défunt, vu qu’on y trouve des éléments pour lui permettre de faire cet ultime déplacement dans un contexte apaisé. Car si l’on sent que tout est mis en œuvre pour l’emporter au loin dans les meilleures conditions possibles, cela est dû au fait que l’entité propose des parties vocales susurrées très agréables, idéales donc pour emmener l’âme vers des contrées inconnues et inhospitalières... avant que la (trop) longue conclusion intitulée « Mother Of All » ne vienne durant douze minutes à rallonge servir d’outro à un disque qui pouvait aisément s’en passer. En effet hormis proposer du riff plus grassouillet et massif il n’y a pas grand-chose de plus à se mettre sous la dent, et ça n’est pas l’ajout de samples synthétiques pour clore les hostilités qui va permettre à cette composition de retrouver un semblant d’intérêt... mais qui heureusement ne fait pas oublier tout le reste entendu auparavant, et où rien n’est à jeter.
Conservant cette tendance bienvenue à ne pas trop en faire techniquement comme musicalement les mariés livrent ici ce qui est sans doute leur meilleure réalisation commune à ce jour, et surtout la plus diversifiée et authentique... tant les nombreuses émotions vont demander du temps et de la patience pour être totalement appréhendées, et ainsi appréciées à leur juste valeur. Demandant donc de l’attention continue et une mise en condition optimale (pour pouvoir se laisser happer dans cet univers envoûtant qui ne laissera pas indemne) ce nouveau chapitre cohérent et à la qualité constante a de quoi offrir de longs moments d’intériorisation comme de réflexion, où l’on se sentira à l’aise comme après une séance de yoga ou d’hypnose. Bref de la légèreté et du plaisir à l’état pur qui raviront autant les amateurs de brutalité que ceux aimant un certain raffinement de bon goût, tant il va falloir creuser régulièrement l’objet pour y découvrir intégralement chaque note et ainsi le maîtriser correctement... vu qu’il peut paraître instable de prime abord, mais finalement plus équilibré et attirant qu’on ne pouvait le croire initialement.
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