L’album terminal d’Unearthly Trance. Celui avec lequel le groupe a arrêté les frais pendant quelques années, avant de se reformer et de créer l’impérial
Stalking the Ghost. A l’époque cela semblait aussi dommage que logique : après le bien nommé
Electrocution, les New-Yorkais reviennent avec un album aussi mystérieux, sobre de sa pochette à son titre, que jusqu’au-boutiste, faisant de ce point final un point d’interrogation allant parfaitement à cette longue question qu’a été pour moi – et reste toujours – la formation.
Car – suivons leur démarche et allons au bout des choses, du début à la fin – Unearthly Trance a longtemps été pour moi une énigme trop hermétique. A la façon de Neurosis, c’est après des tentatives répétées que sa musique a fini par me plaire. Me laissant longtemps aussi fasciné qu’ennuyé, pris dans des brumes, des ambiances de nuit que je trépignais d’allumer dans mon esprit, il m’a demandé du temps pour apprécier les silhouettes qu’il dessine, les faire miennes et partir à leur recherche quand elles se faisaient lointaines. Un sludge lisible, moderne, accessible sur la forme mais qui laisse en bout de route si on n’arrive pas à le suivre.
Alors comment appréhender ce disque, qui justement fait de la voie sans issue son chemin de traverse, laisse croire qu’il a l’intention d’aller au-delà du tunnel alors qu’il s’enfonce en réalité dans un conduit sans fin, le passage étant en réalité sa destination ? Une musique qui cherche à se faire néant, des symboles au service du non-sens : c’est cette absurdité-ci qu’embrasse
V. A nous de décider si l’on veut s’y noyer avec lui ou chercher, comme dans tant d’autres albums, des bancs sur lesquels se reposer dans la pénombre, une lumière guidant notre marche.
Ces facilités, Unearthly Trance ne les utilise jamais sur ces cinquante-neuf minutes. Sa nuit est La Nuit, avec le gris en guise d’éclairage, que nos yeux voient à force d’habitude. Un gris verdâtre, uniforme et métallique, vert-de-gris comme sa pochette, qui sera ici la seule aide pour apprécier du regard les images que la bande invoque. Des images de lisière, entre sludge monolithique et doom implacable, entre ville et forêt, une banlieue qui s’arrête brutalement vers aucun lieu, une nature sauvage et inexplorée marquant la frontière. Une lisière dont on peine à percevoir le début de ce qui est connu et le pas vers l’inconnu, décor surnaturel et morne, l’au-delà à distance d’une porte qu’on ne franchit jamais.
Raison pour laquelle j’ai si souvent cherché en
V une clé, tant j’avais l’impression de me situer à deux pas d’entrer dans la musique d’Unearthly Trance ? Peut-être. Toujours est-il que les verrous ont fini par sauter, à l’écoute de ces quelques moments d’élévation statique, ces instants où les guitares s’ébrouent, se mêlent au paysage, se meuvent dans une dynamique impavide, presque héroïque par à-coups, et en même temps souffreteuse, essoufflée par quelques maladies pulmonaires inconnues... D’autres ont pu créer de belles œuvres de travail au noir, faire de la nuit leur lieu de besogne interdite mais entendue, comme un contrat convenu entre l’écoutant et l’écouté : les New-Yorkais, eux, réintroduisent en elle sa mystique particulière, ce qu’elle a de total et en même temps d’irrésolu, son ton-sur-ton qui n’appuie rien, à part le Rien. Ce qu’elle a d’identifiable, de quotidien et, paradoxalement, la clandestinité de ses sons sans origine claire, son opacité qui grouille de vie, son silence apparent et ses milles froissements, hululements, bruissements.
Certainement, cela peut laisser penser de ce cinquième longue-durée qu’il est le plus difficile d’accès, le plus mental, où l’esprit pourra chercher en
Season of Seance, Science of Silence ou encore
In the Red des ambiances proches mais nettement plus distinctes. Pourtant,
V est l’aboutissement de la part la plus fascinante d’Unearthly Trance, ce héraut d’un style urbain qui, chez lui, a donné plus d’une fois l’envie inattendue de partir hurler avec les loups. Ce que le groupe pouvait avoir de trouble, de plus habité qu’ailleurs, explose ici, conquiert chaque ligne insoluble et fiévreuse.
V reste malgré les années et les certitudes que j’y ai trouvé un album que j’écoute avec des envies particulières, des dispositions que je n’ai pas toujours. C’est bien en raison de sa personnalité forte, de son atmosphère à-part, qu’il me rebute autant qu’il me passionne selon les occasions. Une étrangeté qui fait de ce disque – et plus largement d’Unearthly Trance – un objet qui ne sera jamais culte, dans le sens où il ne fait et ne fera ni date, ni école.
V est bien au-delà de tout cela, tant il conserve des allures d’ovni malgré le temps qui passe. Peu importe les chronologies : il fut et reste l’album de la fin d’Unearthly Trance.
...Quant à vous dire ce que ce climat nocturne et sans retour peut éveiller en soi, lorsque s’envisage d’entendre ici sa nuit intérieure, celle qu’on sent nous appeler parfois lors des heures qu’on vole au soir... Ce voyage-ci reste personnel, et je serai bien malpoli de vous en priver.
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